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Aux fins fonds de Sidi Bouzid
Reportage : Réalités autrement plus amères qu'on ne le croyait
Publié dans Le Temps le 01 - 02 - 2011

• « Durant des années et des années, on nous conseillait de vivre d'amour et d'eau fraîche » déclarent les habitants de Sidi Bouzid
• L'hôpital de façade n'a d'hôpital que le nom. En fait, c'est un cache-misère
• Un doigt accusateur est dirigé vers les médecins qui refusent d'y aller travailler
La ville de Sidi Bouzid est en quelques sortes effacée par les autres grandes autres agglomérations juste au Centre de la Tunisie. Avec ses vastes étendues et la verdure des plaines qui l'entourent, la misère que cette ville a dans ses différentes facettes de vie quotidienne est frappante. Notre périple dans cette ville, ne permet pas de dégager une vision complète de la réalité des habitants de cette ville, de sa réalité économique, dans le cas où elle existe bien évidemment, mais tout laisse prédire que la jeunesse de cette ville a tout le droit d'aspirer à un avenir meilleur.
Peuplée de 39 915 habitants en 2004, Sidi Bouzid elle est un centre administratif régional et un important centre de commercialisation agricole. La ville s'est développée sous le protectorat français. 1901 était la date de création de l'école franco-arabe d'El Hamma autour du noyau villageois de Saddaguia (aujourd'hui un faubourg de la ville). Eloignée de la mer (135 kilomètres à l'ouest de Sfax) et de la capitale (265 kilomètres au sud de Tunis), cernée par des montagnes, la ville souffre d'une situation d'enclavement qui a limité son développement. De plus, à l'échelle locale, le site de la ville est une cuvette cernée de montagnes (dont le Djebel El Kbar culminant à 793 mètres d'altitude) et menacée par les crues des oueds Gammouda et Falet Galla. Sidi Bouzid est située au-dessus de la plus vaste nappe phréatique du pays qui atteint une superficie de 600 km2 pour une épaisseur pouvant atteindre cinquante mètres.
La plaine de Sidi Bouzid est consacrée à la culture des céréales, des arbres fruitiers et au maraîchage. Ainsi, la ville est le premier producteur de légumes du pays et l'un de ses principaux bassins laitiers. Elle commercialise également une race élevée d'agneau, localement. Trois unités de séchage de tomates totalement exportatrices, la SODAF, la HTF et l'AGRIT, ainsi que trois unités de transformation de tomates et de harissa, destinées à la consommation locale et à l'exportation, sont installées dans la ville. Mais autour, c'est le vide ! Certaines des activités de transformations des biens de la région ont été « délocalisées » dans les villes voisines, notamment à Sfax où la tradition industrielle est plus ancrée. Nous ne pourrions dire que le nombre restreint des activités industrielles minimes dans la région sont la raison directe du taux de chômage élevé parmi les jeunes et la population de la région, mais les raisons sont bien multiples que cela.
L'Hôpital !
Nous indiquant des signes autres que ceux de la Révolution, on nous a demandé d'aller voir de plus près dans l'hôpital régional de Sidi Bouzid. Une réelle catastrophe. Rien ne marche dans cette institution, à l'image de toute une région. « Depuis dix ans, on nous a assigné un budget de 2 millions de dinars pour le réaménagement des départements d'ophtalmologie, de pédiatrie et de cardiologie, nous précise l'infirmier surveillant de l'Hôpital. Pour l'ophtalmologie, on espérait l'aménagement des deux salles d'opération et une autre pour le département de cardiologie. Ce budget s'est vu amoindrir au fil des années. Avec 2 millions de dinars arrêtés en un premier lieu, la valeur de cet argent n'est plus la même avec des montées en flèche des coûts des matériaux de construction et autre. Dernièrement, le ministère de la Santé Publique s'était décidé à alléger ce même budget : au lieu de mettre les bouchées doubles, on a décidé de réaménager une salle d'opération et de fermer l'autre. Et pour le faire, on avait décidé d'équiper ladite salle de ses propres équipements (climatiseurs, groupe électrogène, chauffage central…), pour par la suite d'éliminer la climatisation, et puis et à chaque fois on dénichait encore plus de ce budget…. ! ». L'administration de cet Hôpital recevait à chaque fois une copie zéro du même projet, mais amoindri, allégé, plus restreint et moins fructueux. De bureaux d'études ont même été chargé de concevoir le moyen d'alléger ce budget, nous raconte notre même interlocuteur…mais sur le terrain, rien n'a été fait ! « Deux millions de dinars auraient pu assurer une transition dans les services de cet hôpital, dix ans auparavant. Aujourd'hui, absolument rien n'a été fait, et le budget a constamment été revue à la baisse».
