Conférence de l'éminent professeur Axel Khan à la Cité des sciences - Un besoin de repères moraux émerge en ces temps où les valeurs humaines s'effritent. La question de l'éthique entoure notamment le monde de la science régenté depuis l'ère du temps par des principes moraux, calquant des préceptes religieux qui semblent immuables et stéréotypés. Le monde scientifique et médical n'a pas encore reçu les réponses qu'il exige à des questions d'une actualité brûlante comme celles du clonage et de l'euthanasie. Jusqu'où peut aller la science et où peut-on arrêter la recherche médicale au nom des principes moraux et à l'appel de l'éthique médicale. Pour y répondre, on a convié dans nos murs l'éminent généticien français le professeur Axel Khan. L'invité du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique et de l'Institut supérieur de coopération qui était hier à la cité des sciences, est un médecin et essayiste français qui s'est longtemps penché sur des questions liées à l'éthique en sa qualité d'ancien membre du comité consultatif national d'éthique et directeur de recherche à l'INSERM . Le Président de l'Université Paris Descartes et l'auteur du livre ‘'Un type bien ne fait pas ça'' est un homme bien certes, puisqu'il s'attèle à des questions qui minent de l'intérieur le monde de la recherche scientifique, avec l'âme de l'humaniste et l'esprit du cartésien. La salle de la conférence était comble à l'heure où le professeur Khan présentait sa communication autour du thème ‘' progrès médicaux et éthique''. Ethique et morale Notre conférencier a procédé à l'explication des principes de l'éthique fondamentale pour passer à l'éthique appliquée au clonage, l'euthanasie, etc. Il a commencé, en effet, par élucider sa modalité d'approche qui consiste à faire la différence entre éthique et morale. La morale se définit, selon lui, comme l'ensemble des réflexions sur ce qui est l'action correcte. Il est question donc de savoir si la science biologique et médicale qui a débouché sur des pratiques utilisées sur l'homme a la légitimité d'appliquer certaines innovation. Le champ de la bioéthique se définit, par ailleurs, comme la réflexion sur la dimension morale de l'action, pour réfléchir ainsi, sur la question du bien et du mal dans la science. «Pour faire naître un enfant pour soigner un autre, est-ce qu'on doit se référer au code de la déontologie ou de la loi ou doit-on se rapporter aux valeurs qui fondent notre perception et qui cristallisent une communauté régionale ou nationale ? Quand on réfléchit sur l'innovation sur l'homme, on est dans le champ de la bioéthique. Mais est-ce que les valeurs qui se valent pour les uns le sont pour les autres ? » remarque-t-il pour montrer par la suite, à la lumière des faits historiques que les humains ont des valeurs partagées et que la valeur de l'Autre est d'emblée reconnue scientifiquement. Principe de réciprocité « Nous sommes élevés pour pouvoir profiter de la richesse de l'univers mental potentiel commandé par nos gènes. Pour que les Homosapiens s'humanisent il faut reconnaitre la valeur de l'Autre. C'est le principe de la réciprocité, indispensable à l'émergence de l'humain », souligne notre interlocuteur qui continue « L'embryon défini biologiquement comme la forme cellulaire ou pluricellulaire qui dans des conditions favorables donne naissance à un bébé. » Il a présenté les différentes acceptions de l'embryon selon les religions monothéistes, considéré comme un être humain doté de vie, dans la majorité des cas. « L'embryon est ce qu'il est et la valeur qu'il a pour les autres. Il est donc raisonnable de s'interdire de fabriquer l'embryon comme matériel expérimental. Mais doit-on pour autant interdire la recherche sur l'embryon ?» continue-t-il pour montrer que des situations concrètes imposent l'utilisation non pas de l'embryon mais des cellules souches embryonnaires isolées qui ne donnent pas de bébé. Pour ou contre le clonage thérapeutique ? « L'embryon qu'on clone pour guérir l'Alzheimer ou certaines maladies du cœur ou encore la paralysie n'a pas donné ses preuves d'efficacité. Les chercheurs qui l'appliquent auraient failli au principe moral de la réciprocité. » Notre chercheur soutient par ailleurs l'idée qu'on peut faire naître un enfant pour guérir un autre si avoir un enfant n'est pas un moyen mais une fin en soi. Il invoque en ce sens le cas de la petite Molly qui souffrait d'une maladie incurable qui fait que la fillette ne peut pas produire de globules rouges. On a donc isolé les cellules souches hépatiques du placenta à la naissance de son frère Adent qu'on a utilisé pour guérir la petite américaine. Un cas similaire s'est présenté en France mais sans la garantie de guérison a été rejeté par le comité consultatif national d'éthique en France. Médecine de prévision Le professeur Khan a, par ailleurs, évoqué la question de la génétique qui a des possibilités formidables nous faisant détecter une maladie à l'état prénatal amenant d'interrompre la grossesse. « Peut-on éviter la vie d'un être humain qui peut développer une pathologie après 30 ans d'existence ? » Pour ou contre l'euthanasie ? La fin de la vie se présente, selon lui, dans deux situations différentes, au début de la vie et à la fin de la vie. Pour le premier cas de figure et dans la majorité des cas cela revient aux parents de prendre la décision de donner la vie à l'enfant ou de s'y abstenir. Dans le deuxième cas, la question revient à rappeler le principe même de la médecine qui n'est pas de maintenir la vie mais celle qui vaut d'être vécue. Un malade qui entre dans le coma et dont la maladie est incurable on peut selon le professeur Khan ne pas lui administrer des médicaments parce qu'elle est vouée à la mort. Mais si la personne est souffrante et qu'elle demande à ce qu'on lui abrège la vie, il ne faut pas être favorable à sa demande. « Car le rôle de la médecine c'est de lui donner une raison de pouvoir vivre encore plus en soulageant ses douleurs, en soignant sa vie souffrante. » conclue le professeur Khan qui se montre convaincu quant à la nécessité de cheminer vers une refonte des croyances morales et éthiques.