Taillés dans du diamant, tranchants et vifs, clairs comme de l'eau courante, volcaniques ou glacials, indélébiles ou hantés, ils semblent bien souvent animés d'une vie propre, et comme pourvus de semelles de vent, ils vous narguent, vous fascinent, vous trifouillent, vous cafouillent, vous enlacent, vous trépassent, vous emportent, vous subjuguent, ou tout simplement… vous ennuient. Vous passeriez-vous de leur –charmante compagnie ? Rien n'est moins sûr… C'est par des petits chemins de traverse, en catimini, parfois presque craintifs et honteux qu'ils se dévoilent à vous. Il faudra alors les suivre, de gré ou à contre cœur, parce que vous n'avez jamais su y résister. C'est comme une maladie, ou une étrange lubie qui se saisit un jour de l'imprudent qui s'est commis par effraction avec l'objet de son crime, et qui en est devenu à jamais complice, à son corps défendant. Nul ne sait jamais jusqu'où le mènera ce chemin, qui n'en finira pas de bifurquer, par monts et par vaux, parcourant les contrées et les rives à la recherche de je ne sais quoi d'ineffable ou de beau, qui vous parle une langue, que vous ne sauriez traduire, sauf en frissons. Le regard tendu en haleine, le cœur battant le rappel de ses troupes, vous ne pouvez vous résoudre à les lâcher, jusqu'à ce qu'ils vous aient éreintés. Mais vous savez au fond de vous que ces créatures ont forcément un maître, qui régente leur folle danse et leur douce folie ; et que leur liberté n'est qu'une coquetterie de plus. Alors vous leur pardonnez toutes leurs traitrises quand ils savent être flamboyants. Parfois cela ressemble à une brûlure, ou à une morsure de quelque bête immonde qui vous mange le cœur. D'autres fois c'est comme une caresse, divine, à la manière d'une brise qui se lève doucement pour vous rafraîchir le front. C'est de plus en plus rare. Alors vous empruntez le chemin à rebours pour ne plus vous sentir étranger. A petits pas, au fil des mots, vous relisez Camus…