L'activité du commerce international est assujettie à une interconnexion entre les différents acteurs de la chaîne de valeur (exportateurs, importateurs, transporteurs, transitaires)... La defectuosité d'un maillon de la chaîne, fait donc capoter le fonctionnement du processus. Les services portuaires font partie intégrante des maillons de la chaîne d'où l'impact direct, indirect ou croisé sur la compétitivité des entreprises du commerce international. Les rapports internationaux notamment de Doing Business et de Davos attestent des progrès enregistrés en Tunisie en matière de dédouanement de la marchandise tant en terme de délais que de coûts. Mais ce n'est que la face émergée de l'iceberg. Et il revient aux acteurs du commerce international, les hommes de terrain, de dévoiler la face immergée dans des profondeurs lugubres. Outre les maux chroniques du secteur, les acteurs du commerce international déplorent les « hic » dans l'après Révolution quelque part enchevêtrés dans la série de grèves menées au sein de la STAM (La Société Tunisienne d'Acconage et de Manutention STAM), laquelle détient le monopole du marché dans le Port de Radés. Hormis les ports de Sousse, de Sfax, de Bizerte, de Zarziz, de Gabès et de la Goulette, le port de Radés, est le premier terminal à conteneurs en Tunisie qui « assure 25% du trafic national global, 87% du tonnage des marchandises conteneurisées, 79% du tonnage des marchandises chargées dans des unités roulantes, 90% du trafic de conteneurs en EVP, 82% du trafic des unités roulantes et 20% du trafic de navires enregistré dans l'ensemble des ports de commerce Tunisiens ». A vrai dire, le port de Radés est l'épine dorsale des flux du commerce maritime en Tunisie. Et par ricochet, la qualité des services rendus au port de Radés, notamment pour les transporteurs transparaît au travers du rendement et du degré de compétitivité des entreprises opérant dans le secteur du commerce international. La STAM (Société Tunisienne d'Acconage et de Manutention) en sa qualité de concessionnaire et gestionnaire du terminal à conteneurs au Port de Radés et assurant la totalité de l'activité d'acconage et de manutention au port de la Goulette semble embrouiller l'activité des transporteurs maritimes. Voici quelques témoignages…
Zied Akkari, Directeur de Lignes dans SEAWAVE, une des plus grandes compagnies de transport maritime en Tunisie «Le monopole ne pourra jamais être productif»
« 80% des marchandises transitent par le port de Radés et toutes les opérations de gestion du terminal à conteneurs dont notamment l'acconage transitent systématiquement par la STAM, l'entreprise publique qui détient le monopole du marché à Radés. La productivité de la dite société est quasi nulle et ses agents ne font qu'à leur tête. En fait et par déduction le monopole ne pourrait jamais être productif. Pis encore, les services rendus par la STAM sont en deçà des attentes des opérateurs. Un navire destiné à l'export ne peut attendre une semaine, et ce genre de retard dans le transport et l'acconage des marchandises ne peut que nuire à l'image de la Tunisie à l'extérieur et altérer le fonctionnement des entreprises qui endosseront le retard de livraison ou d'expédition et supportent en conséquence les frais supplémentaires. Et depuis le 14 janvier, la situation n'a fait qu'empirer davantage. Quatre grèves, dont la dernière en date celle du samedi dernier. Heureusement que l'activité portuaire a repris dans l'après-midi. A mon sens, la STAM ne peut en aucun cas accaparer à elle seule la quasi-totalité de l'activité de manutention et d'acconage au port de Radés. Seule la concurrence permettra d'améliorer la compétitivité du secteur de manière à mieux servir les intérêts de tous les acteurs ».
Hassen El Younsi, DG Tuniship (société maritime) « L'activité de manutention et d'acconage au Port de Radès devrait s'ouvrir tôt ou tard sur le secteur privé »
« Personnellement je pense que l'activité de manutention et d'acconage au Port de Radés devrait s'ouvrir tôt ou tard sur le secteur privé et ce, pour une meilleure compétitivité prix et hors prix. Nous avons été submergés ces derniers temps par le nombre de navires en stationnement sur fond de grèves de la STAM. Du fait nous avons été obligés d'avoir recours aux armateurs ou encore aux « bateaux taxis », à titre de location, pour acheminer la marchandise. Et dans la majorité des cas, ces armateurs sont des mercenaires qui cherchent à maximiser leur profit, indépendamment de la qualité de leurs services fournis. Il ne faut pas perdre de vue que les sociétés off shore opérant en Tunisie sont en corrélation directe avec les chaînes de livraison et de stockage. A titre d'exemple, tout dysfonctionnement au port de Radés pourrait saborder les mécanismes et l'activité d'une grande entreprise de câblage comme SAGEM, laquelle emploie un minimum de 4000 employés… Actuellement les flux sont tendus. Plusieurs défaillances existent au Port de Radés. Les bateaux de la CTN, sont prioritaires au port de Radés, ce qui est illogique. Un navire de marchandises doit attendre le passage en premier d'un navire CTN. Or partout dans le monde le premier arrivé est le premier servi. Le nombre de quais est insuffisant, les machines sont le plus souvent obsolètes, le rendement de l'activité d'acconage est quasi nul en plus de l'encombrement des marchandises. Au final, il faut revoir ces insuffisances au port de Radés qui représente le point focal d'entrée et sortie de marchandises en Tunisie ». Yosr GUERFEL AKKARI