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La Tunisie dabs la presse internationale
Publié dans Le Temps le 18 - 01 - 2011

La petite entreprise très profitable du clan Trabelsi
La famille de Leïla Ben Ali, épouse du président déchu, a fait main basse sur des pans entiers de l'économie tunisienne. Sa fortune se chiffrerait en centaines de millions d'euros, et les services secrets français la soupçonnent d'avoir emporté 1,5 tonne d'or dans sa fuite.
Si le nom des Trabelsi a été aussi violemment conspué, c'est parce que la Tunisie fut longtemps la petite et très juteuse entreprise du clan de Leïla Trabelsi, seconde épouse du président Ben Ali. Une entreprise tentaculaire qui a phagocyté la banque, l'hôtellerie, l'immobilier, les transports, les douanes, les médias… L'irrésistible ascension de cette «quasi-mafia», selon les termes employés par des diplomates américains cités tout récemment par WikiLeaks, débute en 1992. Leïla, ex-coiffeuse, convole en justes noces avec Zine el-Abidine Ben Ali. La première dame traîne derrière elle une famille nombreuse et vorace qui va aussitôt engager une véritable guerre avec Habib Ben Ali, dit Moncef, jusque-là frère tout-puissant du président. Moncef finira par tomber en disgrâce tout comme les autres clans concurrents qui tenaient jusqu'ici le haut du pavé à Tunis : celui de Kamel Eltayef, ancien conseiller occulte de Ben Ali, ou celui de Slim Chiboub, mari de Ghazoua, l'une des filles de l'ancien président et de sa première femme, Naïma Kefi.
Leïla a dix frères et sœurs. L'aîné, Belhassen, s'impose très vite comme le patron du clan. Il y a aussi la «matriarche», Hajja Nana, mère de Leïla ; Moncef, un autre frère de Leïla ; un neveu, Imed (mort samedi), qui s'illustrera en 2006 en commanditant le vol de trois bateaux français, dont un yacht appartenant à Bruno Roger, dirigeant de la Banque Lazard et ami de Jacques Chirac. L'affaire fera grand bruit. Imed obtiendra d'être jugé en Tunisie. Et il sera blanchi, au grand dam des magistrats français.
Il y a aussi les gendres du couple présidentiel : Sakhr el-Materi notamment, qui reçoit en cadeau de mariage la société Ennakl, un distributeur automobile. L'ambitieux jeune homme obtiendra dans la foulée la concession d'exploitation du port de La Goulette. Il se lance ensuite dans l'immobilier et dans les médias, prend le contrôle du groupe de presse Assabah, qu'il met au service de son beau-père. Alors que le foulard islamique revient à la mode en Tunisie, il fonde la première banque islamique tunisienne (Ezzitouna) ainsi qu'une radio et une télévision religieuses, Radio Zitouna et Zitouna TV, qui tentent de court-circuiter des chaînes libanaises concurrentes très appréciées en Tunisie.
Leïla Ben Ali se serait enfuie avec 1,5 tonne d'or
La famille Trabelsi prospère. Elle aligne ses trophées, tels que la Banque de Tunisie, la société de production audiovisuelle Cactus ou le groupe Carthago (hôtellerie et aviation). En 2004, lorsque le groupe est introduit en Bourse, l'action Carthago s'envolera miraculeusement. Ce business confine parfois au racket. Slimane Ourak, directeur général des douanes, passe pour un affidé du clan. Le moindre litige avec le fisc peut se régler instantanément grâce à l'arbitrage des Trabelsi. Au début des années 2000, sous la pression du FMI, la Tunisie engage un programme de privatisation qui va se transformer en gigantesque hold-up, grâce aux crédits octroyés à la famille régnante. Des créances douteuses d'une ampleur telle que l'OCDE s'en alarmera publiquement.
À combien s'élève la fortune du clan Trabelsi ? Des renseignements «convergents» font état d'importants avoirs à Dubaï et à Malte. Ils se chiffreraient en centaines de millions d'euros. Selon des sources bien informées, Leïla Ben Ali se serait rendue fin décembre à Dubaï en emportant un important stock d'or (évalué à une tonne) de la banque centrale tunisienne. Selon lemonde.fr, s'appuyant sur une «supposition des services secrets français»,la famille du président déchu Zine El-Abidine Ben Ali se serait d'ailleurs enfuie de Tunisie avec 1,5 tonne d'or, soit l'équivalent de 45 millions d'euros. Leïla Trabelsi se serait rendue à la Banque de Tunisie chercher des lingots d'or. Face au refus du gouverneur de les lui remettre, elle aurait appelé son mari, «qui aurait d'abord lui aussi refusé, puis cédé».
