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Problèmes au Centre de la protection sociale des enfants de Zahrouni
Enfants en désarroi…
Publié dans Le Temps le 06 - 04 - 2011

• Le ministère s'attelle à trouver la solution idoine - La plaquant contre le mur, une jeune fille de 17 ans, s'apprête à frapper une petite fille qui se cachait le visage, étouffant des sanglots. La jeune fille se retient à chaque fois qu'elle tend la main, mais a du mal à retenir le flot d'injures qu'elle adresse à la petite fille. Des adolescents se sont rassemblés et quelques adultes regardaient la scène, impuissants.
Le pull de la jeune fille était entâché de sang, elle ne cesse de crier « elle saigne entre mes bras, son visage couvert de sang et tu oses venir m'insulter et insulter mes parents, je vais te donner une correction », mais se retient toujours.
Cette scène n'était pas dans la rue, ni quelque part dans une cité populaire. Elle s'est passée dans le centre de l'enfance menacée, au Zahrouni. Centre, dont le personnel s'occupe justement d'aider les enfants qui n'ont pas d'autres solutions que d'intégrer l'établissement, dans un dernier espoir de s'en sortir dans la vie.
Comment est-on arrivé à cette situation ? Pourquoi aucune autorité n'a été là pour faire régner l'ordre et qu'est-ce qui a réveillé l'agressivité de ces enfants, qui sont ici pour apprendre à la calmer et la canaliser ?
Pourtant à l'entrée, c'est tout une autre scène qui révèle une autre réalité à laquelle nous assistons. Visitant le centre suite à l'information qui nous est parvenue, que la directrice a subi une « opération dégage », nous nous rendîmes à l'établissement. Une des psychologues, Fayrouz Najjar nous y reçoit et avant d'entrer dans les locaux neufs qui abritent les quelque 72 enfants, une jeune fille de 16 ans nous croise et comme si elle parlait à une vraie mère, elle engage la discussion avec la psychologue, lui parlant de sa nouvelle amie, qu'elle voulait présenter au personnel. Elle semblait excitée et cajolait Fayrouz. En l'observant, nous voyons les traces de vieilles blessures profondes sur les bras. Cette jeune fille s'automutilait, reflet d'une grande souffrance vécue…
Dans une grande et belle salle de réunion, les trois psychologues, « références des enfants », Fayrouz Najjar, Abir Stambouli et Hajer Maghnouchi, nous expliquent la situation désespérée du centre.
«Opération dégage»
A la base, ce devrait être un centre pilote dont les travaux avaient été entamés en 2007 et qui est entré en activité le 30 juin 2008. Motivés, nous avons même tous participé à le meubler… Avec le personnel, nous avons recours aux auxiliaires de vie, que nous appelons éducateurs devant les enfants, pour leur donner de l'autorité. Nous avons manqué de matériel, de personnel qualifié et de formations, mais nous nous sommes attelés à la tâche. Les femmes de ménage, gardiens et ouvriers constituent les auxiliaires de vie et la directrice, Mme Dorra Chelbi Mansour, la directrice est psychologue de formation, ainsi que Mme Houda Bel Kathi, chef service. Il est vrai que nous manquions tous de repos, puisque le personnel est réduit et il est vrai que l'administration s'est montrée sévère avec les auxiliaires de vie qui se permettent de maltraiter les enfants. Cela nous a valu une pétition qu'ils se sont mis à signer juste après la Révolution. Nous avons reçu des menaces. Des auxiliaires de vie mutés, ont fait irruption dans l'établissement avec des couteaux, nous menaçant et créant un grand désordre. La tension n'a cessé de monter depuis le 14 janvier, jusqu'à ce jour « noir », le 18 février...
Une dizaine ou plus d'auxiliaires de vie ont pénétré dans le bureau de la directrice. Ils l'ont obligée à sortir, d'une manière très agressive, et devant la porte, face à la foule qui s'est rassemblée, ils criaient « RCD dégage » en poussant des youyous. Avant de passer à l'acte, ils ont mis la vie des enfants en danger en incitant la population à attaquer le centre, propageant la rumeur que c'était un établissement privé appartenant à l'association « Basma ». Or cet établissement est étatique, la directrice non seulement n'a jamais eu d'activités politiques, mais n'avait de souci que le bien être des enfants ici. Houda Bel Kathi a été également forcée de quitter.
