Par Kamel ESSOUSSI - Un Etat ne peut souffrir d'aucune manière l'absence de sécurités de toutes sortes: Sécurité sociale, sécurité juridique, sécurité des biens, sécurité des personnes, sécurité routière, sécurité des institutions, sécurité des frontières, sécurité intérieure….sont autant de notions sans lesquels un Etat quel que soit sa nature n'est point viable. L'Etat sous la dictature de Ben Ali a eu pour seule obsession le développement d'un hyper appareil sécuritaire où tout devait converger pour défendre les tares et vices de celui qui le dirigeait. Le ministère de l'Intérieur est devenu un vrai nid effrayant où nous avions des frissons au dos juste rien qu'en passant devant sa bâtisse grise située en plein cœur de la capitale. Zaba parti, tout son appareil répressif et si répulsif qu'on dénude aujourd'hui dans cette transition nous montre toute sa laideur au point qu'on a envie de le cacher sine die. Les blessures étant trop fraiches encore, les propositions foisonnent dans ce sens : Certains ont commencé à fantasmer à raison toujours et parfois à tort sur les complots qu'il serait en train de fomenter pour faire revenir son oxygène Zaba, celui sans qui il serait perdu. Sans les purges en son sein réalisées au bistouri par Rajhi, ces complots continueraient sûrement leur bon train. D'autres franges de nos citoyens font exactement comme l'auteur de Madame Bovary en criant « Otez moi ce sein que je ne saurais voir ». C'est en fait une délocalisation géographique qu'ils demandent soutenus par Rajhi lui-même comme s'il avait honte d'être à la tête d'une structure qui a tant fait mal à son pays. Certains d'entre nous, au nom d'une idéologie « dinosaurienne » ou kadafou- libyenne proposent de l'enterrer carrément et de donner ses armes au peuple. D'autres suggèrent que certaines de ses composantes telles que la police politique doit disparaître car c'est elle historiquement la responsable de tous les dépassements, le reste de ses forces , on s'en accommode pensent ils. Au milieu de tant de haines cumulées pendant 50 ans de dictature et focalisées sur cet appareil du ministère de l'Intérieur, l'heure a sonné pour démêler, défricher et refaire fonctionner cet appareil tout en le réconciliant avec le citoyen. La recette pour y arriver n'est pas trop compliquée. Il suffit de faire la différence entre la machine et les hommes. 1- La sécurité est indispensable pour le moment. Elle est la clé de voute du redémarrage de l'économie et de la Tunisie tout court. Qu'on se le dise, l'enterrer en confiant son rôle au peuple comme le préconisent certains communistes purs et durs serait un suicide à la fois politique, économique et social. 2- Si l'appareil est vital pour tout Etat moderne, son fonctionnement doit être revu pour s'adapter à la liberté acquise et à la démocratie à venir. • Ses débordements prévisibles contre les pillards, les casseurs politisés ou non, les gens malveillants qui s'attaquent sans aucune retenue à nos institutions scolaires et nos entreprises économiques, les salafistes qui entrent en force du fait de nos frontières passoires en ce moment, doivent être tolérés si on veut remettre sur pied un Etat solide dans sa transition. On ne doit pas crier au scandale si les méthodes sont musclées ou paraissent non-conformes aux normes connues des pays qui ont une longue expérience démocratique. Cette transition est très fragile et l'appareil si répressif doit pouvoir bénéficier de notre sympathie et non de notre excès de liberticide quand il s'attaque à ces vermines. • Si nous passons le cap de cette transition fragilisée et menacée par la seule insécurité et au-delà du 24 juillet 2011, il va falloir que cet appareil prenne conscience qu'il est au service du citoyen dans un Etat de droit et non le serviteur d'un dictateur qu'il doit protéger à tout prix. En d'autres termes, l'appareil sécuritaire doit garantir le respect des règles du jeu démocratique et non défendre ceux qui les pervertissent, ces derniers ayant déjà disparu de la scène depuis le 14 Janvier . 3- Il est impératif de purifier cet appareil en punissant tous ceux qui ont fait subir des sévices à des citoyens quels qu'ils soient parce qu'aucune raison d'Etat ne justifiait de tels comportements dans un environnement dictatorial. En un mot, la machine à réprimer des hommes doit redevenir le plus rapidement possible une machine à les servir pour qu'ils vivent en paix, heureux, fiers de leur pays et de leur appareil sécuritaire. Mais encore faut-il qu'on se résigne à les laisser apprendre leur métier sans revendications excessives de démantèlement total et sans surenchères politiques pour demander qu'ils baissent les armes et la garde au nom de prétendues idéologies alors que le pays a vraiment besoin des innocents d'entre eux et ils sont la majorité absolue et de l'appareil qui les utilise. Haranguer le peuple pour qu'il aille dans ce sens, c'est laisser notre si beau pays sombrer dans le chaos. Mais il est vrai que ce qu'on nous a rabâchés depuis un mois et demi dans les plateaux télé peut être balayé par 40 minutes de bonnes paroles bien distillées. Caid Essebsi en vieux briscard de la politique a remis les pendules à l'heure en affirmant haut et fort que notre salut passe par la nécessité de se faire respecter en tant qu'Etat. La machine sécuritaire en est l'instrument indispensable, laisse-t-il entendre..