Enhardis par les exemples tunisien et égyptien, des jeunes Gazaouis tentent de percer la chape de plomb du Hamas. Sur la place du Soldat inconnu, à une encablure du Parlement de Gaza, une poignée d'hommes s'étaient rassemblés lundi. Bien que le mot d'ordre de la modeste manifestation, qui appelait à la fin de la division entre Palestiniens, n'eût rien de révolutionnaire, le Hamas avait à l'avance signifié son interdiction. Parmi les quelques dizaines de personnes, difficile de discerner les manifestants des policiers du Hamas en civil, dont la présence abondante a rapidement mis en sourdine toute velléité contestataire. Très vite, les protestataires ont été dispersés, quelques-uns arrêtés et les médias fermement écartés des lieux. Officiellement, le Hamas au pouvoir à Gaza se dit ravi des révolutions qui parcourent le monde arabe, et la chute du président égyptien, Hosni Moubarak, honni du Hamas, a été salué par deux jours de démonstrations de joie organisées. Le Hamas attend avec impatience la probable entrée des Frères musulmans au Parlement égyptien, un courant dont il est issu, et y voit un renforcement significatif de sa position dans la région. Mais parallèlement, le parti islamiste, qui tient le petit territoire palestinien d'une main de fer, sent bien que le printemps arabe et ses premiers frémissements parmi la jeunesse gazaouie pourraient écorner son autoritarisme. Il n'en est que plus vigilant. Laïcs Une odeur de pomme fumée flotte sur la terrasse couverte du restaurant Maison Marna. Quelques jeunes hommes sont attablés face à leurs ordinateurs portables, devisant entre amis et dispersant dans l'air les volutes des pipes à eau. Ayman Mghamis est de ceux-là. La frange courte, un pull à capuche, il vient de commander un lait fraise. Jeune rappeur de 25 ans, il écrit des textes qui parlent de la difficulté de vivre à Gaza, coincé entre le bouclage imposé au territoire par Israël et le régime autoritaire du Hamas. Mais il y a trois mois, quand le mouvement islamiste a fermé l'association Sharek où travaillaient des dizaines de jeunes laïcs de Gaza, Ayman et quelques-uns de ses amis ont décidé de rendre public leur révolte contre le Hamas. Dans un manifeste publié sur Facebook et repris par Libération, ils ont dénoncé le Hamas «qui fait tout son possible pour contrôler nos pensées, notre comportement et nos aspirations […], qui s'est étendu dans notre société comme un cancer, en mutilant et en tuant toutes les cellules vivantes, les pensées et les rêves, et qui est sur le point de paralyser le peuple avec son régime». Occident «C'est devenu presque impossible de faire quoi que ce soit entre jeunes hommes et femmes à Gaza. Et si j'organise un concert, je dois demander une autorisation de la police, du ministère de la Culture, de la Sécurité intérieure… et bien sûr aucun d'eux ne vont me la fournir», soupire Ayman. Au ministère de la Culture, Mustafa Sawaf, conseiller du ministre, justifie ces mesures par la volonté de préserver la culture palestinienne des «influences immorales» de l'Occident…. C'est contre ce type de mesures que se bat Asmaa Alghoul, une bloggeuse de 29 ans, prise un peu à son insu dans le tourbillon des révoltes populaires régionales et devenue un symbole de la contestation des jeunes… Un mot d'ordre vient à nouveau d'être lancé sur Facebook, qui invite à participer à un rassemblement pour la réconciliation interpalestinienne, place du Soldat inconnu, le 15 mars. «Qui sait, on pourra peut-être rassembler 2 000 jeunes», espère-t-elle.