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Les femmes sont-elles vraiment émancipées? si oui… défendront-elles cet acquis?
Entre déterminisme socioculturel et un avenir qui n'ose pas encore dire son nom
Publié dans Le Temps le 12 - 04 - 2011

Faute de documentation régulière et bien fournie, les LARGUECHE, Dalenda et Abdelhamid, ont fouillé dans la romance, les témoignages locaux et étrangers et la tradition orale pour écrire leur livre « Marginales En terre d'Islam ». Chronologiquement, ils embrassent une période s'étalant sur des siècles, mais la plus importante, celle sur laquelle ils se focalisent le plus c'est la période allant du dix-septième au dix-neuvième. Comme le titre le laisse entendre, l'objet de ces investigations c'est bien entendu la femme.
Mais la première question qui nous vient à l'esprit est de quelles femmes il s'agit, puisque le marginal s'oppose au central ? En d'autres termes, est-ce qu'il y en a celles qui sont rejetées vers la marge et d'autres qui occupent le centre ? L'exclusion s'applique-t-elle à une catégorie seulement parmi elles ? Subissent-elles des traitements différents de la part de la société masculine ? Connaissent-elles des sorts différents comme on serait tenté de le comprendre quand les auteurs disent. « Il n'y a pas l'histoire de la femme mais l'histoire des femmes » ? Ou bien, au contraire, doit-on comprendre qu'il se trouve une certaine imbrication dans leurs situations prétendues particulières ? Leurs conditions et la manière dont on les juge ne sont-elles pas analogues ? En fait, le titre de l'œuvre est un peu déroutant : Les auteurs veulent dire que dans la société musulmane, toutes les femmes sont marginalisées d'une manière ou d'une autre comme nous allons le démontrer. C'est ce qu'ils veulent affirmer en disant que l'optimisme d'une « Nouvelle histoire des femmes » est une grande illusion.

Les premières exclues

La première de ces exclues c'est la prostituée, la « pécheresse », elle vit au banc de la société, elle est l'image de Satan. Pour s'en débarrasser et éviter la souillure qui pourrait atteindre la société par sa fréquentation, on lui a aménagé des quartiers fermés au sein de la cité. Les impasses et les ruelles couvertes en sont la trace indélébile.
Bien que les LARGUECHE suivent une démarche rationnelle fondée sur le déterminisme social comme ils le démontrent dans la recrudescence de la prostitution lors de émeutes de la moitié du milieu du 19ème siècle provoquées par la misère et l'exode rural, donc bien qu'ils essayent d'expliquer le phénomène par des considérations d'ordre sociopolitique, ils reconnaissent l'existence d'autres raisons de nature culturelle.

L'incarnation de l'honneur

La société tunisienne, la société maghrébine et à travers elles la société orientale d'une façon générale accordent une place particulière à l'honneur qu'elles lient à la femme, c'est elle qui en est le garant. Voilà pourquoi tout écart de conduite de sa part entraîne la disgrâce de sa famille et de sa tribu. Pour réparer les dégâts et atténuer la portée de l'opprobre qui s'est jeté sur elles, ces familles et tribus se débarrassent de ces coupables. Ainsi, se trouvant libres de toute attache et évitées comme une peste, celles-ci s'enfoncent davantage dans le péché dont elles étaient accusées en intégrant le monde de la prostitution.
Et même dans l'exercice de ce métier, elles ne sont pas libres d'offrir leurs services à tous ceux qui les sollicitent : seuls les Musulmans y ont droit, elles ne sont pas autorisées à fréquenter les « infidèles » comme les Chrétiens. Des rixes ont éclaté entre les adeptes des deux confessions, parce que ces derniers, des marins, ont osé s'approcher de leurs « protégées ». Donc, même prostituée, la femme paradoxalement est, l'incarnation de l'honneur, tout en la rejetant au sein de la société, on la défend contre l'étranger comme si elle était une propriété privée que l'on doit jalousement garder.

