Les nostalgiques étalent de nouveau leurs frustrations. Des cris s'élèvent, voire des suppliques : « Marx revient ! » D'autres, plus modérés, invoquent Keynès et ses théories dirigistes. Tout s'entre-mêle : le capitalisme qu'on diabolise ; le libéralisme qu'on associe au « libertinage politique » et les croissances dont on se disputait, jadis, les dividendes. Depuis longtemps, les observateurs progressistes et les théories des nouvelles économies appelaient déjà à cerner la bombe à retardement que fut la déréglementation. Et du coup, les modèles des économies classiques n'ont pas de réponse car, avec la « bénédiction » du gendarme du monde, les politologues autour de Bush, et même avec Clinton et Bush père s'étaient approprié la chose économique, en fonction des « intérêts vitaux » ou de ce que James Baker appelait « les affaires » pour justifier la première guerre du Golfe. Aujourd'hui les spécialistes sont presqu'unanimes : la crise économique mondiale couvait depuis la première invasion de l'Irak. Elle s'est accentuée avec la chute de Bagdad et de Saddam et, en passant, le 11 septembre aura marqué tous les équilibres politiques et économiques mondiaux d'une pierre noire. Neuf ans après la tragédie des World Trade Center et sous l'emprise d'un capitalisme désormais schizophrène n'ayant plus de modèle, ni de règle, la planète vit dans un cycle infernal. La seule certitude, c'est que la Chine est en passe de devenir la première puissance économique mondiale. Cela veut dire que plusieurs décennies avant Alain Peyrefitte** avait vu juste. Or le cheminement par lequel l'Empire du milieu y est parvenu n'est pas celui préconisé par le penseur français. Le fait est qu'après la chute du Mur de Berlin, l'Amérique a été s'implanter là où la « défunte » URSS s'est désengagée. Puis dès que Poutine eut décidé de changer de trajectoire géostratégique et de renforcer son bouclier anti-atlantiste, la Chine s'est carrément engouffrée là où la Russie croyait pouvoir s'éterniser : les fins fonds de l'Afrique. Donc, à bien y réfléchir les maux de la Planète viennent des ambivalences américaines. Géostratégie mal dessinée depuis 45 ; puis économie mondiale asservie à ses intérêts depuis 89. Or, aujourd'hui, tout cela est remis en question par la Chine. Et c'est là que Jean François Revel, l'homme qui en avait « toujours avoir raison », est démenti à titre posthume. Car dans son livre « Ni Marx ni Jesus », il avait prophétisé une révolution de fin de siècle (dernier) aux Etats-Unis. Il voulait dire ni capitalisme, ni communisme, mais un modèle nouveau que créeraient les Etats-Unis. Et c'est là que Peyrefitte lui dame le pion. « La Chine s'est éveillée ». Et cela conforte les économies émergentes !