Dans le centre, nous avons travaillé avec trois notions : limites, références et loi. Cela nous a permis d'installer un système qui donnait à l'enfant des exemples de personnes positives qui chacune avait une notion à représenter. Or, les auxiliaires de vie incitaient indirectement à transgresser ce système. Nous recommandons aux enfants de ne pas fumer et les « éducateurs » leur permettent de le faire. Les enfants assistent à leurs scènes personnelles et personnalisées. Nous leurs disons de respecter la loi, de ne pas se battre, de refuser la violence, or ils entendent les auxiliaires de vie raconter leurs vies intimes et leurs récits de dispute, puis assistent carrément à des scènes de disputes avec son lot de violence et de mots grossiers…
La notion de l'autorité déjà fissurée, s'effondre alors le jour de cette opération dégage… »
Quand le dernier recours tombe…
Durant les jours de chaos vécus après la chute, les enfants se sont montrés solidaires, prenant l'initiative de se rassurer et de protéger les uns les autres. L'équipe technique a assuré le service, passant même des nuits dans le centre. Les enfants ont ressenti et montré un sentiment d'appartenance au lieu, et tout cela s'est effondré ensuite. Après l'opération « dégage », plus personne pour faire régner l'ordre, les psychologues étant références et non pas symbole d'autorité. Dans le centre règnent alors le désordre, l'absentéisme et le débordement. Les enfants sortent, sautent par-dessus le mur, se disputent. Ils se sentent perdus. Ils ont assisté à la scène « dégage », vu des couteaux dans le centre, vécu l'effondrement de la loi et de l'autorité avec la scène « dégage » et toutes les notions qu'on leur inculqua dans le centre n'ont plus de sens. D'ailleurs, beaucoup d'entre eux qui ont fait des progrès depuis leur intégration, ont régressé. Ils sont arrivés au centre dans un état de détresse, n'étaient pas scolarisés, se sentant rejetés et rejetaient à leur tour la société. Ils se retrouvent aujourd'hui à la case départ…
C'était l'heure des animations à notre arrivée. Dans la cour, les enfants se sont rassemblés par groupe, dans un coin, on jouait de la musique. Un adolescent jouait par ailleurs magnifiquement du violon. Dans une salle, on a improvisé un ring de boxe et quelques ados étaient là avec un entraîneur. Seulement, ce paysage qui semble normal, ne l'est point. Aucun respect des tableaux des activités et animation et la saleté était partout dans la cour. Nous avons vu le gardien qui devait être là à 11h du matin, entrer au centre vers 17h et il n'y avait point de gardien de nuit. Les adolescents sèchent les cours et les formations et on ressentait l'exaspération de tout le monde…
Nous sommes ceux qui paient…
Nous avons demandé à parler à quelques adolescents et trois jeunes filles sont alors volontaires, l'une d'entre elles, n'est autre que celle au pull entaché de sang. Nous découvrons en elle, une jeune fille brave, loyale et qui essaye de faire preuve de maturité…
Nous pénétrons dans la salle de réunion et un jeune garçon, s'est tout de suite mis dans tous ses états. « Je ne sortirais que si vous me donnez chacune 1 dinar », finit-il par lancer et l'une des jeunes filles lui répond « tu encaisses des pots de vin ? Corrompu », et lui de rétorquer avant de sortir « Bien sûr que je le suis, Ben Ali l'a fait pendant 23 ans, c'est un corrompu, pourquoi je ne le serais pas ? »…
Dans un élan, la jeune fille au pull entaché s'approcha de deux sièges et nous lança « ce sont les sièges de Mme Dorra et Mme Houda, personne ne s'en approche, personne ne peut s'y assoir ». « Et qui sont-elles ? » nous demandions alors. « La directrice et la responsable, elles sont absentes en ce moment, en attendant leur retour, personne ne s'assoit ici… ». Témoignage spontané attestant de la place que détiennent ces deux responsables, forcées à quitter les lieux par les auxiliaires de vie…
