Alors qu'elle luttait contre son cancer, Audrey Hepburn était nommée ambassadrice de l'ONU pour la Somalie. Elle s'y est rendue. A son retour en Californie, (c'était dans les années 90) elle déclarait que "jamais elle n'aurait imaginé un jour que la condition humaine put être aussi piétinée". Elle poussait un cri d'alarme. Personne n'écoutait. L'Afrique exsangue, s'arrange pour banaliser ses propres horreurs. Justement: pauvreté, horreur, guerres civiles, dictatures: l'Afrique ne peut être perçue, ni imaginée autrement. Quelques années après, c'est Sophia Loren qui est désignée ambassadrice de l'ONU pour la Somalie et son récit est effarant: "Je n'aurais jamais pensé qu'on pouvait tant souffrir devant nos portes". En bonne méditerranéenne, elle cultivait en l'occurrence, un douloureux rapport de proximité avec l'Afrique! On connaît la responsabilité des puissances occidentales dans la guerre civile qui ébranle la Somalie depuis 91. Ce pays a le plus subi (par ricochet) la fin des blocs et le dépérissement des idéologies. Et comme de coutume, une caste a pris le pouvoir en 91, un vent de liberté a soufflé de l'autre côté, et le tout a dégénéré dans une interminable guerre civile, avec son cortège d'horreurs,, de génocide inter-ethnique, alors que les maîtres du monde s'interrogeaient sur le sexe des idéologies. La Somalie, comme bien d'autres pays africains, est l'expression suprême de la marginalisation générée par la planète unijambiste après la chute de l'URSS. Un pays sans Etat, sans économie, sans devises, sans repères et qui se met hors la loi parce que ses guerriers sont des pirates des temps modernes, capables d'attaquer cent trente navires marchands en une année et qui n'ont peur de rien. Ils prennent tout, comme dans la tradition des funestes corsaires d'antan: otages, biens, cargaisons. Et, le plus terrible, c'est qu'ils tuent! La France et l'Amérique sont traumatisées. Oseront-elles néanmoins reconnaître leurs torts pour le dédain et pour l'indifférence manifestées envers l'Afrique? Concrétiseront-elles, ainsi que les autres pays riches, les promesses d'aide à l'Afrique? Car, à terme, ces "corsaires" sont pire que Ben Laden, ou la menace nucléaire. Si l'Afrique, le continent le plus "riche" et le plus sous estimé du monde, a le sentiment d'être en marge de la croissance, elle se rabattra sur les dictateurs et les flibustiers en tout genre. Et ce sera la révolution…