Ce qui se passe dans le monde tous les jours nous dépasse ; chaque instant et chaque minute sont importants et décisifs dans tous les continents de cet univers, surtout pour ceux qui ont choisi l'aventure et le départ vers un ailleurs inouï. A travers la technologie, le fameux Google, et plusieurs sites de découverte — qui nous ont permis de voyager, même quand on est cloîtré dans une chambre —, des mondes nous sont devenus accessibles, grâce à l'image. Qu'en-est-il alors quand il s'agit d'un Tunisien, un jeune homme qui a bravé tous les défis possibles et imaginables, un jeune aventurier qui a atterri en Tunisie il y a un mois, revenant d'Afrique occidentale et d'Asie et qui est venu voir les gens dans le Centre d'études de Carthage à Tunis le 28 décembre, pour partager son expérience intense ? De prime abord, il faut noter que le Centre d'études de Carthage est une association culturelle tunisienne très riche en connaissances. De plus, elle encourage tout ce qui se rapporte à l'ouverture de la Tunisie sur les autres cultures orientales et occidentales, par des activités culturelles captivantes. Elle organise également des randonnées chaque dimanche. Donc, «le voyage est au cœur même de l'esprit du centre, que ce soit à travers les livres, le métissage culturel ou encore à travers les excursions à l'intérieur de la Tunisie», affirme Besma Tabib, la responsable du volet culture. Ce qui importe c'est l'évasion constructive et instructive. Cette évasion a été justement vécue et savourée grâce à Arafet Ben Marzou qui est venu avec ses photos prises lors de son périple. Entouré de jeunes et de moins jeunes, de petits enfants et de randonneurs novices, il était là en chair, en os et en vélo, au centre. On a tous voulu poser avec la bicyclette, l'unique accompagnateur de Arafet Marzou et son ami intime. Ce dernier ouvre son cœur et sa tente, pleine de moments magiques, de péripéties et d'adrénaline. En fait, Arafet est un jeune homme qui a décidé de quitter son boulot, après son premier voyage en Afrique (Niger, Bénin et Sénégal où il a assisté au Forum social mondial). Rebelle, il a été consterné par l'ordre et le système qui régissent le monde et la société du spectacle, ce système qui agace, ronge et tue : on vit dans un cercle, cette machine infernale, cette roue qui ne s'arrête jamais puisqu'elle se répète à l'infini... C'est ce qu'on appelle classiquement : la routine ! L'insurgé a voulu s'exprimer et «résister à cette monotonie accablante». Pour lui, chacun reformule, reforme et réforme le monde à sa manière, sans pour autant le déformer, comme le peintre par exemple. Lui, c'est en creusant au fond de lui-même qu'il a trouvé sa passion pour le voyage et il en a fait un mode de vie. «Ma présence actuelle en Tunisie n'est qu'une étape», oui, juste une étape, surtout quand on vit et voit ce que Arafet a vu et senti ce qu'il a ressenti : le décollage. Quand l'interne vibre avec l'externe Ainsi, vivre le moment, le pétrir à sa façon, était l'unique devise de cet explorateur. Comment sculpter le temps ? Généreusement équipé pour la quête, Arafet est parti le cœur plein d'espoir, de soif de connaissance, de curiosité et de courage. Il a trouvé son équilibre et son rythme, en suivant celui du battement du monde, un monde qui palpite en nous, nous appelle et nous rappelle que chaque moment à vivre est unique. C'est pour cela que Arafet confie que «la solitude n'était pas une ascèse pour lui, elle était peuplée de plusieurs voyages intérieurs et alchimiques». Dans chaque pays qu'il a visité, livré à lui-même, Arafet a laissé un «lopin» de lui, aussi minime soit-il, une façon de voir le monde et de pouvoir le changer, à travers sa vision des choses. Ce qu'il a découvert par son long parcours a été de l'ordre de la magie : une harmonie spirituelle, universelle... à travers laquelle Arafet trouve une paix intérieure qui lui permet de dissiper, un tant soit peu, «l'injustice sociale et humaine qui rend le paysage mondial chaotique», comme il le dit, et parfois difficile à porter et à supporter. Cette résistance a fait de lui «l'aigle qui veut voler»...à vélo. Insolite comme moyen d'envol ! Dès son atterrissage à Istanbul, Arafet a souffert du froid climatique, mais il a retrouvé, après, la chaleur humaine des habitants. C'est en Géorgie que Arafet connut le paysage féerique de cette ville. Fatigué, il arrive devant le grand volcan de boue, le Gobustan en Azerbaïdjan. Là, il a sculpté l'argile de son moi, un moi qui a choisi la solitude pour être en parfaite communion avec la voix de la nature qui orchestre, à chaque fois, ses pas. Des pas qui arpentent chaque morceau du monde. Des pas légers qui ne souffrent aucune contrainte. Le proverbe turc ne dit-il pas : «S i ma chaussure est étroite, que m'importe que le monde soit vaste» ? En Iran, il découvre «la paix sociale d'une civilisation extraordinairement riche». Et fondent les préjugés Parfois, quand on a des préjugés sur un pays, surtout quand il s'agit d'un pays qui vit sous les bombardements, franchement, on ne peut qu'être méfiant et parfois craintif... Et pourtant, lorsque Arafet débarque en Afghanistan, il relève la tolérance de ses habitants et leur solidarité. En Chine, il a découvert, surtout, que la langue n'était pas un obstacle, puisque la voix humaine est le langage le plus expressif. Enfin, il a vu la Chine musulmane et a vu aussi que chaque pays abrite sa propre philosophie, comme le Tao qui est un terme de philosophie chinoise et qui signifie «chemin». En effet, Arafet, a aperçu que ce qui compte c'est le chemin, c'est-à-dire le chemin spirituel qui nous mène vers la quête et la recherche de l'être. En fin de compte, il a vu que l'être humain est le même partout. Dans sa complexité, dans sa richesse intérieure, dans sa différence, l'être humain, face à la grandeur de la nature, est grand dans son humanité, dans sa liberté devant l'arbre généalogique mondial. Arafet Ben Marzou a, enfin, déclaré que les mots étaient insuffisants pour exprimer ce qu'il a vu et vécu, les sensations qui l'ont fait vibrer et qui lui ont permis d'approcher les quintessences du monde, dans toute sa diversité. C'est ainsi qu'il a décidé de tremper sa plume, d'écrire et de décrire avec chaque goutte d'encre, le «dérèglement de tous les sens», dans un livre.