« Autoportrait » est l'un des derniers recueils poétiques de Jalal El Mokh, paru en janvier 2011. Serait-ce là une autobiographie en vers ? A première vue, il paraît que c'en est une, sauf que le poète se borne à nous livrer sa vie sous un angle tout particulier, celui de son expérience poétique qu'il a vécue intensément depuis sa prime jeunesse avec tant d'ardeur, de sensibilité, de force et d'enthousiasme. Non qu'il veuille à travers cet autoportrait nous donner une image favorable de soi, en tant que poète, quoique ses qualités poétiques soient indéniables ; loin s'en faut, mais il semble qu'il s'agit plutôt de revivre des moments intenses qui ont marqué son parcours poétique et d'en faire part au lecteur. Disons, pour être clair, qu'il s'agit plutôt d'un long voyage dans lequel le poète s'est embarqué pour une aventure amoureuse avec les muses. Mais il s'avère qu'aucune de ces femmes inspiratrices n'a pu satisfaire les envies furieuses, violentes et insatiables du poète. A peine finit-il son aventure avec l'une d'elles qu'il se met à la recherche d'une autre plus séductrice, plus ensorceleuse aussi bien physiquement qu'intellectuellement, et surtout plus apte d'alimenter en lui de nouveaux fantasmes. Ainsi, notre poète vit son expérience poétique en quête du sublime, du parfait, comme si les muses traditionnelles ne l'inspiraient plus, jusqu'au jour où il découvre, comme une apparition soudaine, la muse tant espérée, tant attendue ! C'est alors qu'il rompt avec toutes les anciennes pour jouir enfin d'une expérience nouvelle et novatrice, loin des sentiers battus. Une nouvelle poésie vient de naître avec l'apparition de cette muse qu'il appelle dans son recueil – et non sans raison – « Bébé-muse », allusion faite à un enfant qui vient de naître et qui sera la principale source d'inspiration du poète. Et comme tout nouveau-né a besoin d'un nom, « Bébé-muse » est baptisé « Anta » à qui le poète consacra un long poème où l'on peut lire : « Femme âme, Femme corps, Vérités mythe et tort, jeteuse de sorts, porteuse de vie, Donneuse de vie, Sein nourricier, Sein tentateur, Ventre procréateur, Terre d'exil ou Terre salutaire, Tu mets pied à terre, Tu descends sur terre, Tu atterris dans ma vie, Pour jouer ton rôle implacable, Sur la scène de mes réalités plates et de mes rêves hantés… » Et plus loin, comme pour exprimer son bonheur d'avoir enfin rencontré cette muse salvatrice : « Te voilà Anta, Tu envahis ma scène, Tu danses, Et tu maintiens la cadence, Légère comme une flamme mue, Par un souffle chaud et parfumé, tout de rouge vêtue, Tu m'enlaces de tes bras agiles, Tu me caresses de tes doigts, Effilés et graciles… ». Dans un autre poème intitulé « Enterrement loufoque », le poète se déchaîne contre les anciennes muses qu'il vient de quitter à jamais en allant se recueillir sur leur tombe comme pour leur adresser ses adieux, mais sans pleurs ni remords ! Hechmi KHALLADI * « Autoportrait », de Jalal El Mokh, poèmes, janvier 2011, 107 p.