12 architectes, poseurs de cachets, radiés - Bien qu'ils soient un maillon essentiel de la chaine d'intervenants dans le secteur du bâtiment, les architectes ne profitent pas suffisamment du boom de l'immobilier en Tunisie. C'est que des centaines d'agents municipaux, de décorateurs d'intérieur ou encore d'ingénieurs se redécouvrent du jour au lendemain des talents d'architectes, causant au passage un énorme préjudice à toute la profession et à l'esthétique urbaine. Gros plan sur un métier aux fondations fissurées… Au début des années 60, le nombre des architectes tunisiens ne dépassait pas une cinquantaine. Profitant de ce manque cruel de spécialistes de l'organisation de l'espace urbain dans un pays fraîchement indépendant et qui ressemblait à un immense chantier à ciel ouvert, plusieurs professionnels exerçant des métiers connexes à l'architecture comme les ingénieurs, les architectes d'intérieur, les techniciens en architecture, les décorateurs se sont introduits illégalement dans la profession. Même des agents municipaux membres des comités spécialisés dans l'octroi des permis de bâtir se sont engouffrés par la brèche ! Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et le nombre d'architectes inscrits au tableau du Conseil de l'Ordre a atteint 2842 à la fin 2009, mais la brèche est restée toujours ouverte. «Les intrus à la profession qui acceptent des honoraires défiant toute concurrence avec les émoluments exigés par un diplômé de l'école de l'architecture constituent une véritable gangrène qui ronge la profession», s'offusque Karim Ellouze, président du Conseil de l'Ordre des Architectes Tunisiens (COAT). Circuits tortueux Dans la pratique, ces intrus à la profession agissent en connivence avec certains architectes qui acceptent de poser leurs cachets sur des plans de construction souvent mal conçus en contrepartie d'une somme d'argent. Ils utilisent de nombreux circuits tortueux pour ne pas tomber sous la coupe de la loi. « Avec la complicité de certains agents municipaux membres des commissions d'octroi des permis de bâtir, des confrères posent des cachets et octroient ainsi des permis de complaisance. Même avec le décret imposant la présence d'un architecte dans ces commissions, la pratique perdure. D'autant plus que les agents municipaux ont recours à toutes les ruses possibles et imaginables pour marginaliser le rôle de l'architecte dans ces commissions», se désole M. Ellouze. Les ingénieurs, les techniciens en architecture ou les décorateurs embauchent souvent de jeunes architectes à la recherche d'emploi pour profiter de leurs cachets. Conséquence : ces «pseudo-architectes» accumulent les projets, alors que les gens de la profession galèrent. «A l'issue d'une enquête que nous avons menée récemment, nous avons découvert qu'un seul architecte a posé, à lui seul, illégalement 3000 cachets de complaisance sur un total de 60.000 cachets posé en une seule année à l'échelle nationale. Dans le même temps, des centaines parmi ses confrères galèrent puisqu'ils ne traitent que quelques dossiers par an », révèle le président du COAT. Tour de vis Après avoir fermé durant plusieurs décennies les yeux sur l'accroissement du nombre des intrus à la profession en raison de l'impossibilité de réunir des preuves contre ces «pseudo architectes», le Conseil de l'Ordre a changé le fusil d'épaule. Outre la sensibilisation des adhérents sur les retombées néfastes de ce phénomène, il vient en effet d'engager des poursuites judiciaires contre de nombreux poseurs de cachets et intrus à la profession pour exercice illégal de la profession et usurpation de titre. «Durant le mandat 2008-2010, le Conseil de l'Ordre a adopté une politique de tolérance zéro contre la pratique illégal du métier d'architecte. Quinze confrères poseurs de cachets ont été définitivement radiés du tableau du Conseil de l'Ordre alors que des poursuites judiciaires ont