L'entourage familial du président, a constitué au fil des vingt-trois ans de règne de Ben Ali un véritable empire allant des médias à la banque en passant par la grande distribution, le transport aérien et le tourisme. La bande du Président déchu a fait tout son possible pour acquérir l'Hôtel Yasmina au centre ville d'Hammamet mais elle n'a pas pu mettre la main sur ce patrimoine de la ville d'Hammamet. Son projet a été simplement bloqué et avorté comme nous l'explique Dr Salem Sahli, secrétaire général de l'Association d'Education relative à l'environnement. « Véritable miroir d'une société, le patrimoine culturel immobilier constitue une bibliothèque, un livre ouvert de l'histoire et de la culture d'une ville ou d'un village. De même qu'on peut lire culturellement un paysage, cette lecture devient encore plus évidente pour un site construit. Ainsi en est-il de l'Hôtel Yasmina situé au cœur même de la ville de Hammamet. Le domaine appartenant à l'industriel Suisse M. ORMOND fut acquis par la municipalité au milieu des années soixante. Il fut un temps utilisé comme dispensaire, jardin d'enfants et siège de la commune entre 1967 et 1969. Construit par l'architecte LAROCCA, l'Hôtel fut inauguré en 1969 par Ahmed Ben Salah. Depuis, il vit se succéder plusieurs générations d'hammamétois qui y firent leur apprentissage des effets fastes et néfastes de la nouvelle industrie touristique. Remarquable par son style architectural d'inspiration Néerlandaise, l'Hôtel Yasmina a été conçu dans une logique esthétique loin de tout mercantilisme. Tout y inspire l'intimité et la convivialité. La construction est d'une savante simplicité : Le bâti y est réduit à sa plus simple expression. Le dimensionnement est à l'échelle humaine. Point de gigantisme, les étages sont exclus. La répartition des chambres, noyées dans la verdure, épouse le paysage dans une harmonie parfaite. C'est depuis l'Hôtel Yasmina que le visiteur peut admirer l'une des plus belles vues donnant sur la baie de Hammamet dont il est le point de départ. Ou encore contempler le château fort tout proche avec lequel il dialogue." La ville a clamé la restitution pure et simple de son patrimoine Nul ne peut nier que l'Hôtel Yasmina présente un intérêt public au point de vue esthétique, historique et culturel. Il a marqué la mémoire collective locale et, malgré l'œuvre du temps, il a acquis avec les années une signification culturelle. Devenu un élément indissociable du cadre de vie et de l'environnement de la ville, il mérite d'être considéré comme un patrimoine culturel au même titre que « Dar Sébastian » située à quelques encablures du lieu. «Hélas explique Dr Sahli, pour cette magnifique résidence, le compte à rebours est déjà déclenché. Après le dépôt de bilan de la société Yasmina, propriétaire de l'Hôtel du même nom, la municipalité a été sommée à maintes reprises de liquider ses parts dans la société, soit les 2,25 ha sur lesquels a été construit la majeure partie de l'Hôtel. Pendant des années, la Commission d'assainissement et de restructuration des entreprises publiques (Carep) et les différents conseils municipaux ont négocié afin de trouver une issue à cet imbroglio juridico-foncier. Une solution d'échanges de terrains a même failli être adoptée par le conseil municipal en 1999. Mais rien n'y a fut, la ville s'est rétractée et a continué à clamer la restitution pure et simple de ses biens, relayée en cela par une opinion publique locale quasi-unanime. Cette position est justifiée par le besoin urgent qu'il y a à reconstituer une partie du capital foncier de Hammamet afin de mener à bien les projets socioculturels, écologiques et de loisirs, projets expressément revendiqués par la population. Cela fait plus de 10 ans que le site est à l'abandon. Ceux qui s'y aventurent sont frappés par la dégradation des lieux. Un sentiment de tristesse et de désolation vous envahit à la vue de cette friche où les buissons ont dévoré les murs et la végétation sauvage a envahi les bungalows.Faute d'entretien, le parc sans âme ni attrait est menacé à court terme. La mobilisation de tous les Hammamétois Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que le site en question est l'objet de beaucoup de convoitises et notamment des membres de l'ancien régime. "Ces requins de l'immobilier ajoute Dr Sahli qui ont livré la ville à la surenchère spéculative misent sur la périclité de ce patrimoine, ce qui aurait facilité son acquisition. Sinon, comment expliquer le silence/refus des autorités de tutelle d'avaliser l'achat par la municipalité de la portion bâtie de l'Hôtel estimée par un expert à 1.300.000 dinars ? Une enveloppe budgétaire a en effet été réservée à cette fin par le conseil municipal depuis deux ans. Ce dernier attend toujours l'accord du ministère de l'intérieur et celui des finances pour finaliser cette acquisition et entreprendre les travaux nécessaires à la réhabilitation du site. Une large consultation locale a même été initiée par la mairie en vue d'identifier les contours d'un futur projet d'aménagement. L'actuel conseil municipal a fait de la résistance. Gageons qu'il continuera à s'opposer aux constructeurs et aménageurs de tout poils qui ont enlaidi Hammamet en y érigeant complexes résidentiels, centres commerciaux, unités hôtelières…avec pour dénominateur commun une caractéristique : le gigantisme. La mobilisation des citoyens, des associations, des élus locaux, des artistes, des jeunes…bref de la société civile a permis de sauver l'Hôtel Yasmina des appétits ogresques du clan de Ben Ali. Aujourd'hui, au lendemain de la révolution, la vigilance des forces démocratiques ne doit pas baisser et des espaces de dialogue et de démocrate participative doivent être créés ou consolidés à l'échelon local dans nos villes et nos villages afin de débattre de l'avenir du pays et maintenir une forte implication des citoyens et des acteurs locaux. La réussite de la démocratie de proximité est le meilleur rempart contre les mafieux, les corrompus et autres prédateurs » conclut Dr Sahli