La Soroubat est une grande société tunisienne privée spécialisée dans le bâtiment et la construction de routes. Depuis une semaine maintenant, ses ouvriers sont en grève et ses fonctionnaires ont été mis en congé sans en avoir été prévenus et ce pour une durée indéterminée. En cette période de paiement des salaires, la direction a réagi aux revendications des ouvriers et à leur mouvement de protestation par la fermeture inopinée de la société et de ses dépôts. Ce jeudi, nous avons rencontré un grand nombre de grévistes lesquels nous ont fait part de leurs requêtes et remis divers documents attestant la légitimité et la modestie de leurs revendications comparées à celles des autres secteurs professionnels. D'après M. Khaled Farhati, secrétaire général du syndicat de base de la Soroubat, l'administration a été à plusieurs reprises informée de ces demandes, mais dans les rares réunions qu'elle tint avec les représentants des employés, elle se contenta de promesses et de reports sans fin des audiences. Que demandent les ouvriers ? Le versement de la prime de rendement annuelle octroyée sur la base de la note du conducteur du projet ; le versement (sans la moindre retenue) de la paie du mois de janvier; l'augmentation des salaires dans toutes les catégories professionnelles, la régularisation de la situation professionnelle et administrative de tous les cadres et l'inscription des heures supplémentaires sur la fiche de paie comme le stipule la convention collective. Un geste de reconnaissance, au moins ! A long terme, les employés de la Soroubat s'attendent également à ce que leur Direction accorde le droit syndical au sein de la société, procède à la classification des ouvriers selon leurs compétences et leur ancienneté, révise les rétributions des jours fériés et du congé hebdomadaire et crée les meilleures conditions d'hygiène et de sécurité sur le lieu de travail. En attendant que la Soroubat reprenne le travail, une bonne partie des ouvriers va affronter les pires difficultés pour s'acquitter de ses dépenses quotidiennes et pourvoir aux besoins essentiels des familles à charge. Manifestement et d'après ce que les employés nous ont expliqué, la direction de la Soroubat fait la sourde oreille en jouant d'abord sur cette situation difficile des ouvriers lesquels, selon elle, finiraient en désespoir de cause par interrompre la grève et ensuite sur le facteur climatique dans la mesure où le travail de l'entreprise se ralentit considérablement par mauvais temps. Une telle réaction face au sort de plus de 1400 ouvriers peut-elle désormais se concevoir après la Révolution du 14 janvier ! Pourtant, ce sont ces ouvriers qui, pendant les violences et les campagnes de pillage de la mi-janvier, ont préservé tout le matériel de la Soroubat. « Aucun outil, aussi rudimentaire soit-il, assurent M. Khaled Farhati et tous ses collègues, n'a été volé ni endommagé lors des actes de vandalisme. Est-ce ainsi qu'on nous remercie d'avoir protégé notre société ? » Puisse donc la direction de la Soroubat réviser sa position et donner suite aux requêtes de ses « sauveurs » au moins à titre de reconnaissance pour ce dévouement professionnel rarissime de nos jours !