Le colloque, organisé conjointement par l'Institut Supérieur de Théologie de Tunis-Université de la Zitouna et la Fondation allemande Konrad-Adenauer-Stiftung, soulève des questions tenant à l'instrumentalisation des religions - En ces temps de montée des extrémismes religieux de tout bord dans un monde de plus en plus globalisé, un besoin de poser l'altérité comme base de la cohabitation pacifique émerge. Ce besoin est d'autant plus pressant que les approches sécuritaires se sont révélées jusqu'ici peu efficaces. Comment peut-on mettre en œuvre ce très délicat chantier à l'heure où toutes les religions dominantes s'orientent vers une logique de combat et de militantisme ? Et surtout comment faire passer le respect de la pluralité d'un simple slogan creux à une pratique enracinée dans le quotidien de nos sociétés modernes ? Pour répondre à ces lancinantes interrogations, l'Institut Supérieur de Théologie de Tunis-Université de la Zitouna et la Fondation allemande Konard-Adenauer-Stiftung organisent depuis hier, à Tunis, un colloque scientifique international ayant pour thème «Religion, socialisation et société civile». Une quarantaine de chercheurs, d'universitaires et de religieux de confession musulmane, juive et chrétienne se sont réunis autour d'une même table pour tenter d'identifier les moyens d'instaurer des règles de conduite humaine nécessaires à une vie commune et pacifique entre les peuples, les civilisations, les religions et les cultures. Lors de son allocution d'ouverture des travaux du colloque, M. Salem Bouyahya, président de l'Université de la Zitouna, a d'emblée donné le ton. « Les dernières années ont été marquées par la montée partout dans le monde d'extrémismes religieux différents par leur histoire et par leurs manifestations, mais dont l'essor est extrêmement inquiétant. Ces mouvements extrémistes qui s'inscrivent souvent dans le cadre d'une réaction épidermique à la modernité sont la traduction d'une religion instrumentalisée au service d'une revendication politique ou sociale», a-t-il indiqué. Et d'ajouter : «cette militarisation accrue des religions nous oblige aujourd'hui d'engager la réflexion sur l'instauration de règles de vivre-ensemble au plan local et universel». Stéréotypes Abordant le thème de la socialisation religieuse des populations musulmanes dans l'espace euro-méditerranéen, M. Michel Brondino, directeur de l'encyclopédie de la Méditerranée, a indiqué que les sociétés du pourtour méditerranéen doivent apprendre à vivre la pluralité des cultures, des religions et des valeurs face aux bouleversements provoqués par la mobilité dans le cadre des flux migratoires ou des déplacements touristiques. «Nos émigrés sont plus que jamais appelés à s'engager à respecter les mœurs, les coutumes et les valeurs des pays d'accueil. Les pratiques religieuses des émigrés ou des touristes doivent être compatibles avec ces valeurs, mais la liberté du culte doit être garantie et respectée conformément au principe de la laïcité» , suggère-t-il. De son côté M. Mohamed Seghaïer Janjar, professeur à la faculté des sciences sociales de Casablanca, a estimé que «les pratiques religieuses prêt-à- porter et détachées des cultures locales doivent être bannies». Impliquer davantage la société civile M. Janjar a, par ailleurs, noté que le respect de la pluralité peut passer d'un simple slogan creux à une pratique enracinée dans le quotidien de nos sociétés grâce à une plus grande implication de la société civile. Il s'agit plus particulièrement de réactiver le rôle des institutions traditionnelles de socialisation religieuse comme la famille, la Mosquée, la «Zaouia » ou encore l'école et d'encadrer l'essor des nouveaux moyens d'éducation religieuse comme les chaînes satellitaires, les groupes de pairs et Internet. Le colloque, qui se poursuivra jusqu'à demain, a été également une occasion pour combattre les clichés véhiculés sur l'Islam souvent vilipendé par des médias et des politiciens qui déforment la réalité avec cynisme en se basant sur des lectures erronées du texte coranique . M. Abadallah Abbas Chouman, professeur à l'université Al-Azhar du Caire, a fait savoir que la dernière religion monothéiste est favorable à la pluralité et préconise la libre circulation et l'intégrité physique des non- musulmans en terre d'Islam.