« Pourquoi êtes-vous ici ? Qui vous a emmenées au centre ». Les trois filles, presque en même temps, l'une d'entre elles, le regard aussitôt noyé par les larmes nous répondent « Soyez gentille, n'éveillez pas nos malheurs, nous ne voulons pas y penser… ». « Et vos conditions ici ? Sont-elles meilleures ? ». La jeune fille au pull entaché, toujours prenant l'initiative prend la parole « Nous l'étions, mais maintenant on est comme des enfants dont les parents se sont disputés. L'administration et les auxiliaires de vie ont eu un différend et nous payons le prix, on est perdues aujourd'hui. »
« Et qui des deux vous semble le plus juste envers vous ? ». Une jeune fille me répond alors « L'administration nous a souvent imposé des punitions, mais même si elles sont dures, elles sont justes, seulement, parfois, elles sont sévères ». L'autre l'arrête « Parfois, la punition devrait-être sévère pour nous faire réfléchir. Au moins, l'administration n'a jamais ordonné de nous frapper. Les auxiliaires de vie se permettent de nous insulter, nous frapper, aujourd'hui c'est pire que jamais. C'est nous aujourd'hui qui mettons un peu d'ordre comme on est les plus âgées. Je me sens d'ailleurs chez moi, comme une grande sœur ici. »
Les trois jeunes filles insistent pour parler du désordre qui règne. Leurs blessures sont encore ouvertes, elles ont cru à un semblant de stabilité et du jour au lendemain, tout s'effondre les laissant de nouveau face à leurs maux…
Un autre adolescent témoigne « Je vais bientôt rejoindre une formation à Zaghouan. L'administration a fait de son mieux pour m'aider à la rejoindre, sans elle j'aurai suivi le destin de mon père, sans travail fixe, handicapé, il dort là où il peut la nuit. Ma mère s'est remariée et le centre m'a accueilli. Avant, il y avait de l'ordre, maintenant, au mieux, les éducateurs nous ignorent et font comme si on n'était pas là, au pire, ils nous frappent. Aujourd'hui, j'ai assisté à une scène. J'ai entendu un enfant demander à son éducateur la permission de descendre qui lui fut refusée. Il insista et j'ai entendu l'éducateur lui flaqué une au visage. Moi-même, les premiers jours ici, j'ai été battu par un éducateur à l'insu de l'administration. Il m'a donné un coup de ciseaux puis m'a traîné dans les toilettes où il a achevé de me battre. Avant au moins, l'administration imposait des sanctions à ceux qui commettaient ces impairs. Aujourd'hui on est humiliés et maltraités en toute impunité… »
Hajer AJROUDI

Et la Directrice du Centre?
Nous avons appelé Dorra Chelbi Mansour, directrice du centre qui nous a confirmé les faits. « On m'a obligée à quitter et ceux qui l'ont fait, sont ceux qui ont eu le plus de sanctions pour mauvais traitement des enfants. Il s'agit tout simplement de vengeance de personnes qui veulent faire la loi, mais ce qui m'inquiète aujourd'hui ce sont les nouvelles qui me parviennent sur les enfants là-bas. On me dit qu'il y a un grand laisser-aller et que les enfants sont livrés à eux-mêmes. Une solution s'impose…

Sami Belghith, Directeur de la défense sociale: «Sous peu, une solution définitive»
«Ce qui est arrivé au centre est que la directrice s'est retrouvée dans l'incapacité d'assurer son rôle et de faire son travail. On lui a fait subir l'opération dégage qu'on a fait subir à beaucoup de directeurs et les raisons sont longues à être citées. Je crois surtout que c'est un problème de communication. Un directeur qui réussit est celui qui sait faire régner un bon climat dans son établissement… Nous avons tenté de trouver une solution, je me suis déplacé trois fois au centre où j'ai rencontré les psychologues et les auxiliaires, j'ai aussi rencontré la directrice et le chef de service. Nous avons nommé une personne pour s'occuper de la gestion des tâches quotidiennes et maintenant ce n'est plus qu'une question de temps pour trouver une solution définitive au problème, une semaine ou dix jours peut-être… »


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