• La règle du moins-disant dans l'octroi des marchés, pomme de discorde - Les ingénieurs-conseils ont des bleus à l'âme…Réunis hier, à Tunis, dans le cadre d'une conférence organisée par l'Ordre des Ingénieurs Tunisiens (OIT) sur le thème «L'ingénierie-conseil face aux défis futurs», ces ingénieurs spécialisés dans les domaines des expertises, de la conception des projets , de la planification stratégique et de la gestion du développement ont longuement fustigé la «gabegie» qui règne dans le secteur. M. Ghlem Debbache, président du Conseil de l'Ordre des Ingénieurs Tunisiens a, d'emblée, souligné la nécessité d'une réforme urgente de la profession d'ingénieur-conseil à l'heure où la Tunisie a adopté une stratégie nationale de la mise à niveau du secteur des services. «L'ingénierie-conseil a elle-même besoin d'une mise à niveau intégrale afin qu'elle puisse relever le défi crucial de la qualité à l'échelle nationale et de l'accès aux marchés étrangers porteurs. Nos ingénieurs conseils sont plus que jamais appelés à sortir de leurs frontières et à trouver une place au soleil en Afrique, en Europe de l'Est et au Moyen Orient où des parts de marchés restent à prendre», a-t-il souligné. Même son de cloche chez Amine Turki, secrétaire général du Conseil de l'Ordre des Architectes Tunisiens (COAT) et membre du Conseil de l'Union africaine des architectes : « le vieillissement de la population tunisienne, le taux élevé de la propriété immobilière et la montée en flèche du nombre des ingénieurs ont conduit à une certaine saturation du marché local. D'où la nécessité de partir à la conquête de nouveaux marchés qui sont toujours en friche ». Mais peut-on réellement réussir en dehors des frontières nationales si on peine à remporter des contrats et acquérir des références sur son propre marché ? Contraintes Du côté des ingénieurs-conseils tunisiens qui exercent majoritairement au sein de plus de mille bureaux d'études et de sociétés de consulting, la réponse fuse : « Plusieurs dizaines de nos meilleurs bureaux d'études ont été contraints à mettre la clef sous le paillasson sous l'effet d'une règlementation qui se soucie comme d'une guigne de la bonne qualité des prestations », martèle M. Moncef Boussabah , directeur général du bureau d'études GIC-Tunisie Ingénieurs conseils. Et d'ajouter : « dès l'aube de l'indépendance, nous avons largement réussi le pari de la ‘tunisification' de l'ingénierie. Une véritable cassure est, toutefois, intervenue il y a quelques années. Il s'agit de l'adoption de la règle de l'offre financière la moins-disante dans la règlementation relative à l'octroi des marchés publics» M. Boussabah estime que le principe du moins-disant a entraîné une déplorable baisse de la qualité des prestations fournies par les ingénieurs conseils tunisiens. « Les bureaux d'études soucieux de la bonne qualité de leur services se sont retrouvés en train de manger de la vache enragée alors que ceux qui acceptent de faire du n'importe quoi ont prospéré. Regroupements De son côté, M. Fethi Ennaïfer, directeur général du bureau d'études GEOIDD, a souligné que la nécessité de restructurer le marché tunisien de l'ingénierie-conseil en réaménageant la règlementation relative à l'octroi des marchés publics. « A l'instar des pays développées, cette réglementation doit prendre en considération l'offre technique à hauteur de 80% et l'offre financière dans une proportion de 20%. Ce n'est que de cette manière qu'on peut permettre à nos bureaux d'études soucieux de la bonne qualité de leurs prestations d'acquérir les références et la curabilité nécessaires pour accéder aux marchés extérieurs», suggère-t-il. D'autre part, M. Ahmed Friaâ, ancien ministre des technologies de la communication et “patron” d'une société de consulting en ingénierie, a plaidé pour la constitution de regroupements de bureaux d'études tunisiens afin de les doter de la taille critique qui leur facilitera l'accès de l'ingénierie- conseil tunisienne aux marchés porteurs. «Nos plus grands bureaux d'études ne comptent chacun que quelques dizaines d'ingénieurs-conseils dans le meilleur des cas. Dans les pays développés, chaque bureau compte, en revanche, des centaines, voire des milliers d'ingénieurs », a-t-il indiqué.