L'entrée en vigueur de la 1ère phase de la réforme de l'assurance-maladie est pour bientôt, les conventions sectorielles ont été, certes, signées avec les professionnels mais, plusieurs questions restent, encore, soulevées par les affiliés sociaux sur ce qui va changer dans la couverture sociale. S'ils ont, certes, compris que cette phase se limitera à la prise en charge des Affections à Prise en Charge Intégrale « APCI », ils ne perçoivent pas, encore, les modifications qui vont être introduites. En effet, ces « APCI » sont, déjà, prises en charge depuis les temps de la CNRPS et de la CNSS. Toutefois, la liste de ces maladies va être élargie et il y a du nouveau concernant le remboursement des médicaments. Les affiliés ne paieront plus la totalité du prix des médicaments et ils s'adressent à la caisse pour le remboursement, comme c'est le cas maintenant. Ils vont, plutôt, payer, au maximum, 30 % chez la pharmacie ; les 70 % restants seront pris en charge directement par la CNAM. Or, si les intéressés apprécient de ne pas payer la totalité du coût des médicaments, ils réclament des précisions concernant les 30 % perçus par les officines et son éventuel remboursement. D'autres questions préoccupent les affiliés telles que le ticket modérateur, le sort de leurs mutuelles, les cotisations, etc...
Les professionnels Les interrogations ne se limitent pas aux affiliés, ils proviennent aussi des médecins, pharmaciens, radiologues et autres dentistes qui réclament des précisions sur les procédures à suivre dans le futur proche. Ils ont des craintes quant à l'éventuel rejet de certains dossiers. Même pour les APCI, certaines ont des appellations vagues qui méritent des éclaircissements. Ils veulent être sûrs de rentrer dans leurs honoraires et fournitures. D'autres réserves inquiètent une certaine catégorie de médecins qui ne se voit pas concernée par le conventionnement. Leurs spécialités n'étant pas intégrées dans la liste des APCI établies pour être prises en charge par la CNAM.
Les réserves des affiliés D'autre part, l'UGTT soumet, encore, son approbation de la mise en marche du projet à certaines conditions préalables, selon elle, à toute implication de la centrale syndicale dans le processus. D'ailleurs, elle considère que la réforme de l'assurance-maladie est un package qu'il faut négocier dans le respect de l'esprit de la loi de création de la CNAM. Ridha Bouzriba affirme : « Ces préalables ne sont pas nouveaux, ils ont toujours été présents dans la position de la centrale. ils ont été confirmés par le congrès de Monastir et la dernière commission administrative. Toutefois, l'UGTT demeure très attachée à la réussite du projet de cette réforme. Les affiliés sociaux sont la frange la plus concernée par l'amélioration de l'accès à la santé. »
Les nouveautés Selon certaines sources bien informées, les derniers développements des négociations sur la mise en marche du projet de réforme auraient abouti à un ticket modérateur qui serait de 30 % des valeurs respectives des actes médicaux. Les retenues ne s'appliqueraient pas, non plus, suivant le calendrier préalablement établi. Le décret en cours d'élaboration inclurait ces nouveautés. Il ne saurait tarder et éclairerait définitivement sur le mode de financement de cette CNAM tant attendue.
CNAM, et communication La première phase d'application de la réforme de l'assurance-maladie est prévue pour le 1er juillet 2007. Pourtant, les affiliés sociaux ne cessent de s'interroger sur ce qui va changer. Les prestataires de services : médecins, pharmaciens, radiologues et dentistes réclament, eux aussi, des précisions auxquelles il revient, normalement, à la Caisse Nationale d'Assurance Maladie « CNAM » le devoir de répondre. Or, et si une campagne d'information et de sensibilisation a été promise, à partir d'avril dernier, ce projet de vulgarisation est resté lettre morte; d'autres priorités ont sûrement empêché les responsables de le réaliser. En effet, le service d'information et de communication de la CNAM est ces derniers jours aux abonnés absents. D'ailleurs, il ne lui a pas suffi de ne pas donner suite aux communications téléphoniques de notre service de presse, depuis mardi. Personne n'a été, non plus, disponible pour donner des précisions à un journaliste qui s'est déplacé, vendredi dernier, sur les lieux. Tout le monde a, semble-t-il, des tâches plus importantes que donner des précisions sur les questions soulevées par les assurés et les praticiens. La Direction Générale de la CNAM a été saisie, illico presto, de cette situation, et on attend toujours sa réaction. Notre journal publiera, toutefois, volontiers les réponses de la CNAM, une fois qu'elles seront fournies. Il aurait été, certes, souhaitable que ces explications accompagnent les interrogations des concernés et ne prennent pas la forme de précisions. Mais, dommage que les services concernés de la CNAM en aient voulu autrement.
