Condamnations et inquiétudes aux Etats-Unis et dans le monde Le Temps-Agences - Le projet d'un groupe évangélique américain de brûler le Coran le 11 septembre suscitait hier de fermes mises en garde de par le monde, les Etats-Unis disant craindre pour la vie de leurs soldats en Afghanistan et craignant une montée du sentiment anti-islam. Le "Dove World Outreach Center" ("Centre colombe pour aider le monde"), petit groupe fondamentaliste chrétien basé en Floride, veut brûler en public des exemplaires du Coran samedi à Gainesville à l'occasion du neuvième anniversaire des attentats du 11-Septembre. L'initiative, censée «glorifier» le souvenir des victimes des attentats, tombe à un moment sensible: les Musulmans célèbrent autour du 10 septembre la fin du ramadan. Ce projet est "source d'inquiétude" et "place nos troupes en danger", a déclaré mardi la Maison Blanche, appuyant les craintes soulevées par le général David Petraeus, commandant des forces internationales en Afghanistan. "Je suis très inquiet des répercussions possibles", a déclaré le haut gradé, estimant que cela servirait la propagande des talibans en Afghanistan et renforcerait le sentiment anti-américain dans le monde musulman. Une manifestation, sans violences, avait réuni environ 200 hommes lundi à Kaboul, aux cris de "Vive l'islam". Le pasteur de l'église en question, Terry Jones, a assuré sur la chaîne CNN que les "paroles du général étaient prises très au sérieux", mais qu'il était "fermement résolu" à mener le projet à bien, assurant "qu'on ne peut pas reculer devant les dangers de l'islam". Pour sa part, la chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, a déclaré lors d'un dîner de rupture du jeûne (Iftar) organisé au département d'Etat: "Je suis encouragée par la condamnation claire et sans équivoque de ce geste irrespectueux, qui est venue des chefs américains de toutes les religions (...) ainsi que des dirigeants américains laïques et des leaders d'opinion". Composé d'une cinquantaine de membres, le "Dove World Outreach Center", créé en 1986, accuse l'Islam de chercher à «dominer le monde» et a appelé d'autres groupes religieux à rejoindre "La journée internationale pour brûler le Coran". Des associations musulmanes ont estimé que cette démarche confirmait l'augmentation de l'islamophobie aux Etats-Unis où un projet de centre islamique près de "Ground Zero" à New York déchaîne les passions. Le ministre américain de la Justice Eric Holder qui a reçu mardi soir 16 associations religieuses toutes croyances confondues afin d'examiner les mesures que l'administration peut prendre contre les attaques anti-musulmans, a affirmé que le fait de brûler le Coran serait "idiot et dangereux", selon des propos rapportés par une des représentantes de la communauté musulmane. Une association de vétérans américains, les Veterans of Foreign Wars (VFW) a estimé qu'il n'y avait "rien à gagner et tout à perdre dans ce geste égoïste", dénonçant dans un communiqué l'oeuvre "d'extrémistes religieux". "Nous pensons que l'acte consistant à brûler un Coran (...) est contraire à nos valeurs", a insisté de son côté le département d'Etat, en évoquant une idée "provocatrice, irrespectueuse, intolérante". L'initiative a également été condamnée par le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen, qui a souligné qu'elle "risque d'avoir des conséquences néfastes sur la sécurité de nos troupes". ------------------------ Les dignitaires religieux américains «Une frénésie anti-musulmane» Le Temps-Agences - De hauts dignitaires religieux américains se sont joints mardi à la condamnation de l'initiative d'une église de Floride qui veut brûler un exemplaire du Coran pour l'anniversaire des attentats du 11-septembre. Des responsables chrétiens, musulmans et juifs ont dénoncé une "frénésie anti-musulmane" et la "désinformation et la totale intolérance" dans le débat sur le bien-fondé de construire une mosquée à deux pâtés de maisons de Ground Zero, le site où se trouvaient les tours jumelles du World Trade Center détruites lors des attaques du 11 septembre 2001. Les tensions, vives à l'approche du neuvième anniversaire du 11-septembre, ont été attisées par l'initiative de Terry Jones, pasteur d'une petite église de Gainesville, en Floride, qui veut brûler un Coran pour "dépeindre l'Islam" comme une "religion violente et oppressive". Plusieurs hauts dignitaires, dont l'archevêque catholique émérite de Washington, le cardinal Theodore McCarrick, et le Dr Michael Kinnamon, du Conseil national des Eglises, se sont dits très inquiets de cette "frénésie anti-musulmane" et "effarés par tant d'irrespect pour un texte sacré". "Attaquer une religion aux Etats-Unis c'est une violence à l'encontre de la liberté religieuse de tous les Américains", disent-ils dans un communiqué également signé par le rabbin David Saperstein, chef de l'Union pour le judaïsme réformé, et le rabbin Julie Schonfeld, de l'Association des rabbins conservateurs. "La menace de brûler des copies du saint Coran ce samedi est une offense particulièrement extrême qui appelle la condamnation la plus ferme possible de la part de tous ceux qui accordent de la valeur à la politesse dans la vie publique et veulent honorer la mémoire sacrée de ceux qui ont perdu la vie le 11 septembre", poursuit le texte. La Société islamique d'Amérique du Nord a pour sa part appelé les musulmans du monde entier à ne pas considérer les voix les plus extrêmes et ne pas justifier ainsi des actes contre les Juifs ou les Chrétiens. "Ils ne représentent pas l'Amérique, ils ne représentent pas la Chrétienté ou le Judaïsme", a dit le Dr Ingrid Mattson, membre de cette organisation qui a contribué au communiqué des responsables religieux. Elle a cependant souligné que l'anxiété et le sentiment d'insécurité étaient de plus en plus répandus chez les musulmans américains.