La famille posséderait des biens immobiliers en Argentine. En France, elle disposerait de plusieurs millions d'euros sur plusieurs comptes bancaires, ainsi que d'appartements dans les beaux quartiers parisiens, de propriétés en Ile-de-France, d'un chalet à Courchevel et de villas sur la Côte d'Azur. À la demande de l'Elysée, une vaste opération de contrôle des avoirs de la famille et des flux financiers qui peuvent avoir eu lieu ces derniers jours a commencé. L'organisme antiblanchiment Tracfin, rattaché au ministère de l'Economie et des Finances, a consulté les fichiers bancaires à sa disposition d'après une liste d'une douzaine de noms puisés dans l'entourage proche de l'ex-président. Il s'agit notamment de s'assurer que les familles Ben Ali et Trabelsi ne cherchent pas à transférer des sommes importantes à l'étranger, qu'elles n'ont pas effectué de retraits en espèces anormalement élevés et qu'elles n'ont pas réalisé des opérations d'achats ou de ventes de métaux précieux, notamment d'or. Nicolas Sarkozy s'est engagé par ailleurs à «répondre sans délai à toute demande» du gouvernement légitime concernant «des avoirs tunisiens en France ».
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L'Orient le Jour (Liban)
Domino ou boomerang ?
Les temps changent, les moyens de communication évoluent, tout se sait, tout se dit et se répète, l'information se transmet à une cadence, à un rythme jamais connus auparavant et il est encore des pays, des régimes, des dictateurs, des têtes brûlées, qui vivent dans des bulles «célestes» coupées du reste du monde, des réalités, des vérités qui les entourent.
Zine el-Abidine Ben Ali vient de payer le prix de sa cécité délibérée, de sa hautaine surdité. Il aura tout loisir dans son exil saoudien, un exil très peu doré, de ressasser les raisons de sa soudaine infortune. Une page se ferme, une autre s'ouvre en Tunisie, mais rien ne garantit que les lendemains seront forcément heureux. L'anarchie qui a suivi la fuite de Ben Ali montre clairement que le processus de normalisation ne sera pas chose aisée.
Difficile en effet de réussir une transition tranquille vers la démocratie après 23 ans d'une dictature impitoyable qui a annihilé toute forme d'opposition politique, anéanti toute relève potentielle.
La révolution du jasmin, ne l'oublions pas, a été surtout le fait des jeunes, des laissés-pour-compte d'un système gangrené par la corruption, elle a été déclenchée par une population saignée à blanc par une cherté de vie insupportable alors que la classe dirigeante s'enivrait dans les délices des palais usurpés.
Et maintenant ? Faut-il s'attendre à un effet domino ? Les dictatures arabes, proches ou lointaines, ont-elles conscience que les slogans lancés en Tunisie ont été largement véhiculés, réalisent-elles que les sites web, les téléphones portables transpercent les murs, les chapes de plomb, réveillent des revendications légitimes longtemps brimées ?
Autre interrogation : la chute de dictatures longtemps au pouvoir ne risque-t-elle pas de se traduire par un vide politique déstabilisateur rapidement comblé par l'extrémisme islamiste, cet épouvantail que les autocrates n'arrêtent d'ailleurs pas d'agiter pour justifier la pérennité de leurs régimes, qu'il s'agisse de la Syrie ou de l'Egypte, des pays du Golfe ou du Maghreb ?
Situation aberrante, paradoxale, reflétée par une récente déclaration de Hillary Clinton : «Les peuples arabes sont lassés des institutions corrompues qui les gouvernent», a-t-elle dit, omettant d'ajouter que les Etats-Unis soutiennent à bloc les régimes dont ils dénoncent régulièrement l'état de délabrement moral...
La colère qui a explosé en Tunisie bouillonne ailleurs dans le monde arabe et Madame Clinton n'est pas sans l'ignorer. Situation sociale difficile, malsaine, régimes corrompus vivant à des milliers d'années-lumière de leurs populations : le malaise est profond et Internet assurera, sans nul doute, les courroies de transmission. Effet domino ou effet boomerang ? L'avenir le dira...
Et le Liban dans ce maelström ? Est-il à l'abri des secousses sociales, n'est-il pas, lui aussi, confronté au problème du chômage, d'une cherté de vie sans cesse ascendante ? Les frustrations à cet égard sont évidentes, les revendications légitimes, mais la récupération politique qui en est faite, la communautarisation qui lui est conséquente et les tentatives menées par l'opposition pour neutraliser l'Etat ont inversé les priorités.
