En dépit de l'accord récemment conclu entre le gouvernement tunisien de transition et son homologue italien, stipulant le rapatriement systématique de tous les Tunisiens débarquant à Lampedusa depuis l'entrée en vigueur dudit accord, les candidats à l'émigration clandestine s'entêtent à se lancer dans ces mêmes aventures périlleuses. Un tel entêtement n'est que pour servir les intérêts de ces vils marchands d'hommes au service desquels des rabatteurs patrouillent de long en large le pays en quête d'éventuels candidats qu'ils parviennent à dénicher puis à convaincre. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord, nos garde-côtes sont à pied d'œuvre pour surveiller notre littoral et patrouiller nos eaux territoriales, parvenant à avorter quelques tentatives. Certes, la conclusion de l'accord n'a pas mis fin au phénomène : des dessertes sont encore organisées sans répit en partance des côtes tunisiennes, particulièrement celles du sud-est, englobant en premier lieu la zone de Zarzis et le port d'El Ketf à Ben Gardane qui a été il y a quelques jours le théâtre d' opérations ponctuelles d'acheminement des émigrés illégaux, et elles sont souvent couronnées, sauf tragiques accidents de parcours, par des débarquements, de l'autre côté, au port de la petite île de Lampedusa. Cependant, force est de reconnaître que depuis lors, la fréquence des dessertes et le nombre des candidats sont à la baisse: seul quelques centaines de migrants tunisiens sont encore à Lampedusa, une centaine à Pantelleria et ils seront tous rapatriés, conformément au texte de l'accord, à raison de 60 personnes par jour. L'étau se resserre de par et d'autre : nos côtes ne sont plus aujourd'hui aussi vulnérables qu'auparavant, et le séjour provisoire à Lampedusa n'est plus une chose acquise ; l'irritation est, donc, à son comble : hier, dimanche 10 avril, le port de Zarzis était sur le qui-vive ; des dizaines de candidats à l'émigration clandestine, attroupées devant le poste de la garde nationale réclamaient de vive voix une solution à leur problème : ils avaient pris le large l'avant-veille, mais une heure et demie après leur départ, une panne technique déjoua leur plan, et ils durent leur salut aux garde-côtes alertés, qui ont par conséquent réquisitionné l'embarcation. Il ne leur restait qu'à exiger le remboursement des frais de la desserte réglés en avance auprès de l'organisateur qui ne donnait plus aucun signe de vie. La tension était telle que quelques uns ont déversé leur colère sur un véhicule tout terrain flambant neuf de la Garde Nationale qu'ils précipitèrent dans les eaux du port.
Réaction
A Lampedusa, la réaction des migrants tunisiens parvenus à bon port, mais qui devront être rapatriés, n'est pas moins virulente : hier, quelques Tunisiens se sont révoltés contre le recours au rapatriement en donnant le feu aux matelas du centre de premier accueil, et ils ont pris ensuite la fuite en se dispersant dans l'île. Au vu de tous ces indicateurs, la tension, de par et d'autre, est désormais à la hausse : rien pour l'heure ne semble persuader les pourvoyeurs de rêves illusoires que sont ces malfrats occultes de renoncer à leur commerce d'hommes florissant et fructueux quitte à revoir à la baisse les tarifs en vigueur requis pour la desserte en guise de stimulation à l'émigration; les candidats à l'émigration clandestine sont décidément résolus à ne point renoncer à leur désir obsédant d'accéder à l'eldorado européen tant rêvé en dépit des dangers réels encourus pendant la traversée et des conditions de séjour dégradantes sur l'île. De l'autre côté, les positions sont aussi fermes qu'ici bas : parmi les gens de Lampedusa circule le mot d'ordre d'attendre jusqu'au 15 avril avant de prendre une initiative retentissante si le gouvernement italien ne résout pas le «cas Lampedusa » ; d'autre part des voix xénophobes émanant de quelques figures de proue de la droite italienne appellent à un blocus naval entravant toute irruption illégale dans leur territoire. Naceur BOUABID