été lancés contre des intrus à la profession qui sont essentiellement des agents municipaux et des bureaux de services étrangers spécialisés dans la décoration», se félicite Karim Ellouze. Et de renchérir : « ce tour de vis salutaire est motivé non seulement par les retombées négatives du problème des intrus à la profession sur la situation matérielle des architectes mais aussi par l'impact catastrophique du phénomène su la qualité des constructions et l'esthétique urbaine ». Critères discriminatoires Outre la concurrence déloyale des intrus à la profession, les jeunes architectes ont beaucoup de mal à remporter les appels d'offres publics relatifs en raison des critères « discriminatoires appliqués dans ce cadre. «10 à 15% des architectes uniquement remportent tous les appels d'offres étatiques on ne sait par quel moyen. Les critères de l'ancienneté et de l'expérience excluent de facto les jeunes architectes. Comment se fait-il qu'on leur demande des références alors qu'on leur ferme la porte», s'insurge M. Ellouze. Pour survivre, les jeunes architectes donnent des cours dans les écoles privés et acceptent d'être sous-payés ou prêtent leur cachets à des intrus. « C'est un peu l'histoire du serpent qui se mord la queue», ironise le président du COAT Selon lui, le marché est, pourtant, loin d'être saturé. « Si on arrive à revaloriser le rôle de l'architecte, à mieux réglementer et à chasser les intrus, le secteur aura besoin du triple du nombre d'architectes existant actuellement», assure-t-il. Walid KHEFIFI --------------------- Assemblée générale élective du Conseil de l'Ordre des Architectes Tunisiens, le 23 octobre 27 candidats répartis sur trois listes • Quatre anciens présidents se lancent dans la course électorale • Karim Ellouze, président sortant du COAT, candidat à un 4ème mandat L'Assemblée générale élective du 18ème Conseil de l'Ordre des Architectes Tunisiens (COAT) se tiendra le 23 octobre courant à parti de 14 heures, à la Cité des Sciences. Si le quorum ne sera pas atteint, l'Assemblée générale se tiendra le 30 octobre quelque soit le nombre d'architectes qui y participeront. L'ordre du jour de l'assemblée comprend notamment la discussion et l'adoption des rapports moral et financier du COAT pour le mandat 2008-2010 et l'élection du nouveau Conseil de l'Ordre et des représentants du Conseil de l'Ordre dans la Chambre de discipline. Les résultats des élections des représentants du Conseil de l'Ordre dans la Chambre de discipline sont connus d'avance puisque trois architectes seulement se sont présentés pour les trois sièges à pourvoir. La compétition sera, en revanche, très serrée pour l'élection des membres du Conseil de l'Ordre. 27 candidats briguent, en effet, les 9 sièges du Conseil. Ces candidats sont répartis entre trois listes, mais certains candidats ont préféré figurer sur plusieurs listes. - La première liste présidée par le président sortant du COAT. Elle se compose de MM. Karim Ellouze, Amine Turki, Chokri Chebbi, Mohamed Ajmi, Nizar Magri, Habib M'henni et de Mme Nabila Bakli Fortani - La deuxième liste est présidée par M. Ramzi Allala, membre du conseil de l'Ordre sortant. Cette liste se compose de MM. Ramzi Allala, Noureddine Walha, habib Mh'enni, Bassam Ariguib, Moez Ben Hassine, Soufiène Bessioud, Mohamed Sadok Chaïebn, Firasss Chaâri et de Mme Imen Bouslama. -La troisième liste est présidée par M. Taoufik El Ech. Elle comprend MM. Taoufik El Ech, Omar Bouden, Mohamed Ben Ayed, Amir Turki, Hafedh Haj Salem, Firass Chaâri, Nejmedine Ghariani, Kadhem Mankaîi, Mohamed Ali Mankaîi et Mme Imen Bouslama. Certains candidats ne font partie d'aucune liste. Il s'agit de MM. Lotfi Sakli, Hichem Mehdi et Sahbi Louhibi. A noter également que quatre anciens présidents du COAT se sont de nouveau lancés dans la course électorale. Il s'agit de MM. Taoufik El Ech, Kadhem Mankaîi. , Taoufik Bouslama et Mohamed Ben Ayed.