Du côté des assurés sociaux : Hayet, 38 ans, cadre, affiliée CNSS : « je n'ai aucune idée précise sur la CNAM mais, il parait que c'est comme la Sécu en France. » « J'entends depuis plus d'une dizaine d'années qu'une réforme va être introduite sur la couverture sociale. Un collègue a expliqué que ce sera comme une mutuelle pour tous les affiliés sociaux, comme la Sécu en France. Nous pourrons à l'avenir aller faire des consultations, et même des interventions chirurgicales, dans le secteur privé moyennant un ticket modérateur de 20 %. Même dans les pharmacies, les affiliés ne paient que le cinquième du coût des médicaments. J'attends avec impatience son entrée en vigueur. Seulement, je ne trouve personne pour m'expliquer où en est exactement la situation. Les journaux rapportent généralement les querelles entre les prestataires de services et la CNAM. Les professionnels défendent leurs intérêts et c'est légitime mais, qui défend les affiliés ? Nous avons, nous aussi, le droit d'être informés et à nous exprimer sur cet objet. La CNAM est appelée à faire une campagne de sensibilisation auprès des affiliés pour les informer des nouveautés. Certaines rumeurs affirment que la prise en charge de certains actes comme l'accouchement ne dépasse pas 20 %. C'est à la CNAM de préciser.»
Sayda, 53 ans, enseignante, affiliée CNRPS : « Pourquoi payer 30 % du coût des médicaments pour les APCI ? » « Je bénéficie actuellement d'une prise en charge de la part de la CNAM pour une maladie de longue durée. La prescription médicale se renouvelle tous les trois mois. Je paie, certes, la totalité du prix des médicaments mais, je suis remboursée à 100 %. C'est une prise en charge intégrale. D'ailleurs, je me suis entendue avec mon pharmacien sur le fait qu'il m'avance les médicaments à crédit et je le paie lorsque la caisse me rembourse. Ceci se passe, généralement, sans incidents quoique pendant le passage entre la CNRPS et la CNAM, on a galéré un peu et notre remboursement a connu des retards allant jusqu'à 3 mois. Maintenant, tout est rentré dans l'ordre. Il n'y a plus de retard mais, certains nous annoncent qu'on doit payer dorénavant 30 % du coût des médicaments chez le pharmacien. Je ne vois vraiment pas la raison. Si la prise en charge est intégrale, pourquoi nous compliquer les procédures ? D'ailleurs, la CNAM n'a pas, encore, indiqué la démarche à suivre aux affiliés déjà pris en charge. Devraient-ils continuer à voir leurs médecins traitants, ou reprendre le parcours de soins à son départ ? »
Sami, 35 ans, banquier, affilié CNSS : « Quel sera le rôle futur de notre mutuelle ? » « Actuellement, je bénéficie d'une couverture médicale pluridimensionnelle. J'ai accès aux polycliniques de la CNSS pour les soins usuels. Je peux bénéficier des services des hôpitaux pour les pathologies lourdes. Je dispose, aussi, de la couverture complémentaire de ma propre mutuelle qui nous permet d'aller se faire soigner dans le privé moyennant un ticket modérateur. D'ailleurs, nous avons même la possibilité d'être pris en charge pour se faire soigner dans les cliniques. C'est la mutuelle qui paie. L'adhérent rembourse une quote-part des frais de la clinique. Le budget de la mutuelle est constitué des cotisations des agents et de la contribution de l'administration de la banque. Avec l'avènement de la CNAM, il y aura de nouvelles contributions obligatoires, de l'agent et de l'administration. Qu'en sera-t-il, alors, de la mutuelle ? Quel sera son nouveau rôle ? Il faudrait sûrement lui donner un nouveau « look » et redistribuer les fonctions entre la CNAM et la mutuelle. C'est une question à laquelle, j'attends une réponse. »
Lotfi, 43 ans, ouvrier, affilié CNRPS : « que le ticket modérateur soit 20 % ou 30 %, l'hôpital est notre destin. De grâce, la mise à niveau des EPS ! » « Pour le petit peuple, comme nous, l'hôpital est, et restera, la seule alternative. Les soins dans le privé sont au dessus de nos moyens, que le ticket modérateur soit 20 % ou 30 % du coût des honoraires. Car, il ne faut pas oublier les analyses, les radios, les médicaments... Sans parler du séjour. Les prix dans les cliniques s'apparentent à des hôtels de luxe. Donc, nous sommes astreints à nous faire soigner dans les hôpitaux. Toutefois, la réforme de l'assurance-maladie est une occasion pour accélérer le processus de mise à niveau du secteur public de la santé. Nous espérons voir des files moins longues dans les accueils, disposer d'un matériel performant et en état de fonctionnement pour les diverses explorations, accéder aux soins adéquats et dans la célérité requise dans les urgences et, pourquoi pas bénéficier des médicaments qu'il faut pour nous soigner surtout s'ils sont chers. Ce sont là nos attentes par rapport à la réforme de l'assurance-maladie et nous souhaitons qu'elle ne se limite pas à une ouverture sur le secteur privé. »
