Le Professeur Abdelfattah Amor, président de la Commission Nationale d'Investigation sur la Corruption et la Malversation, dévoile • 3524 m2 acquis par Leïla à la Marina Hammamet pour 100 dinars • Ben Ali achetait 200 mètres carrés à Sidi Bou Saïd à 5 dinars le m2. * 1,7 hectare pour édifier l'Ecole Internationale de Carthage au dinar symbolique *500 000 dinars à Ali Seriati le 13 janvier • Quatre responsables des partis de l'opposition ont touché 50000 dinars entre le 7 et le 12 janvier Tant attendus par l'opinion publique, quelques résultats ainsi que les modalités du travail de la Commission Nationale d'Investigation sur la Corruption et la Malversation ont été présentés hier, par le Professeur Abdelfattah Amor, président de la Commission et ce, lors d'un point de presse qu'il a tenu à Tunis en présence des membres de la Commission. Si le nombre de dossiers présentés jusqu'à jeudi 17 février est important, car « il dépasse les 3300 dossiers, une bonne partie d'entre eux ne relèvent pas des prérogatives de la commission », déclare le Professeur Amor. Dès lors, « la commission n'a examiné jusqu'à présent que 100 dossiers », ajoute le président. Une priorité a été accordée au dossier de la présidence étant donné que cette piste mène vers d'autres pour mieux cerner la corruption et ceux qui y sont impliqués. Pour accomplir son travail parfaitement, la commission a donné la parole aux ministres, responsables, ainsi qu'aux cadres qui ont été en contact avec le président déchu. Un constat le moins que l'on puisse dire malheureux a été tiré : système de pouvoir totalitaire, où l'ex-président accaparait tout et intervenait même dans les décisions anodines (autorisations d'importation de voiture, visa, appel d'offres…). En effet, « les ministres étaient marginalisés et leur rôle se résumait en l'exécution des ordres de l'ex-président. On était dans un vide institutionnel », précise le président de la commission. Faveurs Par ailleurs, le président déchu accordait des faveurs au profit des familles Trabelsi et Ben Ali. « Il répondait à leurs demandes notamment en leur faisant bénéficier de crédits bancaires sans garanties et en leur accordant des biens publics », toujours d'après le Professeur Amor. Il a dit : « qu'ils ont même pris d'assaut les terres domaniales tout en changeant leurs vocations ». Ce clan ne lésinait pas sur les moyens pour détourner les biens publics à leur profit. Il adapte la loi à sa guise et exploite comme bon lui semble les textes législatifs. Par exemple, « Leila Ben Ali a acquis 3524 mètres carrés à la Marina Hammamet contre une somme de 100 dinars », déclare le président de la Commission. C'est la Société des Etudes et de l'Aménagement de la Marina Hammamet qui « lui a offert ce cadeau ». De quel droit ? Elle n'était pas en fait la seule. Même les ministres n'hésitaient pas à lui accorder gratuitement des terres domaniales. Pour construire sa fameuse école privée (L'Ecole Internationale de Carthage dans la banlieue Nord), Leila Ben Ali a acheté un terrain d'une surface de 1,7 hectare au dinar symbolique. Le vendeur est un ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires Foncières. Ce n'est pas tout. Le président déchu ne dépensait pas beaucoup d'argent pour avoir des lotissements de terrain même dans les endroits les plus chers. A Sidi Bou Saïd, le mètre carré se vendait à cinq dinars seulement pour cette personne ! C'est hallucinant. Mais les informations dévoilées jusqu'à présent ne se limitaient pas à ce niveau. La corruption touche même les secteurs les plus élémentaires. Ce comportement s'est introduit malheureusement dans la vie quotidienne des Tunisiens. Il est devenu normal de procéder de cette manière, pour ne pas dire que c'est la règle générale. « Certes, la mentalité est à changer. C'est toute une nouvelle culture à développer », signale le Professeur Amor. Commission au service de l'Etat Auparavant, le président de la Commission a présenté la structure, sa composition et surtout ses objectifs (voir encadré). « La Commission est au service de l'Etat tunisien. Elle n'est pas une commission parlementaire, ni judiciaire… », déclare M. Amor tout en tenant à préciser que « la Commission continuera à travailler avec le prochain gouvernement ». Et d'enchaîner : « ce travail doit être mené à bien. Elle présentera des rapports préliminaires et définitifs aux présidents… ». En fait le travail de la Commission sera important sachant qu'il existe trois cercles concentriques composés de la famille de Ben Ali et celle des Trabelsi, de leurs amis et leurs proches ainsi que d'un autre cercle étendu celui notamment des Omdas… Sana FARHAT ---------------------------- Des faits hallucinants * Quatre responsables des partis de l'opposition ont bénéficié de sommes de 50 mille dinars chacun et ce en espèces, à trois d'entre eux le 7 janvier 2011 et le quatrième le 12 janvier 2011. * Une somme de 500 mille dinars a été accordée à Ali Seriati le 13 janvier. * Des enveloppes contenant des sommes d'argent variant entre 300 dinars et 6 mille dinars ont été distribuées. * 15 millions de dinars ont été collectés pour financer la campagne électorale de 2009, un homme d'affaires a donné 1 million de dollars (1dollar=1,4 dt). A remarquer que les investigations relèvent que 2,5 millions de dinars de cet argent ont été remis à la trésorerie. * Et les Fonds de solidarité (26-26) et de l'emploi (21-21) ? La gestion des budgets des Fonds de Solidarité (26-26) et de l'Emploi (21-21) ont été sous la tutelle de la présidence. Qu'en est-il des sommes collectées chaque 8 décembre ? Où est parti cet argent ? La question reste sans réponse étant donné que « la Commission ne s‘est pas encore penchée sur le dossier. Idem pour celui du RCD », répond le Professeur Amor. Les dossiers ont été en fait saisis mais pas encore étudiés. Et Leila Ben Ali dans tout ça ? Elle privilégiait Imed Trabelsi En fait, le système du pouvoir était totalitaire et Leila Ben Ali intervenait essentiellement pour veiller à ses intérêts économiques. Elle accordait une attention particulière à Imed Trablesi. La structure de la Commission Nationale d'Investigation sur la Corruption et la Malversation La Commission se compose comme suit : *Un comité technique composé d'experts dans plusieurs domaines (finances, douanes, fiscalité…) et un comité général. Le comité technique à pour mission d'enquêter et d'investiguer et ce en examinant et étudiant les dossiers. Elle a aussi pour mission d'écouter les témoins ainsi que les personnes concernées. Dans ce cadre des comités divisionnaires spécialisés notamment, dans les domaines de l'Etat et des affaires foncières, la douane, les entreprises privés et les entreprises étatiques...ont été formés pour mieux examiner les dossiers. Pour ce qui est du comité général il s'occupe des questions centrales à savoir l'examen des principales orientations de la commission, ses futures orientations et la lutte contre la corruption et la malversation. Elle se compose des membres de la société civile et des organisations.