• Sous prétexte de manque de postes d'emploi, ils auront piétiné toute la dignité des employés et fait fi du sens de l'humain - « Je ne sens plus l'humain en moi. Les centres d'appel ont fini par annihiler l'humain en nous. On travaille comme des forcenés dans la majorité des cas de 13h à 22H. On est réduit à des automates qui reçoivent des coups sans pour autant avoir la possibilité de réagir. J'ai envie de travailler tout en étant épanoui, de vivre comme les jeunes de mon âge, de m'amuser de m'éclater... Aujourd'hui, j'ai trente deux ans et j'ai l'impression que je vis dans un cercle vicieux. » confie M. H. qui travaille au centre d'appel « Télé-performance ». Notre interlocuteur nous informe, en effet, que ses collègues l'ont délégué pour exposer leur situation on ne peut plus intenable dans les centres d'appels. «N'est-ce pas la Révolution pour le pain et la dignité qui s'est produite il y a deux mois. Les jeunes tunisiens qui ont battu le bitume un certain 14 janvier ont dit non au despotisme. Mais les dictateurs sont là et se manifestent dans tous les domaines de l'économie. Nous dans le cadre de TP on travaille comme des esclaves et on n'a pas le droit de parler. Le seul moyen qui nous est possible est d'envoyer une réclamation et on ne sait même pas à qui elle parviendra » Des employés abreuvés d'insultes Notre interlocuteur nous a parlé en fait des conditions de travail qui ne répondent pas aux normes internationales d'un emploi décent. Il nous cite à titre indicatif, l'exemple des oreillettes. « On travaille avec un micro-casque et dans la majorité des cas sans oreillettes qui permettent de protéger l'ouïe. L'autre jour, je me suis mis à rouspéter pour obtenir ce droit le plus élémentaire. Mon chef hiérarchique m'a donné des oreillettes et mes collègues qui n'ont pas encore franchi le seuil de la peur en sont privés. » continue-t-il. Mais les oreilles, il ne faut pas trop s'en servir dans des cas de figure où les employés doivent faire la sourde oreille aux insultes dont on les abreuve. « Des grossièretés du genre ‘'sale arabe'', ‘'va ch…'', sont devenues monnaie courante dans notre quotidien d'employés ‘'tête baissée''. »avance notre interlocuteur. Quant au syndicat des employés, celui-ci ne donne pas vraiment l'impression d'écouter de toutes ses oreilles les doléances des uns et des autres, même s'il est parvenu après des années de syndicalisme à obtenir des tickets restaurants au profit des employés, depuis le mois de février dernier. Et toujours selon M.H. ceux qui râlent le plus ont la possibilité soit d'accéder au syndicat, soit d'être renvoyé pour une raison ou pour une autre. « On prend pour alibi, 2 minutes de retard ou trois pour mettre à la porte un employé considéré comme un élément perturbateur. Un employé qui dérange.» dit-il. La situation est d'autant plus précaire, si l'on considère qu'entre temps la société a changé de nom et procédé au renvoi de certains employés qui ont des années d'ancienneté. Quelles perspectives d'avenir ? La société qui a à son actif cinq centres, à la Charguia I, la Charguia II, la Charguia II bis, Ben Arous et Sousse ; emploie, selon notre interlocuteur, quasiment 6000 salariés. « En France un télé-conseiller est payé à raison de 2700 euros. En Tunisie notre employeur nous paye 500DT. Au final c'est le directeur du centre d'appel qui en sort gagnant. Et puisque les centres d'appel se sont implantés en Tunisie du temps de Ben Ali, il faut imaginer que de tierces personnes y trouvent leur compte. » avance-t-il. Les jeunes des centres d'appel demandent à comprendre, au final. A qui profite cette situation lamentable des employés surtout qu'ils sont considérés par l'Etat comme étant des travailleurs puisqu'ils ont une couverture sociale ? Pour le moment, les jeunes ne peuvent que prendre leur mal en patience et se contenter de payer la facture qui s'avère salée quant à leur état de santé qui flanche… « Bon nombre d'entre consultent des psychiatres. Sans oublier les problèmes de santé qui touchent l'ouïe que certains rencontrent. Le stress, on vit avec. Mais quand cela devient insupportable, on en souffre et c'est notre équilibre qui en pâtit.» conclut notre interlocuteur.