Que se passerait-il si nous repassions à l'étalon-or ? Le 8 novembre 2010, Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, était le principal sujet de discussion des économistes. Il venait d'écrire que le G20 devrait «envisager d'employer l'or comme point de référence international des anticipations du marché pour l'inflation, la déflation et la future valeur des devises». Le Wall Street Journal a applaudi Zoellick, qui propose selon lui «une meilleure approche : une politique monétaire prudente aux Etats-Unis, et un leadership américain affirmé à l'étranger, afin de renforcer la coopération monétaire et de rendre plus stables les taux de change». Posons-nous tout de même cette question : que se passerait-il si les Etats-Unis décidaient de lier le dollar au prix de l'or?
Quel taux pour l'or ?
Avant tout chose, le gouvernement doit définir le prix de l'or. C'est beaucoup plus complexe que cela en a l'air. A priori, il doit exister un taux idéal lorsqu'on entend lier une monnaie à la valeur de l'or. Le problème, c'est que ce taux nous est inconnu. L'or est d'une instabilité notoire. Par exemple, son prix vient de doubler en deux ans. Si la Réserve fédérale (Fed) se contente de lier le dollar au prix de l'or un jour donné, et que le cours du métal jaune enregistre ensuite une brusque variation, l'économie du pays s'en retrouvera sens dessus dessous. Imaginons que la Réserve fédérale fixe un taux trop élevé ; les gens voudront aussitôt échanger leurs dollars contre de l'or – et la Fed devrait alors augmenter les taux d'intérêt pour rendre le dollar plus attractif. Et même si elle parvient à fixer un taux d'intérêt correct, elle sera tout de même dans l'obligation de procéder à différents ajustements pour s'adapter aux partenaires commerciaux des Etats-Unis. Si la valeur du dollar augmente tandis que celle de la monnaie d'un autre pays baisse, et que les deux monnaies sont liées à l'or, il faudra impérativement parvenir à un compromis – soit l'un des deux pays organise une déflation ou une inflation monétaire, soit on ajuste le taux de change. Une fois que la Fed aura fixé le prix du métal jaune, elle devra y rattacher le dollar, jetant par là même l'économie nationale en pâture aux imprévisibles cours de l'or. Si le prix de l'or grimpe, les Etats-Unis devront augmenter les taux d'intérêt, ce qui pourrait provoquer un resserrement du crédit. Ce qui n'est pas en soi forcément grave, à ceci près que l'or est l'un des principaux indicateurs de l'incertitude économique : lorsque l'économie va mal, le prix du métal jaune grimpe. La Fed provoquerait donc un resserrement du crédit au moment même où les Américains en auraient le plus besoin. Le résultat : une spirale déflationniste, qui entraînerait l'économie dans une récession plus grave encore.
Une économie volatile
Autre problème : tout pays ayant investi aux Etats-Unis pourrait demander à récupérer son or – et ce à tout moment. C'est exactement ce qui s'est passé en 1971. Pendant des années, le prix de l'or avait été fixé à 35 dollars l'once. Un beau jour, l'ambassadeur de Grande-Bretagne a demandé à retirer pour trois milliards de dollars d'investissements britanniques, converti en or. Les Américains s'empressèrent alors d'abandonner l'étalon-or. L'histoire de l'économie est riche en avertissements. Dans les années 1800, l'or était l'étalon de référence. «Le XIXème siècle se caractérise par des paniques financières à répétition et des récessions vertigineuses», souligne James Hamilton, professeur d'économie à l'Université de Californie (San Diego). La création de la Réserve fédérale (1913) n'a – bien évidemment– pas empêché les crises budgétaires, mais elle a grandement réduit leur impact. D'autres types de taux fixes ont déjà provoqué des désastres. Les actuelles difficultés économiques de la Grèce ont été exacerbées par l'euro, que Foster surnomme «le taux de change fixe suprême». Et lorsque l'Argentine a essayé de lier sa monnaie au dollar, elle a plongé son économie dans une spirale déflationniste.