Ç'aurait été anormal qu'Obama ne s'arrête pas sur ses racines en terre africaine. Du sang africain coule, en effet, dans ses veines, même si, curieusement, depuis que l'Oncle Sam a été totalement « américanisé », et totalement coupé de ses racines, la double référence « afro-américain » n'a plus rien voulu dire. Le concept – ethnique, s'il en est, - remonte à la surface avec l'entrée d'Obama à la Maison Blanche. Le racisme à l'endroit des Noirs a-t-il été pour autant jugulé ? Pas évident. Il est plutôt « politiquement » mis en sourdine parce que l'Amérique fait l'épreuve d'un éclatement communautaire et se retrouve en même temps empêtrée dans une guerre des religions. Si les Noirs américains sont plus tranquilles, c'est parce que Ben Laden et Bush ont distillé les venins anti-arabes, chacun de son côté. Pour les besoins de la rhétorique, Obama devait bien rappeler ses origines africaines, ces racines (Roots) qu'on revendique, selon les circonstances. Son épouse, descendante d'esclaves africains, était, d'ailleurs, fortement émue en visitant le Fort de Cap Coast, où se déployait la plus inhumaine des traites négrières. Or, Obama n'est pas allé dépoussiérer son arbre généalogique. Il évita, d'ailleurs, minutieusement le coup de bluff de Kennedy, à Berlin, où celui-ci s'inventa des racines germaniques avec son fameux : « Ich bin ein Berliner »*. Il évite, aussi, de réitérer le coup de théâtre de De Gaulle à Alger : « Je vous ai compris »**. Choisissant le Ghana comme icône, comme modèle de transition démocratique, il appelle les peuples d'Afrique Noire à se prendre en main, à en finir avec le syndrome colonialiste et à ne plus imputer leurs malheurs à l'Occident. Facile à dire. Mais, que propose-t-il, en échange ? N'a-t-il pas conscience que l'Amérique n'a jamais eu cure de l'Afrique Noire, y laissant les dictateurs, les communismes et les ethnies asservir leurs peuples et les affamer carrément ? Aujourd'hui, l'Afrique révèle un potentiel énergétique insoupçonné. Or, l'Europe, dont Sarkozy veut être la locomotive et l'Amérique, y arrivent avec une longueur de retard sur la Chine. La Chine exploite de grosses richesses africaines et d'immenses concessions en soudoyant des gouvernants corrompus et en évitant de parler « droits de l'Homme ». L'Occident, lui, parle « droits de l'Homme », pour faire la même chose : exploiter les richesses africaines. Il fait comme les premiers missionnaires. Arrivés en Afrique, les Africains avaient la terre et les missionnaires la Bible. On leur a demandé de prier les yeux fermés. Quand ils les ont rouverts, les missionnaires avaient la terre et les Africains, la Bible. C'est Jomo Kenyatta qui le raconte. Raouf KHALSI
*Lors de sa première visite, à Berlin et, alors que l'Allemagne cherchait un regain de crédibilité, Kennedy s'écria dans un discours : « Ich bin ein Berliner ». (Je suis un Berlinois). Or, ses racines sont irlandaises.
**A son retour au pouvoir, en plein tumulte, après le putsch des généraux, De Gaulle s'écria à la face des Algériens : « Je vous ai compris ! ». Camus dira, par la suite, qu'il « n'avait rien compris du tout ».