Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
«Cette révolution est exclusivement la vôtre… Et maintenant, c'est à vous d'en imposer à Washington !» Regards d'ailleurs - Anne Applebaun, journaliste au Washington Post et lauréate du prix Pulitzer en 2004
Plus jamais de glissement de sens, désormais. Révolution oblige, la formule « I'm Tunisian » prend tout son sens. Une fois que vous serez aux Etats-Unis d'Amérique et que vous disiez à un Américain « I'm Tunisian », il ne vous répondra plus, « What ? Indonesian ? ». L'anecdote est revenue au début de ce débat médiatique avec Anne Applebaun, tenu hier dans les locaux de Radio Kalima, avec le concours de l'Ambassade de Pologne en Tunisie. L'invitée de Kalima est écrivaine, éditorialiste et journaliste au Washington Post dont les écrits ont été gratifiés en 2004 par le prix Pulitzer, la plus haute distinction journalistique aux Etats-Unis d'Amérique. Anne Applebaun est par dessus tout une citoyenne américaine qui parle une langue non exempte de valeurs humanistes. Elle est une citoyenne du monde qui apprend à connaître la Tunisie loin des clichés qui lui ont toujours collé à la peau, mais aussi à appréhender les Tunisiens, le peuple qui s'est relevé un certain 14 janvier pour battre le bitume et en finir une bonne fois pour toute avec la dictature. Elle l'a déjà écrit et le dit ouvertement en cette rencontre lorsqu'elle explique que contrairement à ce que croient certains : les Révolutions arabes et, bien entendu, celle tunisienne, ne sont pas le produit d'une Révolution sur Facebook ou sur Tweeter. La Révolution tunisienne, selon elle, est la Révolution du peuple et elle a été opérée sur le terrain. Et en femme de terrain, Anne Applebaun choisit d'aller au fond des choses et en récolter ce qui peut nous servir de leçons pour l'avenir. En ce sens elle rejette l'idée de comparer la Révolution tunisienne à celles produites dans les pays de l'Est ou dans d'autres contrées du monde. Il n'y a pas lieu, également, de chercher des éléments de ressemblance avec l'Egypte ou la Syrie, etc, car chaque pays a ses particularités qui se traduisent par la composition de sa société dont l'unité est déterminée par l'histoire. Morale de l'histoire : les Tunisiens sont les faiseurs de leur histoire et ont mené à bien une Révolution qui porte leurs marques. Politique étrangère américaine Et côté politique étrangère américaine ? Et bien c'est là que le bât blesse et que l'on s'interroge sur les bonnes intentions du pays de l'oncle Sam, s'il en a, à aider un pays comme le nôtre dans sa transition démocratique. Les questions ont porté notamment sur les retards enregistrés par les Etats-Unis à venir en aide aux peuples que ce soit en Tunisie, en Egypte et son silence presque total sur le Bahreïn. « On a du mal à voir clair dans la politique étrangère américaine à l'égard des Révolutions arabes. Ce que fait le gouvernement démocrate n'est-il pas une continuité de la politique des néoconservateurs qui au nom de la démocratie ont mené des guerres en Afghanistan et en Irak. Quelles sont les continuités et les ruptures avec cette politique ? » se demande l'un des journalistes présents. D'autres questions qui fâchent ? Il y en a bien sûr et elles concernent les promesses du président américain et les relations de son pays avec l'Arabie Saoudite. Anne Applebaun répond par le fait que « tous les présidents américains font des promesses aux peuples du monde et se disent différents de leurs prédécesseurs mais au final se retrouvent confrontés à une réalité qui les dépasse.» Le programme d'Obama consistait à sortir de la centralité Moyen-Orient et de s'ouvrir sur d'autres pays comme le Japon, la Chine, etc. Mais il s'est retrouvé piégé par des révolutions arabes qui occuperont le reste de son mandat. La journaliste américaine considère, par ailleurs, que son pays vit un véritable dilemme qui a commencé en 2001 lorsque la question d'Al QaIda explose et l'on se rende compte que l'Arabie saoudite exporte le wahabisme… «Je sais que la stabilité tout comme le pétrole intéressent les Etats-Unis d'Amérique, mais je sais aussi que des discussions se font derrière des portes fermées sur des questions liées à la liberté d'expression la femme, etc. Je ne sais pas si c'est efficace de le faire de cette manière-là »dit-elle La question de l'invité Last but not the least, Anne Applebaun n'a pas failli à sa réputation de journaliste d'investigation pour poser en retour une question à tous les journalistes présents « Que voulez-vous que soit la politique des Etats-Unis par rapport à la Tunisie » « On demande aux Etats-Unis de ne plus s'immiscer dans nos affaires. » Lancent les uns. « On veut une politique américaine équitable qui se tourne plutôt vers la société civile puisque la politique gouvernement-gouvernement a montré ses défaillances. » rétorquent les autres. Dans tous les cas de figure, notre souhait le plus pressant serait de voir cette puissance mondiale se forger l'image d'un pays où la raison d'Etat ne triomphe pas des droits de l'Homme et du droit des peuples à une vie digne. L'or visqueux et noir, dont les effluves rafraîchissent des cours en bourse, ne justifiera plus, ainsi, des guerres injustes auxquelles le pays de l'oncle Sam se livre, au nom de la démocratie. ‘'Wait and see''.