Le Temps-Agences - De récentes tensions à Oman, sultanat réputé calme à l'embouchure du Golfe, ont illustré comment le débat politique qui a pris une nouvelle visibilité avec les révoltes en Tunisie et en Egypte, s'est installé dans toutes les sociétés arabes. Et pour des analystes, ces troubles doivent servir de signal d'alarme dans une région dominée par des régimes mal équipés pour faire face aux exigences de changement d'une population de plus en plus jeune et de mieux en mieux informée. “Oman a toujours été un pays tranquille”, souligne Marina Ottaway, la responsable pour le Moyen-Orient à la fondation Carnegie pour la paix, basée à Washington. “Et le fait qu'il soit le théâtre de manifestations est une bonne manière de nous rappeler qu'il n'y pas de pays ou de régime au Moyen-Orient assuré que rien ne se produira chez eux”, ajoute-t-elle. Des échauffourées ont eu lieu récemment à Sohar, une cité portuaire au nord de Mascate, entre la police et des manifestants qui demandaient de meilleures conditions de vie et le départ de ministres accusés de corruption. Selon des sources officielles, ces affrontements ont fait un mort. Cette courte explosion de violences est un événement rare dans ce pays de trois millions d'habitants, dont 20% d'étrangers, dirigé par le sultan Qabous, qui a déposé son père en 1970 et a introduit le suffrage universel en 2003. Le sultanat a peu de ressources en pétrole mais il occupe une situation stratégique à l'embouchure du Golfe, d'où proviennent 20% de l'ensemble du brut qui circule dans le monde. Il est en revanche voisin du Yémen, pays pauvre et instable, secoué depuis des semaines par des manifestations contre le régime. Ailleurs dans la région, Bahreïn est le théâtre de manifestations et des appels à des réformes ont été lancés en Arabie saoudite, au Qatar et au Koweït, des monarchies où une génération de jeunes technocrates éduqués à l'étranger réclame depuis des années une plus grande participation à la vie politique. “Dans le Golfe, il s'agit plus de réformes politique qu'économiques”, souligne Mme Ottaway. “Il s'agit du malaise ressenti dans ces sociétés qui n'évoluent pas assez vite: le monde est en train de changer et elles font du sur-place”. Les manifestations à Oman sont “une surprise” pour Ibrahim Sharqieh, du Brookings Doha Center. “Elles doivent être prises au sérieux, mais nous n'avons pour le moment aucun élément qui nous permette de dire que ce pays va suivre l'exemple de la Tunisie ou de l'Egypte”. Face aux revendications des manifestants, le sultan Qabous a annoncé la création de 50.000 emplois, des aides pour les chômeurs, ainsi que la mise en place d'une commission chargée de faire des propositions pour donner plus de pouvoir à l'assemblée consultative élue. Pour Mohammed al-Oraimi, analyste omanais des affaires du Golfe, si les exigences des sociétés à Oman et dans le reste du Golfe ne sont pas satisfaites, les nouvelles générations se chargeront de se faire entendre. Toutefois, à Oman comme dans d'autres riches pays pétroliers, la figure dominante du pouvoir n'est pas systématiquement remise en cause, comme ce fut le cas avec Zine El Abidine ben Ali et Hosni Moubarack. A Oman, “l'objectif est de trouver une solution au chômage et à la corruption (...) et de fournir plus d'espace pour des libertés qui ont été supprimées”, souligne-t-il.