La complicité des institutions temporelles et intemporelles

Toutefois, ce rejet n'est pas total. Dans certains endroits de la médina, ces femmes de mauvaise vie cohabitent avec celles réputées de bonnes mœurs et elles ne sont déménagées par les autorités qu'au cas où elles menace l'ordre public par leur comportement non pas indécent mais violent. Ceci dit que tant qu'elles observent comme il se doit les règles de bon voisinage, elles font partie intégrante de la communauté : elles ont droit de cité. Elles bénéficient du même traitement même si elles franchissent les murs du quartier qui leur est réservé à condition de mettre le voile. La « soutra » (discrétion) est requise si ces débauchées tiennent à être admises au-delà de ces murs. Ce déguisement leur permet de retrouver leur statut de femmes ordinaires, de réintégrer les rangs de celles dont la réputation n'est pas entachée. En se cachant le visage, elles perdent leur particularité, c'est-à-dire leur identité malsaine : c'est dans l'anonymat qu'elles jouissent de leur dignité.
Le voilement est le bâton magique qui fait tout disparaître d'un seul coup, il ne laisse aucune trace, ni présente ni passée, c'est comme un raton laveur qui remet tout à neuf.
Cette réhabilitation et cette absolution sont également accordées par les marabouts qui leur offrent leur hospitalité et les accueillent comme des fidèles ayant commis des péchés et qui désirent s'en repentir. D'ailleurs, ces filles publiques sont désignées par le nom du saint de leurs quartiers. Ce croisement entre le profane et le sacré traduit l'une des contradictions de la société arabo-musulmane.
Cette complicité ne se trouve pas uniquement entre le sacré et le mondain, mais également entre celui-ci et le pouvoir politique avec la mise en place, à l'époque hafside au 17ème siècle, de l'institution du « mezouar ». En réalité, cette mesure s'explique par des intérêts financiers que l'Etat s'assure grâce à ce plus vieux métier du monde : le « mezouar », qui est un officier de police et qui, pour légitimer sa tâche, se fait aider de la Charia'a (législation islamique à partir des textes coraniques), bénéficie d'une charge vénale lucrative, puisqu'il touche une « ghrama » mensuelle (redevance) des prostituées, et paye à son tour une redevance annuelle aux autorités beylicales. Ce pouvoir illimité dont il jouit en matière de mœurs lui permet d'obliger des femmes mariées à payer une « ghrama » sous peine de les inscrire sur son registre des prostituées.

La marginalité est le lot de toutes les femmes

Donc, aucune femme n'est épargnée de la marginalité, qu'elle soit mariée ou non, mais chacune la vit d'une certaine façon. Cette dernière si elle a la chance d'échapper au « mezouar », elle peut trouver sur son chemin le mari ou le père.
L'homme, le patriarche, peut l'enfermer dans « Dar Joued pour désobéissance sur ordre du Qadi (juge charaïque). Cette maison de correction et de rééducation fait donc partie de la juridiction islamique. La fille qui s'oppose à la volonté du père et la femme voulant divorcer doit faire preuve de patience et d'endurance sinon elles n'auraient qu'à se soumettre au bon vouloir de leurs bourreaux et accepter leur « destin ».
« Dar Joued » est l'aboutissement d'un processus de réclusion qui a commencé par « Dar-a-thiqa » (maison de surveillance d'un couple en désaccord) qu'on appelle aussi « Dar soukna bi hosna » (maison de cohabitation et de bon voisinage).

L'enfermement

La femme musulmane, au Maghreb ou ailleurs, en Orient, a toujours été enfermée quels que soient son comportement ou sa moralité, autrement dit, elle a toujours été marginalisée. Cet enfermement a pris plusieurs formes : le quartier réservé, l'impasse, la ruelle couverte, les murs des « Dar » et bien sûr le voile. Dans cette société patriarcale, seul l'homme détenait le centre, elle, elle était en dehors. Ce dehors était un espace fermé qui se rétrécissait et l'étouffait encore plus au cas où elle s'aventurerait en transgressant les lois que lui imposaient la législation islamique et son tuteur. Elle avait donc intérêt à ne pas se rebeller si elle tenait à ce que l'étau ne se resserrer pas davantage autour de son cou. C'était dans la sujétion que résidait son « salut » : en se soumettant plus, elle souffrait moins.

La femme d'aujourd'hui est-elle vraiment émancipée ?

Depuis cette époque jusqu'à nos jours, peut-on dire que les choses ont changé et que la situation s'est améliorée ? La femme s'est-elle libérée de la main mise de l'homme, le tout puissant ? On sait très bien qu'elle est parvenue à franchir le seuil de sa demeure et à intégrer le monde du travail qui était la chasse gardée de ce dernier, mais la question qui se pose est-elle placée sur un même pied d'égalité que lui, est-elle devenue une vraie partenaire en matière de droit ? Et là, on ne parle pas des textes qui l'ont affranchie, mais de l'attitude de celui-ci à son égard sur les lieux du travail, au foyer et dans la société, et aussi de son comportement. Ou bien, contrairement à ce qu'on pourrait penser, elle est toujours incarcérée dans des limites qu'elle ne doit pas dépasser ? Pour trancher, il ne faut pas se laisser éblouir par le fard de la modernité.


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