Sihem Ben Sedrine qui était l'objet d'une campagne de dénigrement depuis mercredi dernier a organisé une conférence de presse au siège de Radio Kalima pour donner sa version des faits. On accusait, en effet, la rédactrice en chef de la station radiophonique, « d'avoir fomenté le complot ayant fait circuler l'interview tonitruante de Farhat Rajhi sur le web. Mieux encore d'avoir financé les deux journalistes ayant conduit l'entrevue avec l'ex ministre de l'intérieur ». Un résonnement pour le moins tiré par les cheveux, mais cela n'a pas empêché les journalistes et les responsables de la radio qui n'a pas encore obtenu son droit de fréquence, de faire entendre leur voix. « La voie est libre et personne ne peut nous barrer la route ou nous obliger à rebrousser chemin. Cette répression qu'on subit quotidiennement ne peut que renforcer notre volonté et nous pousser à donner le meilleur de nous même pour l'avenir de notre radio et pour faire de la liberté d'expression en Tunisie un acquis. Il se trouve aujourd'hui que les anciennes têtes pensantes du régime de Ben Ali sont toujours là et sont en train de mener une contre –Révolution. Hier seulement, le streaming de la radio a été coupé puisqu'une attaque d'une technicité pointue a été organisée contre notre site. En même temps les informations diffamatoires ont circulé pour accuser Sihem Ben Sedrine d'être de mèche avec Farhat Rajhi. » commente Omar Mestiri le directeur de la radio qui continue « Nous n'accusons pas le gouvernement de transition encore moins le système de sécurité dans notre pays, mais plutôt les lobbies de l'ancien régime de Ben Ali qui ont le bras long et veulent faire régner un climat d'insécurité dans notre pays. Ils veulent à tout prix que la date des élections de la Constituante soit reportée. » Les conférenciers ont plusieurs fois montré, preuve à l'appui, que la police politique n'a pas été réellement dissous et que les voix libres sont aujourd'hui persécutées. « Nous subissons tous les jours des interrogatoires de personnes en tenue civile. On veut tout savoir sur les journalistes. Certains parmi nous ont même été menacés. Le comble est la situation dans laquelle se retrouve ma collègue Marwa Réquiq, la journaliste qui assurait une émission en direct depuis l'Avenue Bourguiba, mercredi dernier. Dès qu'elle a annoncé qu'elle travaille pour radio Kalima, elle a été violentée par une dizaine d'agents. La vidéo qui existe sur notre site fait foi. Actuellement elle est hospitalisée pour cinq points de suture et pour des bleus sur l'ensemble de son corps. », commente l'une des journalistes de la station radiophonique rebelle. Rebelle, précisément, pour la situation des journalistes qui en ont bavé de l'ancienne dictature depuis 2008. Ces derniers ne sont pas au bout de leurs peines puisque la répression continue et reprend de plus belle même après la Révolution. Mais aussi pour l'injustice à l'égard de la station de radio qui n'a pas encore son droit aux fréquences, affirme-t-on. A une question qu'on lui a posée, Zakia Hédiji qui travaille pour la station de radio et est membre de l'Instance Nationale Indépendante pour le secteur de l'Information et de la Communication depuis le mois de mars, elle nous a répondu qu'elle ne peut réparer cette injustice vu qu'elle doit faire son travail dans l'objectivité totale sans parti-pris même si elle a participé aux ateliers de travail de la commission. « J'accuse l'Instance Nationale Indépendante pour le secteur de l'Information et de la Communication et la personne de Kamel Laabidi qui à chaque fois reporte les procédures pour qu'on n'ait pas notre droit aux fréquences. » avance Omar Mestiri. Rappelons dans la foulée, que L'Instance nationale pour la réforme de l'information créée suite au décret-loi n°10 de l'an 2011 doit émettre un avis consultatif qu'elle transmet au premier ministère, qui par la suite prend sa décision pour l'obtention d'un visa en ce sens. « Le premier ministre n'a pas d'objections par rapport à cela et le blocage émane de ladite instance. Adel Gaâloul le secrétaire d'Etat en a informé Caied Essebsi qui a appelé Kamel Laabidi pour activer les procédures en vain. Cela montre que le lobby du système de Ben Ali fonctionne bien avec les anciennes têtes pensantes du régime déchu.» fait remarquer Sihem Ben Sedrine. Et si radio kalima a choisi la parole pour obtenir ce qui lui revient de droit c'est qu'ils gardent pour des jours meilleurs la possibilité de faire entendre leur voix sur le plan international. « On ne veut pas y arriver même si on a la possibilité de le faire, car il est question de l'image de notre Révolution à l'étranger. » commente Sihem Ben Sedrine qui croit dur comme fer que si Ben Ali a conduit durant 23 ans le pays d'une main de fer, ses alliés sont toujours là et qu'un audit devrait être fait à l'ATCE pour démanteler un système mafieux des plus dangereux. Et si l'information juste et véridique est toujours bâillonnée et que les journalistes, les meilleurs, sont persécutés, c'est que la liberté d'expression demeure un combat permanent dans notre pays parce qu'elle loin d'être acquise. Mona BEN GAMRA