Du côté de l'UGTT : Ridha Bouzriba : « La réforme est un acquis pour la couverture sociale en Tunisie. Veillons ensemble à sa réussite ! »
Du côté de la centrale syndicale il y a un intérêt accru au projet de réforme de l'assurance-maladie. Les syndicalistes sont soucieux de sa réussite et c'est la raison pour laquelle toutes les questions se rapportant à la santé ne cessent d'être soulevées à tous les rendez-vous syndicaux. Pourtant, la direction syndicale fait la part des choses et elle sait à quoi s'en tenir. Ridha Bouzriba, le Secrétaire Général de l'UGTT chargé du dossier, explique : « s'il est intéressant et enrichissant que diverses questions annexes aient été soulevées par les syndicalistes, en marge de ce large débat sur la santé publique, nous ne sommes pas tenus à résoudre toutes ces problématiques pour entamer la réforme. Des questions comme la bioéquivalence, l'efficacité thérapeutique, le coût de la santé et même la mise à niveau du secteur public de la santé ont été, déjà, à l'ordre du jour indépendamment de ce projet de réforme. Donc, s'il est certain que la réforme peut aider dans la résolution de ces questions, il ne faut pas les relier systématiquement. Les procès verbaux qu'on va passer ne les associent pas. ». Tout en insistant sur le fait que les assurés sociaux sont, en principe, les principaux bénéficiaires de cette réforme, Ridha Bouzriba nuance les réserves de l'UGTT : « nous avons passé des accords avec le ministère des affaires sociales sur le mode d'exécution du projet de la réforme de l'assurance maladie dans l'esprit de la loi de création de la CNAM. Nous pensons que l'application de cet accord assure aux affiliés sociaux les préalables nécessaires pour démarrer cette réforme sur des bases solides. Car, il ne faut surtout pas oublier que la réforme est un acquis pour la couverture sociale en Tunisie. Veillons, donc, ensemble à sa réussite ! »
Du côté des prestataires de services : Dr Mohamed Kamel Gharbi, médecin spécialiste : « On ne se bouscule pas à la porte du conventionnement. Seules, 25 APCI sont concernées pour le moment. »
Du côté des prestataires de services médicaux les réactions ne sont pas les mêmes. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle certaines conventions ont été rapidement signées alors que d'autres ont traîné et ont dû subir une césarienne. Ainsi, du côté des pharmaciens, la question de l'avance de 30 % mérite des explications claires. Alors que du côté des médecins, les signes actuels indiquent qu'on ne se presse pas à la porte du conventionnement. Et à chacun ses propres raisons. Le Dr Gharbi explique : « l'entrée en application de cette première phase de la réforme va se limiter aux Affections à Prise en Charge Intégrale APCI. Donc, seuls les médecins généralistes, ou spécialistes de ces domaines, sont intéressés. Or, cette liste n'est pas exhaustive et comporte même une maladie rarissime (Mucoviscidose). La prise en charge des psychonévroses est complète alors que la dermatologie ou l'allergie ne sont pas du tout représentées. Pourtant, ce sont des maladies qui représentent une priorité de la santé publique. Il serait souhaitable qu'un comité ad hoc- formé de professeurs universitaires- siège pour déterminer la liste des maladies prioritaires. Ainsi, la liste établie pourrait être clarifiée et élargie. ». Selon notre interlocuteur, les réserves des médecins ne se limitent pas à la liste des APCI, plusieurs autres questions méritent d'être revues : « la médecine est une profession libérale. C'est le Conseil de l'Ordre qui détermine avec le syndicat les honoraires en fonction des indicateurs du marché. Nous ne sommes pas des fonctionnaires chez la CNAM. Son rôle se limite à plafonner son seuil de remboursement. C'est une assurance-maladie. L'exercice de la médecine répond à un code de déontologie et la convention sectorielle ne saurait déroger aux règles de ce code.». Les praticiens contestent, aussi, d'autres questions telles que le passage obligé par le généraliste, le mode de paiement et exigent des garanties de bioéquivalence avant d'accepter la substitution. Donc, beaucoup de terrain reste à déblayer.
Liste des 25 APCI*
Diabète Epilepsie Dysthyroidie Sclérose en plaque Asthme Affections hypophysaires Insuffisance rénale chronique Tumeurs et hémopathies malignes Hépatite chronique active Cardiopathies congénitales et valvulopathies HTA sévère Glaucome Phlébites Psychonévroses Mucoviscidose Insuffisances cardiaques et troubles du rythme Affections coronariennes et leurs complications Maladies inflammatoires de l'intestin Tuberculose active Maladies auto-immunes Insuffisances respiratoires chroniques Rhumatismes Inflammatoires chroniques Cirrhoses et insuffisance hépatique Affections surrénaliennes Maladie de Parkinson
* La prise en charge de la grossesse et du néonatal est assurée suivant une autre variante.