• Une rencontre organisée par le CREDIF analyse cette révolution sous un angle sociologique - Hier, au Centre de recherche, d'études, de documentation et d'information sur la femme, le CREDIF, il était question de discuter de ces blogueurs et de ces blogueuses qui ont fait couler beaucoup d'encre pendant la révolution, dans des lieux virtuels consacrés par le sang des martyrs. L'information qui y a circulé intéresse, aujourd'hui, les spécialistes qui y planchent et nous livrent leurs analyses des faits. Des sociologues, des photographes, des journalistes et autres invités de divers horizons étaient conviés par le CREDIF pour scruter ces espaces virtuels devenus réellement un passe-temps favori pour qui souhaitent s'informer instantanément. Sans compromis aucun et sans l'esbroufe, ni la parole superflue. Dans la foulée, Hana Trabelsi qui faisait partie du ‘'comité anti-censure'' « N'har Alla Ammar » était présente lors de cette rencontre pour parler de son expérience de blogueuse. « Les journalistes ne se sont pas déplacés pour couvrir les évènements à Sidi Bouzid. Et donc on a fait de notre mieux pour se déplacer et informer les internautes. Lina Ben M'Henni, par exemple connue sous le pseudonyme ‘'Tunisian girl'' était notre envoyée spéciale à Rgueb. On était également sur Sousse, Monastir, Wardanine et le Kef pendant les évènements. Mais on ne s'est pas contenté d'informer car on a critiqué aussi la situation en demandant l'aide de certains journalistes professionnels qui nous ont encadrés de point de vue technique de rédaction. » a –t-elle signalé. Dans le même ordre d'idées, Amel Grami, sociologue a précisé que l'absence d'information médiatique a poussé le citoyen à aller lui-même à sa recherche. Quant à la liberté d'expression sur la toile d'araignée, la sociologue explique qu'elle a été acquise étape par étape, en commençant par glisser un petit mot audacieux jusqu'à l'expression d'idées révolutionnaires. Il en va de même pour le processus qui a fait que l'on passe de l'expression d'une expérience personnelle à l'expérience d'un groupe de facebookers. « Sur le réseau social Facebook les gens sont obligés de travailler dans le cadre d'un groupe. Petit à petit on est passé du militantisme individuel à un militantisme de groupe. » a-t-elle dit. La sociologue cite l'exemple de femmes ayant souffert du poids de la censure comme Kalthoum Kannou, qui a évoqué son expérience de juge sur la toile d'araignée, ou encore Néziha Rjiba alias ‘'Om Ziad'', qui selon elle était journaliste, et a été plusieurs fois menacée et agressée pour ses publications osées. N'est pas journaliste qui veut Nassreddine Ben Hadid, journaliste, donne un autre son de cloche puisqu'il précise qu'on ne peut pas être considéré journaliste si on ne maîtrise pas les outils journalistiques. « Un métier à part entière, le journalisme ne peut être appliqué aux blogueurs qui se comptent, aujourd'hui par milliers. Mais la question qui se pose consiste à savoir comment les blogueurs qui diffusaient l'information d'une manière virtuelle se sont transformés en catalyseurs pour un mouvement de rue ? », fait remarquer notre interlocuteur. Fatiha Saïdi, sociologue exerçant au sein du CREDIF a exposé cette question en évoquant le Facebook en tant qu'espace public virtuel ayant été le théâtre d'une révolution virtuelle devenue réelle. « La révolution est le résultat d'une frustration qui s'est soldée par un mouvement de révolte. La frustration entraîne l'explosion. Et dans tout cela facebook a joué le rôle d'encadreurs pour ces personnes. » souligne-t-elle. Fatiha Saïdi a rappelé par là-même que 2800 comptes sur facebook constituaient l'objet de son étude sociologique et que les noms qu'on donnait aux profils des facebookers en disaient long sur ce malaise qui allait un jour ou l'autre se solder par une révolution. « J'ai vu des profils portant le nom d'utilisateur ‘'Faddit'' qui veut dire littéralement ‘'Ras le bol''. » a-t-elle signalé. Ce ras le bol s'est manifesté dans les blogs qui ont accompagné la révolution tunisienne qui porte, désormais, les marques d'une information diffuse et instantanée, et le cachet de bon nombre de militants pour la liberté d'expression. Hana Trabelsi et ses amis blogueurs, qui aujourd'hui brandissent, l'emblème de la liberté d'expression telle une oriflamme, avouent que le régime a tout fait pour les brimer et les mater, en vain « Ce n'était pas donné en fait, car certains parmi nous, ont même perdu leurs emplois. » confie Hana.