Dimanche matin, s'est réunie la section de Laouina à la maison de la culture locale. Avant de présenter l'ordre du jour, on a salué la bravoure, le sens civique et le patriotisme des jeunes du quartier qui, la veille, ont donné un ultimatum pour le lendemain aux marchands ambulants qui se sont fixé dans l'artère principale après le 14 Janvier et qui ont transformé la rue en marché de village. Le jour de la réunion au matin, il n'y avait plus de camionneurs, ils étaient tous partis pendant la nuit laissant des tonnes d'ordures derrière eux. Les habitants, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, se sont chargés de nettoyer les lieux avec des brouettes et des camions, au bout de quelques minutes, la place était devenue propre et a retrouvé son calme. Ce que les jeunes de Laouina ont réussi à faire les agents de la municipalité dans l'ancien régime n'ont pas « pu » faire, devinez pourquoi… il y avait les pots de vin. Avec la conviction et la foi, rien ni personne ne peut nous résister.
Des projets ambitieux
Les débats ont duré près de quatre heures, ils étaient fructueux. Les participants ont débattu de la manière de s'organiser dans l'arrondissement qui comprend dix-huit cités et quarante mille habitants. Cette importance démographique a poussé certains à refuser le partage des seize places du comité municipal provisoire avec La Goulette qui en comprend seulement six mille, ils ont exigé une représentativité proportionnelle au nombre d'habitants. Ils ont aussi parlé des tâches à assumer au sein de la section, ils étaient unanimes à ce qu'elles soient variées touchant tous les domaines, le social, le politique, le culturel… Des projets concrets ont été proposés tels que l'instauration d'un bureau de travail dans la localité et le recensement des diplômés chômeurs, la constitution de clubs littéraires, culturels et artistiques et la conception d'un contenu patriotique et populaire à ceux qui existent déjà, c'est-à-dire les épurer en les débarrassant des mauvaises punaises de l'ancienne époque qui les ont infectés.
Le décret contesté
La question relative à un local permanent a été très discutée par les membres, puisque la directrice de la maison de la culture leur a fait savoir qu'elle ne pourrait plus leur ouvrir la porte de l'établissement se basant sur un décret émanant du ministère interdisant l'exploitation des locaux par des partis politiques ou pour des fins de même nature. Cette décision ministérielle a provoqué une indignation générale, car, estiment-ils, ils ne forment pas un parti, mais une association civile dont les activités sont sociales et culturelles. Certains des membres ont précisé que la culture est à entendre sous tous ses aspects, elle embrasse tous les domaines de la vie en ce sens qu'elle touche entre autres à la politique et qu'une culture politique en ce moment crucial est très requise et d'une importance capitale pour le devenir du pays, puisque des élections déterminantes seront organisées dans quelques mois. D'autres ont jugé que rien ne devrait les empêcher de faire de la politique pure en temps révolutionnaire d'autant plus que la maison de la culture était utilisée par le RCD qui était un parti politique, « alors pourquoi eux et pas nous ? » voulaient-ils dire. Tout le monde s'est mis d'accord sur la nécessité d'envoyer une lettre au ministère de la Culture pour protester contre le décret, chose qui était faite. Enfin, les membres ont constitué un comité d'information de trois membres qui étaient chargés de créer un site web. Avant de clôturer la séance, ils se sont donné rendez-vous pour le lendemain à 18 heures afin de discuter du problème de la liste de La Goulette pour le comité municipal provisoire. Le lieu c'était le bureau du syndic d'une résidence.
Non à la désignation
Lors de la première réunion des deux localités, La Goulette et Laouina, qui s'est tenue le 27 mars à l'Union Locale de l'UGTT dans le cadre du conseil local pour la protection de la révolution, on s'est entendu d'être à parité de représentation dans le comité municipal. La section de Laouina a organisé le 1er avril dans la grande salle de la maison de la culture, qui était une heureuse découverte pour la plupart, une grande assemblée pour informer les habitants de la constitution du conseil et pour constituer la liste des huit pour le comité municipal. La question était tranchée non pas par élection mais par entente, dans les zones où se présentaient plus d'un candidat, il y avait désistement, la liste était constituée en moins d'une heure, c'était une vraie leçon de démocratie. Malheureusement, l'oubli de soi et l'intérêt général n'ont pas prévalu à La Goulette, plusieurs réunions organisé n'ont rien donné, personne n'a voulu se désister en faveur de l'autre. Ce blocage les a poussés vers la voie électorale, ils ont alors affiché la date des élections. Mais en apprenant la chose, le gouverneur de Tunis a contacté l'UGTT, qui a un quota de 20 % dans tous les comités municipaux et que le conseil de la Goulette n'a pas appliqué, et lui a demandé des éclaircissements concernant la situation, car il était informé que certains partis politiques parmi lesquels des islamistes voulaient mettre la main sur ces comités, il a alors pris la décision de procéder par désignation pour les seize places. La section de Laouina dans sa réunion de lundi a décidé de riposter contre cette mesure discrétionnaire en envoyant au gouverneur un communiqué dans lequel elle exprime son attachement à leur liste des huit et à l'entente comme procédé pour départager les candidats de La Goulette et refuse catégoriquement la désignation qui fait planer le spectre de l'époque révolue. Elle a également souligné la grande nécessité de constituer le comité municipal vu les circonstances exceptionnelles et très difficiles que connaît notre pays.