Jusqu'à présent, les enseignants du secondaire et du Supérieur avaient tout juste quelques petits soucis avec leurs élèves et étudiantes voilées. On peut même dire que le port du voile ne dérangeait presque en rien le déroulement des leçons du moment que ces filles restaient reconnaissables sous ce vêtement pudique qui ne cache pas leurs visages. Seulement voilà, aujourd'hui et à la faveur du climat de liberté qu'a instauré la Révolution dans le pays, certaines jeunes tunisiennes vont en classe entièrement voilées. On n'en compte pas beaucoup pour l'heure ; mais qui sait si d'ici la fin de l'actuelle année scolaire ou à la prochaine rentrée, nos collèges, nos lycées et nos universités n'en accueilleront pas des milliers. L'autre jour, à l'institut Ibn Charaf, une collègue dut faire appel à l'intervention du directeur de l'établissement pour obliger l'une de ses étudiantes à ôter la partie de son voile qui lui cachait entièrement la face. La nouvelle mode « islamiste » ne dérange donc pas qu'en France et si, là-bas, des mesures assez persuasives ont été prises par le gouvernement afin de la stopper, chez nous, on attend encore le décret qui interdise le niqab au moins dans les établissements scolaires et universitaires. Surtout que, désormais, ce ne sont pas les élèves et les étudiants seulement qui portent cette espèce de burka, mais que leurs professeures s'y mettent à leur tour. En effet, on parle ces derniers jours d'une enseignante de Sfax qui aurait choisi de garder son voile intégral même au moment de dispenser le cours. L'information nous a été confirmée par une dizaine de professeurs lesquels ont précisé que les élèves de cette éducatrice « masquée » la contraignirent à arrêter sa leçon et à quitter la salle de classe. Classes obscures ! Imaginons ce que cela peut donner dans un lycée ou une faculté où ce genre d'accoutrement est toléré pour les enseignantes et leur public féminin. Comment et sur la base de quels indices faire l'appel des élèves en classe ? La lecture des textes et sur tableau sera-t-elle possible alors que déjà sans niqab, nos élèves sont presque toutes dyslexiques ? Et le jour d'un devoir, comment s'assurer qu'une étudiante ne cache pas son antisèche sous le voile ? Qui dit par ailleurs que ce voile intégral ne cache pas un garçon tenté par une tricherie très discrète, ou une personne complètement étrangère à l'institution ? Et le jour de la remise des copies corrigées, comment s'assurer que celles-ci sont remises à leurs véritables auteurs ? Aux délibérations des conseils de classe, faut-il remplacer dans le dossier d'un étudiant sa photo par un enregistrement de sa voix ? Nous nous mettons aussi à la place d'un proviseur de lycée ou d'un doyen de faculté qui ne saurait reconnaître, à la salle des professeurs ou dans la cour ou même dans son bureau, les enseignantes qui travaillent sous sa direction. Les inspecteurs auront du mal eux aussi à distinguer les éducatrices qu'il leur faut évaluer. Faudrait-il accrocher des badges sur le voile de chacune ? Sans photo, bien entendu ! Ah quoi bon ! On n'y dévisagerait pas mieux celle qui le porte, si sur le cliché aussi, rien de son corps n'apparaît ni ne transparaît. Imaginons également des classes composées uniquement de filles toutes voilées avec pour professeure une dame totalement emmitouflée dans son niqab. Pour compléter ce décor de tenues noires, il faudrait peut-être aussi repeindre les murs en noir et mettre des rideaux avenants sur les vitres. Avec un tableau noir, pourquoi pas une craie de la même couleur ? Pas la peine non plus d'éclairer les salles. Nos hommes talibans seront certains alors que personne n'y verrait que dalle dans les corps de leurs filles ou ceux de leurs épouses (au pluriel bien sûr). Quant à parler du savoir comme synonyme de lumière, c'est un discours de laïcs et d'athées qu'il faudrait bannir de nos écoles, de nos lycées et de nos universités ! On n'est pas obscurantiste pour rien ! Laideurs et cécités On nous objecterait que des élèves en tenues très légères et des professeures en pantalons excessivement moulants, ce n'est pas non plus reluisant pour l'école ni pour le Savoir. Certes, mais que ne choisit-on pas le juste milieu en portant un habit décent aux yeux des libéraux comme pour les défenseurs de la pudeur ? Pourquoi chercher, qui plus est dans un espace de l'éducation, à provoquer le regard d'autrui lequel n'est pas forcé de voir les choses du même œil que vous ? Que faire, d'autre part, de 50 ans de mixité dans les classes ? Même du temps de nos grands-mères, les institutrices ne donnaient jamais de leçons en « sefsari ». Pourquoi se « voiler » la face devant ses élèves ?