On croyait, au début de mois de février, que les études allaient reprendre leur cours normal à l'université et dans les établissements du secondaire et du primaire. Il y eut certes un semblant de reprise les premiers jours, en particulier dans les écoles, les collèges et les lycées. Quelques facultés ont enregistré une assiduité relativement satisfaisante pendant la même période. Mais très vite la perturbation a repris le dessus, notamment depuis le deuxième sit-in de la Kasbah et la multiplication des manifestations de rues dirigées contre le gouvernement ou contre certains employeurs. Ainsi et en l'absence de contrôle effectif des entrées et des sorties des élèves et des étudiants, que ce soit de la part des parents ou des éducateurs, des milliers d'adolescents scolarisés ont imposé à leurs établissements respectifs des emplois du temps inédits. Si, le matin, la plupart d'entre eux prennent le chemin de l'école, du lycée ou de l'université, personne ne garantit par la suite qu'ils y restent jusqu'à la fin de leurs heures de cours habituelles. Depuis quelque temps en effet, nos établissements scolaires et universitaires subissent les humeurs de leur jeune public sans que, de fait, les responsables de ces espaces soient en mesure de contourner la nouvelle forme d'école buissonnière. Le sit-in de la Kasbah a dicté de nouvelles habitudes Le sit-in de la Kasbah a dicté de nouvelles habitudes, en premier aux élèves et aux étudiants de la zone environnante. Ces derniers suivent plus ou moins normalement les premiers cours programmés entre 8 heures et 11 heures. Mais à partir de 11 heures 30, le flux s'organise en direction de la Place du Gouvernement. Seuls quelques éléments y résistent mais ils ne résistent pas à la tentation de rejoindre leurs camarades. Cela fait qu'à midi trente au plus tard, les lycées et les facultés ferment. Il n'y a pas jusqu'aux écoles primaires qui libèrent leurs enfants à 13 heures ou à 14 heures. D'ailleurs, même si ces écoles restent ouvertes, les cours s'y déroulent dans une ambiance nullement propice aux études : vrombissement des hélicoptères, cris des manifestants, mouvements bruyants des embouteillages que ces derniers provoquent etc. Ajoutez à cela l'inquiétude de nombreux parents qui se pressent avant l'heure de ramener leurs petits à la maison. Quant aux établissements situés assez loin de la Médina, ils sont désertés par leurs élèves dès la récréation de 10 heures. Les élèves s'organisent alors en bandes de dix ou 20 éléments et gagnent la Kasbah à pied. Sinon, il y a le métro pour raccourcir la distance surtout que le transport y est, par la force des choses, gratuit dès avant le 14 janvier. En termes plus clairs, l'école, le lycée et la faculté ont le plus souvent fonctionné à mi-temps tout au long du mois dernier. Selon les humeurs Autre nouveauté : la présence aux cours se fait à la carte, depuis un mois. C'est-à-dire qu'on choisit maintenant la leçon à laquelle on veut assister et l'on en boycotte d'autres, toujours selon la même logique humorale. Les séances de certains professeurs sont à leur tour séchées sous prétexte que ces enseignants adhéraient au RCD ou bien flirtaient avec l'administration. Sur Face-book, les « dégage » visant le corps enseignant ou les directeurs d'établissement sont plutôt légion depuis un mois. Les débats sur la révolution que les syndicats ont recommandé d'ouvrir avec les élèves et les étudiants tournent parfois au procès des professeurs et de leurs idées. Les plus opportunistes parmi le jeune public demandent davantage de largesse dans les notes. On écrit sur les murs quelques graffitis malveillants à l'encontre des éducateurs voire même contre certains camarades. Les enseignants des classes terminales s'inquiètent peut-être moins puisque leurs élèves sont plus assidus. Leurs collègues « chômeurs » se désolent quelquefois, sinon prennent leur mal en patience et si cela leur chante, rejoignent leurs élèves à la Kasbah ou sur l'Avenue !