Raouf KHALSI - Jalal Talabani, Kurde, président de la République ; Nouri Al-Maliki, Chiîte, Premier ministre ; Oussama Al-Noujaïfi, Sunnite, futur président du Parlement : L'Irak confessionnel et ethnique est institutionnellement né. Les Américains auront exercé des pressions jusqu'à la dernière minute pour que ce schéma fût appliqué et, pour leur part, les prétendants à cette séparation confessionnelle des pouvoirs, ont dû se faire mutuellement des concessions. « Les négociations ont montré clairement que les Irakiens sont capables de résoudre seuls, leurs problèmes », déclare M. Barzani, l'un des protagonistes. Or, si les Américains croient que ce modèle à la libanaise (avec en plus la donne kurde), suffirait à redonner une nation à l'Irak, eh bien, voilà de quoi alimenter la suspicion, justement. Si, en plus, les réformateurs irakiens et leurs alliés américains croient en avoir fini avec les réminiscences baâthistes, ce ne sera toujours qu'une erreur stratégique de plus. Pas évident, en effet, que les Irakiens, humiliés, dominés et, même, outrancièrement exploités, n'aient pas un jour un sursaut rageur, en souvenir d'une gloire et d'un rayonnement piétinés. C'est un peuple fier, et cela, les Américains et leurs alliés l'on ostensiblement oublié. C'est aussi un peuple qui ne peut pas continuer à broyer du noir, à vivre dans la misère et la précarité, alors que ses gisements pétroliers sont exploités par les cartels étrangers. Et qu'est-ce, finalement, qu'un régime bâti sur les décombres d'un totalitarisme outrancier comme celui de Saddam, et sur la résurgence des paradigmes ethniques, ceux-là mêmes que Saddam avait étouffés – à tort ou raison - dans l'œuf et noyés dans le sang ? Bush écrit dans ses « Mémoires », avoir vomi le jour où ses services l'ont informé qu'il n'y avait pas d'armes de destruction massive en Irak. Mais, puisqu'il y était, il fallait démanteler le régime de Saddam et, dans la foulée, il concoctait une utopie, ce « Grand Moyen-Orient », qui installerait la démocratie dans cette région du monde où la culture tribale, historiquement cacique du pouvoir ne s'y prête guère. Faire tout cela, déstabiliser encore plus la région la plus sensible de la planète, pour imiter Hajjèje Ibnou Youssef, à ses heures, marque un retour de plusieurs siècles en arrière. Un scénario finalement reconduit dans un décor confessionnel contrasté. Evidemment, il ne s'agit pas d'être négativiste. Il est même sûr que les Irakiens transcenderont leurs antagonismes historiques pourvu que les 50 mille soldats américains leur restituent concrètement leur pays. Il y a, néanmoins, à espérer pieusement que cette séparation des pouvoirs en fonction des ethnies (chose qui a échappé à Montesquieu) ne serve pas de prétexte à un embrasement d'un autre type. Car, ne l'oublions pas : au Golfe, comme au Moyen-Orient, le Chîisme ne cesse de ramper…