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Libération (France)
L'appel de la liberté
Ils ont bonne mine, les gourous du différentialisme, les grands prêtres du choc des civilisations, les savants prophètes de l'identité soi-disant irréductible. Pour eux, aucun doute : dans le monde arabe, la démocratie n'avait aucune chance, les Musulmans ne voulaient pas de la liberté, l'Islam était imperméable aux valeurs universelles, qui ne sont qu'un luxe réservé aux Occidentaux. Souvenons-nous de Jacques Chirac réécrivant la déclaration de 1789 : «Le premier des droits de l'Homme, c'est manger, être soigné, recevoir une éducation et avoir un habitat. De ce point de vue, il faut bien reconnaître que la Tunisie est très en avance.» Sous-entendu : ceux qui réclament des libertés publiques en terre d'Islam sont des importuns, des rêveurs ou, pire, des colonialistes déguisés. Et voilà qu'à l'ébahissement des chancelleries occidentales, prenant à contre-pied tous les résignés de la realpolitik, un pays musulman descend dans la rue et chasse un dictateur corrompu et brutal qu'on disait indéracinable. Mieux, dans tout le monde arabe, les cousins de Ben Ali, les Bouteflika, les Moubarak ou les Khadafi, cette Sainte Alliance du nationalisme décati et de la torture dans les caves, commencent à trembler devant leurs peuples et à vérifier dans la fièvre que leurs policiers les soutiennent toujours.
Bien sûr, faute d'avoir prévu le passé, les réalistes se rattrapent en jouant les Cassandre. L'illusion lyrique ne durera pas, pensent-ils, l'anarchie risque de déboucher sur une autre dictature et si, d'aventure, la démocratie s'installe, elle pourrait profiter d'abord aux islamistes qui ont capté l'esprit des couches populaires. L'hypothèse, d'ailleurs, n'est pas invraisemblable :
Rached Ghannouchi, retiré à Londres, peut revenir en gloire et lancer avec succès sa formation jusque-là réprimée, Hizb Ennahda (le parti de la renaissance), dans une élection libre.
Mais nous n'en sommes pas là.
Aujourd'hui, le peuple tunisien a démontré que l'appel de la liberté rencontre un écho universel et, que l'on soit Chinois, Iranien ou Arabe, on préfère à toutes les dictatures, un régime où les droits sont reconnus et où les dirigeants sont soumis au verdict du peuple. Un régime où, comme disait Winston Churchill, «quand on sonne chez vous à 6 heures du matin, vous êtes sûr que c'est le laitier».
Les diplomaties occidentales qui soutiennent sans discontinuer les régimes en place, abandonnant leurs principes pour se trouver du côté du manche, pourraient commencer à le comprendre.
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Le Quotidien d'Oran (Algérie)
Le périlleux chemin de la transition
Après le jasmin, les épines. La Tunisie doit mener sa transition dans des conditions périlleuses.
La Tunisie fait ses comptes. Et, pendant qu'elle fête encore la chute de celui qui était devenu son cauchemar, elle découvre que les lendemains de révolution sont souvent difficiles, selon une vieille règle qui veut que l'ivresse soit inévitablement suivie par la gueule de bois. Et derrière l'enthousiasme de cette grande mobilisation de la «révolution du jasmin», le pays commence à entrevoir les difficultés de tenir les promesses de l'après Ben Ali.
Car le chemin risque d'être périlleux, pour une raison essentielle : la Tunisie a été contrainte au plus difficile des scénarios, celui de s'engager dans la transition dans la douleur, avec un minimum de moyens alors que les attentes sont immenses. Elle n'a pas fait du changement un programme, mais elle y a été plongée au lendemain de violentes émeutes qui ont provoqué le départ de l'ancien chef de l'Etat. Elle ne s'est donc pas donnée le temps de préparer la transition, de la négocier, de chercher les appuis et les alliances internes et externes pour éviter les risques de dérapage.
Ceci condamne la Tunisie à réussir sa transition en comptant sur l'appui international, et surtout, sur une profonde mutation des forces politiques présentes dans le pays, pour combler l'absence d'un leader de l'envergure de Nelson Mandela ou de Vaclav Havel, capable de porter la transition. L'ancien pouvoir a laminé l'opposition, et privilégie la création d'une nombreuse clientèle, omniprésente dans les rouages de l'Etat et au sein de la société. Ce qui a provoqué deux effets dévastateurs : d'une part, l'opposition doit tenter de participer à la transition alors qu'elle n'en a pas les moyens. Réduite à la clandestinité, mobilisant l'essentiel de son énergie pour survivre, elle n'a pas réussi à prendre l'épaisseur nécessaire pour gérer le pays.
D'autre part, les ambitions, les ego et les divergences politiques, réelles, ne devraient pas faciliter la recherche d'un terrain d'entente entre partis de l'opposition. Et si l'opposition va à la rencontre du pouvoir en place en ordre dispersé, elle risque d'être broyée par les appareils politiques et policiers de l'ancien régime.
