Raouf KHALSI - [email protected] - Il est temps d'en finir avec cette Afrique qui «est mal partie», funeste prédiction de René Dumont (mais prédiction réaliste) aux premières années de la décolonisation. Parce que dans des pans entiers d'un continent composite, contrasté, multi-ethnique, tribal même, l'illusoire décolonisation cachait un néo-colonialisme idéologique et vicieusement économique. Déjà, ce continent paraissait insondable et mystérieux aux yeux des Africains eux-mêmes. De surcroît, la diversité des colonisateurs – Français, Italiens, Anglais, Portugais, Espagnols – aura accentué les disparités provoquant une inégale répartition des richesses. Notre continent a été, en définitive, le plus exploité, le plus soumis à l'esclavagisme et le plus spolié. De sorte, qu'après leur désengagement du continent, les colonisateurs laissaient comme legs aux autochtones, toutes les mauvaises raisons de s'entretuer, de procéder ou de subir des nettoyages ethniques et de sombrer dans le chaos et la guerre civile. Mauvaise conscience de l'Europe, l'Afrique aura pansé ses plaies mais elle aura surtout affirmé son existence. Avec le dépérissement des idéologies, la fin des blocs – qui étaient érigés aussi quelque part en Afrique – l'Europe occidentale et ensuite l'Europe unifiée jugèrent qu'il était temps de se réimplanter - en rangs serrés – en Afrique, d'autant que les Chinois y avaient déjà très discrètement jeté leur dévolu. Sauf que l'Afrique pose ses conditions : un partenariat dans les règles. Un partenariat be to be, solide et solidaire. C'est là la vision tunisienne exprimée par le Chef de l'Etat, hier à Tripoli. Cela suppose, par ailleurs, que les pays africains dépassent le stade des activités traditionnelles pour accéder aux activités à haute valeur ajoutée. Les enjeux d'une telle coopération ne peuvent être que sociaux, économiques et technologiques. Avec son potentiel, ses ressources minières, la richesse souterraine de sa terre, l'Afrique est, aujourd'hui, capable de monnayer l'importation de l'économie du Savoir, et non plus la bonne vieille berceuse idéologique. Et, mine de rien, c'est l'Union Européenne qui y gagnerait le plus… En y envoyant ses experts et non plus ses néo-missionnaires travestis en humanistes.