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L'hôpital des horreurs
Reportage - Aux fins fonds de Sidi Bouzid (2)
Publié dans Le Temps le 02 - 02 - 2011

De notre envoyée : Nadya B'CHIR - Un agent de la maintenance que nous avons rencontré à l'hôpital de Sidi Bouzid, nous a dit : « il faudrait consacrer un journal entier pour pouvoir parler de cet endroit. » Et il ne croit pas si bien dire. Car des plaintes nous en avons ramassées à la pelle. Et ironie de l'histoire, en sortant de l'hôpital nous étions malades de ce dont nous avons été témoins.
Comment admettre pareil état piteux et délabré d'une unité censée destinée à prendre soin et guérir des patients et qui couvre un gouvernorat de onze délégations ? Cela relève de l'absurde, en effet. Dire que cet état perdure depuis des décennies ; que de plaintes portées, que de signaux d'alarme tirés et qui finissent par tomber dans l'oreille d'un sourd. Ni directeur d'hôpital, ni responsables au sein du gouvernorat, ni d'autres au ministère de la santé, ni même le ministre en personne ne sont intervenus pour mettre fin à cette tragédie digne des feuilletons les plus accablants.
Plus nous pénétrons dans les espaces de cet hôpital et plus nous découvrons le côté hideux de cet endroit et plus le sentiment d'effroi nous gagne. Nous aussi, nous avons eu une envie fortiche de crier haut et fort cette injustice à l'égard des habitants de Sidi Bouzid. Non seulement, ils ont été défavorisés et marginalisés socialement et économiquement mais aussi négligés par les autorités quant à leur simple droit d'être soignés.
Notre reportage a pour but, certes, de montrer cette calamité, mais aussi et surtout d'attirer les feux de projecteurs sur une situation d'extrême urgence. Ceci est un cri de SOS des Bouzidiens. Ecoutons-le.
« Je travaille ici depuis une trentaine d'années. Je suis veuve et j'ai deux enfants à charge. Je n'ai aucun contrat de travail et ne suis pas titularisée. En fait je n'ai pas de situation professionnelle stable et il ne me reste que peu pour être retraitée. J'ignore comment je vais faire pour continuer à subvenir à mes besoins et surtout à ceux de mes enfants. Je n'ai aucun droit social. Pendant longtemps, j'ai fait part de ma situation aux responsables au gouvernorat de Sidi Bouzid mais rien, toutes mes plaintes sont restés lettres mortes. Je n'ai pas de pistons pour m'aider à régulariser ma situation. Je suis payée 200 dinars par mois uniquement. J'ai contractée des maladies à cause des heures de travail lourdes et je n'ai même pas de quoi payer mes propres soins.»
« Nous manquons de personnel médical de façon cruelle. Ne n'avons pas suffisamment d'infirmières et infirmiers, et de médecins spécialistes. Nous avons demandé à recruter du personnel de la région, surtout qu'il y en a qui sont au chômage, mais les autorités ont refusé sous prétexte qu'ils n'ont pas la possibilité de les payer. Nous avons un seul médecin réanimateur qui ne travaille que trois jours par semaine alors que nous devons en avoir pour toute la semaine et 24 heures sur 24. Quant au matériel médical, nous sommes obligés de travailler avec des moyens obsolètes, les mêmes depuis l'ouverture de l'hôpital. Nous avons demandé maintes fois de nous changer le matériel, de le renouveler, personne ne veut nous écouter, ils nous disent de continuer à se débrouiller comme on peut. »
« L'hôpital a ouvert ses portes en l'an 1993 et resté pendant des années hors état de service. Du coup le matériel s'est détérioré et en 2003 où l'unité hospitalière a commencé à fonctionner, nous étions obligés d'utiliser les moyens de bord. Le matériel est rouillé et pourtant ! »
« Aucun médecin tunisien ne veut venir exercer à Sidi Bouzid, parce qu'il n'y a pas de clinique où ils peuvent travailler en privé. L'offre pécuniaire que le ministère de la Santé leur propose ne les séduit pas, en plus. Nous voulons qu'on donne la chance à nos enfants d'étudier la médecine afin de pouvoir travailler plus tard ici et remédier à cette situation. »
« Maintenant que nous n'avons plus les médecins bulgares, nous sommes nous-mêmes responsables des cas de réanimation, or nous n'avons pas les compétences requises pour cela. Je dois vous dire qu'une bonne partie des décès constatés dans cet hôpital sont du à la négligence. »
« Le cardiologue qui exerce ici n'est pas compétent,w il a juste un master en cardiologie, de fait il n'est pas en passe de fournir les soins nécessaires aux patients concernés. Et face à cette situation, les citoyens ne comprennent pas que nous ne pouvons pas faire plus ce que cela et que cela ne dépend pas de nous, personnel médical mais des autorités qui ne veulent pas pallier ces insuffisances. »
« Les médecins exigent des patients des sommes en privé afin qu'ils leurs dispenser les soins requis, alors que ces patients sont pauvres et trouvent à peine de quoi acheter un médicament et parfois même ne peuvent pas le faire. Il y a même un trafic de médicaments ici, on les vend à des prix supérieurs.»
« Plusieurs patients meurent en cours de route quand ils sont en chemin vers l'hôpital de Sfax, et à cause de la saturation dans leur unité, souvent ils refusent d'accepter les malades sauf intervention. »
« Au début, il s'agissait de construire un hôpital universitaire avec un campus. Mais on ne comprend même pas pourquoi ce projet a été annulé pour finalement par nous construire un hôpital qui n'a même pas les qualités d'un dispensaire. Et croyez-nous ce n'est pas le seul projet qui a été au départ destiné à Sidi Bouzid mais détourné en cours de route dans d'autres régions. »
« Certains patients meurent après leurs opérations chirurgicales malgré qu'elles aient été réussi et tout cela à cause de la négligence, on oublie de leur donner les médicaments ou même le sérum. Personnellement je suis malade de tous ce que je vois ici.»
« Je fais partie du personnel de la cuisine. Je travaille 12 heures par jour, je suis payée 200d et en plus de tout cela, on est humiliée par la patronne, mal traitée et on n'a aucun droit, ni congé, ni pause déjeuné. Nos conditions sont lamentables et nous ne pouvons pas parler ni protester car nous risquons de perdre notre travail et on ne peut pas se le permettre. C'est de l'exploitation pure et simple.»
La liste des plaintes et des protestions est longue. Ce sont celles de plusieurs années cumulées. Et ils nous disent que ce n'est pas l'unique faute à Ben Ali et de son régime. C'est aussi et avant tout celle des responsables corrompus et sans conscience aucune, les affidés de Ben Ali. Ils ne cessent de leurs mentir et de leurs faire des promesses en l'air. Ils ont profité de leur simplicité d'esprit et de caractère pour les condamner à l'oppression et au silence. Les comportements de ces responsables, qu'on peut même qualifier de bourreaux, ont été funestes à la population de Sidi Bouzid. Ils n'ont pas seulement chapardé le concret de la vie des Bouzidiens, mais également leurs rêves et leurs ambitions. Comment panser leurs blessures morales devenues endémiques? Comment calfeutrer ces fentes sociales et économiques ayant pris trop d'âge? Comment rendre à cette population sa dignité et de surcroît la vie ? Car à les voir dans cet état, nous avons le plus grand mal à dire que, tout simplement, ils vivent.


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