De manière plus globale, les forces structurantes, capables de canaliser les attentes de la société sans les décevoir, ne semblent pas suffisamment étoffées. Le pouvoir en place doit faire la preuve de sa bonne foi, lui qui fait l'objet d'une suspicion aussi forte que légitime. Le président par intérim, MM. Fouad Mebazza, et son Premier ministre, Mohammed Ghannouchi, ont, à titre d'exemple, docilement servi les présidents Bourguiba et Ben Ali. Il faudra qu'ils prouvent leur volonté d'accompagner le changement. Quant à l'opposition, elle doit elle aussi faire sa mutation, pour se transformer en appareil de gestion après avoir vécu exclusivement dans la contestation.
La fragilité de la Tunisie la poussera également à s'appuyer fortement sur l'extérieur. La situation va même s'aggraver, car les troubles vont sérieusement grever les recettes du tourisme, qui constitue une rentrée essentielle du pays en devises. Où trouver les fonds nécessaires pour financer la transition et acheter la paix sociale ? Les partenaires traditionnels seront mis à contribution, mais rien ne prouve qu'ils joueront le jeu. La France, pouvoir et opposition, a tracé une feuille de route qu'elle veut imposer, sans se rendre compte de l'absurdité de la démarche. El-Kardhaoui, de son côté, a fixé une ligne de conduite, qui recoupe celle de Rachad Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahdha, qui se prépare à rentrer au pays. Quant aux Américains, ils se sont félicités du soulèvement, en attendant de voir. Que demanderont-ils pour aider à la réussite de la transition ?
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Le Devoir (Canada)
Renversement de Ben Ali - La rue l'emporte
La rue tunisienne a gagné. Dictateur qui régna sans partage pendant 23 ans, Ben Ali a quitté le pays à l'heure des voleurs: la nuit venue et dans la plus grande discrétion. Ce départ dans la précipitation de la part d'un homme qui avait la maîtrise de tous les rouages de la répression symbolise à lui seul combien le peuple tunisien en général, et la jeunesse en particulier, était habité par une volonté et une seule, que résume fort bien le slogan scandé hier: «Ben Ali, dégage!»
Il a dégagé non pas sous la pression d'islamistes ou de militaires qui auraient réalisé un coup d'Etat, mais bien parce que la nation tunisienne était plongée dans une détresse dont le caractère économique se détache du reste. Dans le temps court de l'histoire, celle-ci a débuté en 2008 dans le sud du pays. Plus précisément dans les environs de Gafsa, où se concentrent les ressources minières de la Tunisie. Toujours est-il que cette région a été le théâtre de mouvements sociaux si constants qu'on les a qualifiés de sans équivalent au Maghreb.
En emprisonnant des dizaines et des dizaines de militants et de syndicalistes, sans oublier les journalistes qui avaient osé faire leur travail, Ben Ali a nourri la contestation d'une province où le nombre de chômeurs dépasse les 50 %. Ensuite, et après que la crise eut atteint l'Europe, et plus particulièrement la France, les revenus inhérents à l'industrie touristique ont fondu comme neige au soleil. Pour panser les plaies d'un secteur qui pèse 7 % du PIB, Ben Ali n'a rien trouvé de mieux que d'opter pour la fuite en avant en accordant des exonérations d'impôts au bénéfice d'entreprises appartenant aux amis du régime. Résultat net? La dette publique pour le seul exercice 2009 a totalisé 5 milliards.
Parallèlement à cet essorage financier, Ben Ali a aiguisé davantage l'appétit légitime des Tunisiens pour un changement de régime. Comment? Il a brandi la carte de la privatisation des télécommunications et d'une partie du secteur bancaire à son avantage et à celui de sa belle-famille. Ce faisant, il a renforcé la mainmise de clans qui lui sont acquis, de clans qui ont bénéficié de ses largesses dès le début de sa prise du pouvoir.
Il ne manquait plus qu'une hausse marquée des matières premières, et notamment des céréales, pour qu'une rue tenaillée par le désespoir et la faim estime que la seule chose qui lui restait à faire était de se débarrasser de Ben Ali à n'importe quel prix. Elle a gagné. En fait, elle a remporté une manche. Une manche aussi importante qu'historique, mais une manche quand même. Car reste à savoir maintenant ce que le gouvernement qui a été formé à la va-vite dans la journée d'hier va décider.
Va-t-il opter pour une révolution dite de velours en promettant l'organisation d'élections libres, la liberté d'expression, l'instauration de l'Etat de droit, ou bien va-t-il gagner du temps pour mieux installer un régime tout simplement moins autoritaire que celui de Ben Ali?


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