Le service de pédiatrie, devant être le meilleur des services puisqu'on y traite des bébés et des enfants, de même au niveau des équipements « mais, nous en tant qu'infirmières, nous devons sauter d'un service à un autre, faute de personnel. Nous devons assurer la continuité du service néonatal et celui de pédiatrie au même moment. Je dois, et c'est mon quotidien, assurer mon travail avec les enfants malades pour sauter par la suite faire ce que je peux pour les bébés récemment nés…ceci sans matériel me permettant de désinfecter mes mains faute de moyens ! J'ai des patients ayant des maladies infectieuses, des gastroentérites, des méningites, mais comme vous le voyez, je suis seule, en manque de tenue, parfois je n'arrive même pas à laver mes mains tellement j'ai des tâches à accomplir en chevauchant entre les deux services », nous témoigne cette infirmières ayant plus de 18 ans d'expérience !
Chacun parmi les membres du personnel de cet hôpital de Sidi Bouzid avait quelque chose sur le cœur à nous dire dés qu'on se rendait compte que nous étions des journalistes. De même certains patients avaient leur mot à dire. « On doit apporter des couvertures de chez nous » nous a dit la mère d'un petit patient résident. « On appelle à avoir un service d'urgence au centre ville même de Sidi Bouzid, nous dit un autre parent, certains d'entre nous n'ont même pas le moyen de payer un taxi pour payer les 8 kilomètres qui nous séparent cet hôpital du centre ville ». Un hôpital universitaire pour Sidi Bouzid ?! Pourquoi pas, surtout que « nous essayons de travailler avec les moyens de bord existant pour assurer un service pour les habitants de la ville de Sidi Bouzid et les autres villes de son périphérique » nous assure le médecin de permanence de l'hôpital. « Il existe d'autres hôpitaux dans les autres régions de Sidi Bouzid disposant de blocs opératoires récemment construits, comme c'est le cas de l'hôpital de Meknassi, mais qui n'est pas en activité, faute de spécialistes et de techniciens », nous a-t-elle ajouté, « c'est un hôpital qui est capable de couvrir les populations importantes de Menzel Bouzayyene, de Meknassi et de Mazzouna. C'est un hôpital disposant d'un bloc opératoire, d'une urgence et d'une maternité, mais qui manque gravement de personnel. Il serait dans la capacité d'alléger la pression sur cet hôpital de Sidi Bouzid, mais ce n'est pas le cas ».
Médecins réticents
L'affluence sur l'hôpital de Sidi Bouzid est grande et à chaque fois on annonce des ouvertures de centres d'urgence dans une région éloignée ou autre, mais rien n'a été accompli sur le terrain. « Même pour un petit problème, on nous dépêche des patients de régions lointaines, alors qu'il s'agit de cas qui pouvaient être soignés dans des centres de soins basiques » nous affirme le médecin. Selon elle « les visites de responsables étaient fréquentes, on nous demandait ce qui manquait à chaque fois. De notre côté on arrêtait la liste d'équipements dont on avait besoin et on commençait à attendre. Rien n'arrivait ». Ce médecin généraliste nous raconte comment elle avait fait des déplacements à Sfax pour arrêter des pro-formats pour les équipements dont son service avait besoin, elle y contactait les responsables et puis attendait… en vain. « Nous sommes en contact direct avec les citoyens et les patients. On essaye de faire notre mieux, mais parfois les choses dérapent, ils ont raison de réagir d'autant plus qu'ils ne savent pas la réalité des conditions dans lesquelles nous exerçons ».
L'hôpital de Sidi Bouzid a été celui qui avait, en un tout premier lieu, reçu Mohammed Bouazizi quelques minutes après qu'il s'était immolé par le feu avant de recevoir par la suite des dizaines d'autres martyrs et blessés pendant les protestations des jeunes de la ville contre leur sort. Les conditions dans cette unité hospitalière sont désastreuses, on y manque de tout ! De médecins, dont on dit qu'ils refusent d'aller travailler dans la ville de Sidi Bouzid puisqu'ils ne peuvent pas y exercer pour leur compte privé. Alors, ce sont des médecins bulgares et chinois qui ont fait leurs valises une fois les émeutes se sont déclenchées. A l'hôpital de Sidi Bouzid, on manque de tout. L'état désastreux de la cuisine était le pire à imaginer, l'état des ambulances à son tour peut tout dire, l'état des blocs opératoires manquant du strict minimum « avec des cafards qui errent à chaque fois la température de l'été grimpe», un manque de personnel dans pratiquement chaque service de cet hôpital, en un mot ; un manque de tout ! Et puis on se demande sur les raisons du chômage !
Les jeunes de Sidi Bouzid sont toujours dans leur état de détresse. Pour eux, pour le moment rien n'a changé, en attendant ce qui va venir. Ils aspirent à un avenir meilleur et c'est leur droit, mais ils veulent savoir où est ce qu'ils vont s'orienter ! « La Révolution a réussi et c'est pour la réalisation de ses objectifs que nous voulons qu'elle continue » nous a dit un voisin de Mohammed Bouazizi. Les objectifs de cette Révolution de ces jeunes c'est que tout d'abord qu'il y ait justice, qu'il y'ait transparence et qu'il y ait égalité.


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