Hier, à 10 heures du matin, un temps nuageux règne dans le ciel de la capitale. Un ciel grisâtre déchiré par le bruit d'un hélicoptère de l'armée nationale faisant des survols de contrôle. Ce bruit est devenu très familier pour les résidents du Grand-Tunis surtout le soir. Ils se sentent d'ailleurs rassurés et en sécurité après les trois premières nuits -juste après le 14 janvier-, où les milices avaient semé la terreur auprès des citoyens. En fait, l'armée nationale est omniprésente dans la capitale, à l'avenue Habib Bourguiba comme l'avenue de la Liberté, à l'avenue Mohamed V ainsi que d'autres points vitaux de la ville. Si le rythme de la vie se ressemble dans toutes les rues du centre ville, il reste exceptionnel à l'avenue Habib Bourguiba et celles qui la desservent. Cette avenue qui a enregistré la présence de milliers de Tunisiens le 14 janvier, venus de partout pour arracher la liberté à un régime dictateur qui a duré vingt-trois ans ne retrouve pas encore son équilibre ni sa stabilité. Il est même clair qu'elle ne le retrouvera pas très rapidement ni dans les quelques jours à venir. Les visages des passagers ou des manifestants qui ne cessent d'ailleurs, de se multiplier donnent l'impression qu'ils sont en train de chercher leurs chemins. Chacun à sa manière, cherche la voie de la liberté, de la démocratie et de la vérité qu'il croit avoir à lui seul. Chacun se comporte en tant que grand connaisseur des rouages de la politique et donne son point de vue par rapport au gouvernement provisoire, vis-à-vis de l'Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT) ou d'autres partis. L'allée piétonne de l'avenue Habib Bourguiba s'est-elle transformée en « Speakers' Corner », le « Coin de l'orateur » du fameux Hyde Park en Angleterre ? En faisant un petit tour nous pouvons y croire pour quelques instants. Des pancartes où nous lisons « nous voulons un régime parlementaire, présidentiel, démocratique… » sont levées par certains citoyens. D'autres exposent des caricatures où le président déchu et sa famille sont critiqués. Choses interdites depuis deux semaines. On se croirait même être dans l'un des pays occidentaux où la liberté d'expression est le maître mot. En fait, un « artiste improvisé » démuni expose ses tableaux faits par des amateurs à côté des paires de chaussures usées attire l'attention d'une grande foule. Ce vendeur ambulant qui ne trouvait pas de place à l'avenue pour ne pas ternir l'image de l'artère principale de la capitale est le bienvenu actuellement. « C'est original, viens voir », appelle une jeune fille qui ne pouvait pas retenir son sourire après avoir vu la caricature de Ben Ali. Le chaos Mais malheureusement nous ne pouvons pas comparer l'avenue Habib Bourguiba par le « Coin de l'orateur », cet espace de libre expression où tout un chacun peut prendre la parole librement devant l'assistance du moment, où même par « Souk Oukadh », et ce pour la simple raison que le chaos règne. Le chaos, un mot qui signifie entre autres, le désordre, est très clair à l'avenue. Les tas d'ordure sont partout au bord de la chaussée. Les déchets jetés par terre et les bennes qui n'ont pas été vidées depuis des jours débordent. Cela s'explique par le mouvement de grève et de manifestations lancés par les agents municipaux depuis samedi 22 janvier (NDLR : Ils ont eux gain de cause (voir information page 3). Le stationnement en pleine avenue interdit auparavant est permis actuellement. La grue qui faisait la chasse aux voitures de façon abusive et parfois illégale s'est distinguée par son absence laissant libre chemin aux automobilistes. Ces derniers n'ont pas hésité un instant à garer leurs automobiles tout le long de la rue ainsi que les endroits qui étaient incessibles. Ils garent leurs véhicules même en troisième position ce qui bloque totalement la circulation. Ce blocage, espérons bien qu'il ne se généralise pas sur toute la composante de la vie socio-économique de notre pays faisant face à des difficultés. Ce qui freine notre économie à décoller et à redémarrer.