Par Dr. Hassane Gharbi Ecole Supérieure de Commerce de Sfax - Cela fait longtemps que, les universitaires tirent le signal d'alarme sur les animosités gratuites de l'ancien régime et ses afflictions incessantes sources de frustration et de malheur vague chez eux. Une certaine amertume était nettement perceptible dans leurs propos. Certains se disent frustrés, ont le sentiment d'être des victimes, se sentent seuls, estiment qu'il ne sert plus à rien de parler et déclarent se murer dans le silence, ressentent un malaise diffus qu'ils n'arrivent pas à expliquer. Sous l'emprise du protocole « soit prof et tais-toi » ils se sentent impuissants et dépourvus de dignité. Le sentiment d'avoir trop donné à l'Université, le manque de reconnaissance, le surplus de travail, les contraintes incessantes de temps deviennent un leitmotiv dans leurs propos quotidiens. Je n'évoquerais pas en détail, les multiples et variées sensations insolites chez certains d'entre eux comme la peur de ne pas plaire, la peur d'être licencié pour manque de compétence (vacataires, contrats-experts), la peur de perdre la cadence, la peur de devoir tricher parfois pour prouver à la hiérarchie que l'on mérite son poste, ces peurs engendrent l'isolement, la sensation de ne pas être maître de son corps, de ses pensées et de son comportement. Et vient le jour, où la dignité, une valeur, en hibernation depuis des décennies, a émergé suite, entre autres, à l'immolation par le feu du jeune Mohamed Bouazizi (paix à son âme), motivant les Tunisiens par milliers à sortir des sentiers battus pour s'attaquer au régime despote et corrompu. Les jasmins, c'est ainsi qu'on a qualifié cette révolution. Après des années de contrôle, d'interdiction et de censure, s'imposant avec vélocité dans un contexte précaire, la communication, sous toutes ses formes, s'est dotée d'une liberté fondamentale : celle de penser et de s'exprimer librement. Mais à quel prix ? Ce regard positif se voit tempéré très tôt par des prises de position politique, hâtives fort critiques, issues de certains ministères, comme celui de l'enseignement supérieur, à l'égard de l'Université. Nous assistons ces jours-ci à des conduites intimidantes et persistantes de certains étudiants ayant l'impudence et étonnamment toutes les qualifications requises pour juger et sanctionner des Directeurs d'institutions, des secrétaires généraux et des enseignants tous grades confondus. Nous ne nous étonnons nullement quant à l'origine de cette anarchie estudiantine qui peut être tributaire simplement d'une panoplie de conspirations manipulatrices à la fois machiavéliques et décevantes de certains enseignants pour régler de vieux comptes avec leurs confrères ou avec leur Directeur et vice-versa, en utilisant les étudiants comme des pions à sacrifier pour désaltérer leur soif de vengeance. Certes, nous tenons mordicus à ce que justice soit faite. Cependant, nous sommes assaillis de perplexité quant à la manière adoptée pour châtier les présumés accusés, sous l'étiquette « DEGAGE ». Nous tolérons encore moins la politique de l'autruche adoptée par notre syndicat, en premier lieu et notre Ministre de l'Enseignement Supérieur en second lieu. Depuis quelques semaines l'intimité de l'Université a été escamotée par ce genre de comportements inopportuns, réifiant ainsi l'Homme dans toute sa complexité, mettant en péril la dignité des personnes qui vivent dans et à travers l'Université. Aussi paradoxalement que cela puisse paraître il s'agit de cette même dignité qui a été le déclic de « la révolution des jasmins ».