• Persécutée par le régime déchu, Radio Kalima l'est aujourd'hui autrement… - Hier au nouveau siège de la radio, ‘'Kalima'' (qui veut dire littéralement mot), les mots qui se sont égrenés étaient pour le moins sincères et avérés. La radio qui n'a pas encore eu ses droits aux fréquences, trois mois après la Révolution et ne paraît pas être sur la même longueur d'ondes que les décideurs en matière d'information et de communication. Explications. Sihem Ben Sedrine et son équipe de la radio ‘'Kalima'' ont donné une conférence de presse dans leur beau local bien équipé du côté de la Charguia II. Et paraît-il, il n'est pas suffisant d'avoir une équipe pétillante d'au moins vingt journalistes, un beau local et une expérience dans le domaine depuis 2008, pour pouvoir accéder au droit aux fréquences. Le visa : parcours labyrinthique Le directeur de la radio Omar Mestiri qui n'avait pas non plus, sa langue dans la poche, a exprimé son regret quant à l'objet même de la conférence de presse « J'aurais tant aimé m'attabler avec vous pour vous annoncer la bonne nouvelle, en élucidant notre démarche ou en déclinant notre ligne éditoriale. Rien de ça, en fait puisqu'on n'a pas encore le droit de le faire, même si on a rempli toutes les conditions qu'il fallait. Je n'accuse pas le gouvernement de transition de nous mettre les bâtons dans les roues mais j'incrimine les mêmes fomenteurs du temps de Ben Ali qui sont toujours-là à donner des consignes et des directives pour ternir le paysage médiatique et barrer la route aux esprits libres et éclairés. » dit-il. L'avocat de ‘'Kalima'' qui a pris la parole à son tour, n'a pas caché son amertume en montrant point par point les procédures labyrinthiques qu'il faut suivre pour obtenir un visa pour la création d'un média audiovisuel du temps de l'ancienne dictature. Ce qui est nouveau en fait est la teneur du communiqué rendu public par l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication, en date du 18 avril « L'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication ne jouit pas d'un pouvoir réglementaire pour fixer les modalités d'obtention d'un visa pour la création d'une radio ou d'une télévision. Cette instance créée suite au décret-loi n°10 de l'an 2011 ne peut qu'émettre un avis consultatif sur la création d'un projet en ce sens. » avance Me Lotfi Lajri. « Sauf que nous sommes pas un simple projet. Nous sommes une radio qui a mené un véritable parcours du combattant du temps de la dictature. Et pourtant nous avons continué à faire un travail journalistique dans les règles de l'art. Nous ne comptons en aucun cas baisser les bras. Nous continuerons sur cette même lancée pour couper court avec les symboles de l'ancienne dictature et ses alliés. Je nomme Borhane Besaies, Fethi Houidi, Abdelwahab Abdallah et Oussama Romdhani. » fait remarquer dans la foulée Omar Mestiri. ‘'Kalima'', ou le parcours du combattant Radio ‘'kalima'' aurait commencé à diffuser sur Internet, faute d'autorisation, en 2008. Le 26 janvier 2009, elle a commencé à diffuser sur satellite (Hotbird) à partir de l'Italie. ‘'Kalima'' était pendant ce temps, la première radio tunisienne indépendante à produire et diffuser 24h/24. Sauf que cela n'a pas duré longtemps puisque les policiers de Ben Ali étaient au rendez-vous, le 30 du même mois. Quasiment 200 policiers ont, ce jour-là, encerclé le siège de ‘'Kalima'' qui était à Tunis et ont agressé les journalistes et un juge aux ordres a saisi tous les équipements, scellé les locaux et engagé une poursuite judiciaire contre les dirigeants pour « utilisation de fréquences illégales ». ‘'Kalima'' décide de délocaliser la technique vers l'Europe et de continuer le streaming. En Mars 2010, Ben Ali fait pression sur le gouvernement français pour arrêter la diffusion sur satellite par le propriétaire de Hotbird (Eutelsat) en prenant pour alibi le fait que ‘'Kalima'' n'avait pas de licence. Depuis ‘'Kalima'' diffuse sur Internet mais continue de produire et de couvrir des évènements notamment dans les régions défavorisées avec cinq reporters régionaux. Mais le staff n'est pas au bout de ses peines puisque les journalistes ont continué à être la cible d'agressions fréquentes, d'arrestations, de poursuites judiciaires, de confiscation de recorders, et surtout de séjours de deux ou trois jours au ministère de l'Intérieur. « On a vécu des moments vraiment terribles. Parfois nos collègues disparaissent et on se rend compte après deux ou trois jours qu'ils sont au ministère de l'intérieur. » dit l'un des journalistes présents. On a également parlé de Marwa Réquiq à qui on a reporté d e trois mois la soutenance de fin d'études pour l'obliger à quitter la radio. La parole a été donnée, en effet, aux journalistes qui ont bavé de l'ancien système. « Mais on a le droit d'avoir un contrat de travail et d'être couvert par la sécurité sociale ! On espère bien étoffer l'équipe. Le problème est que ces nouvelles recrues n'accepteront pas de travailler d'une manière clandestine. Et c'est de leur plein droit.» Et pour l'anecdote on a cité le cas de Moez El Bey qui a été agressé en direct alors qu'il assurait son streaming. Le journaliste était à Sfax lorsqu'il couvrait un évènement en direct qu'il diffusait en parallèle avec la radio française ‘'Galère''. L'équipe ‘'kalima'' envoyée aux galères ne semble pas pouvoir s'en sortir sous peu. Même si on est un pays qui a mené à bien une Révolution pour ‘'le pain et la dignité''. On attend.