Nous rendons une « copie propre » : oui, nous vous le concédons M. Lemerre. Pas de défaite, en attendant quand même, le déplacement à Khartoum ; une bonne moisson de buts (10 marqués), aucun but subi, et, bien sûr, beaucoup de discipline sur le terrain. A priori, aurions-nous rendu une copie blanche, nous aurions eu quand même un 10 sur 10. Sauf que le Soudan rend une copie tout aussi « propre » que la nôtre. Le même « goal-différence » et il faudra bien dès lors battre les Soudanais chez eux pour qu'une mention écrite au crayon vienne gribouiller le bas de cette copie un peu trop propre, en effet... A l'évidence le coach national s'en tient - c'est nouveau depuis quelque temps - à une approche quantitative : le maximum de points engrangés, certes, mais surtout le maximum de buts de préférence marqués par tout le monde - et de préférence les gens qui viennent de derrière - et le minimum de concédés. M. De Lapalisse n'y trouverait pas à redire... Le football est aussi une affaire d'arithmétique : addition et soustraction... Mais c'est aussi, une affaire d'abstractions... Nous nous expliquons. Si Roger Lemerre s'en tient au résultat et à cette « copie propre » pour sanctionner ce résultat, c'est qu'il veut sans doute dire que la fin justifie les moyens. Or, lorsqu'on se rabat sur cet « axiome », c'est qu'on a le sentiment que la manière n'y est pas. Et effectivement elle n'y est pas. Par ricochet nous comprendrions que Lemerre exige le maximum de concentration en cette période pré-estivale, éloignant ses troupes en France, là où il ne leur prendrait pas l'envie de se rendre dans les nights clubs de Hammamet ni d'aller bronzer sur les rivages du Boujaâfar. Ce stage de deux semaines en France, Nabil Maâloul lui a trouvé une justification (interview au « Temps », il y a deux semaines), renvoyant à une chronique, signée Bixente Lazarazu, parue sur l' « Equipe » et dans laquelle l'ex-latéral gauche tricolore, appuie la nécessité d'éloigner les joueurs - surtout ceux qui opèrent à l'étranger - de l'air du pays lors de cette période juin-juillet - Soit. Oui et non, en fait... Si on n'arrive pas à tenir en laisse des professionnels, alors de quelle discipline parle-t-on... ? La question s'était, d'ailleurs, posée en 2002, au Japon pour la France : Lemerre avait autorisé le contact de ses internationaux avec leurs épouses ou leurs fiancées : le président de la FFF, lui en aurait voulu entre autres pour cela... Parenthèse que nous refermons aussitôt, cependant... Revenons à cette sélection : il est clair que le maillon faible reste cette ligne médiane et l'incapacité à trouver un régisseur, un vrai. Nous ne parlons pas, ici, d'un régisseur à la Tarek ou à la Agrebi, ou encore, à la Souayah, c'est-à-dire de ce que les Italiens appellent le « Trequartista » : combien y en a-t-il, d'ailleurs en circulation, en dehors de Kaka, Riquelme (où est-il ?)... Ce qui est sûr, c'est que la Tunisie n'en dispose pas. C'est une race en voie d'extinction, si ce n'est déjà fait, à cause, justement des systèmes et cette conception des couloirs qu'un grand comme Cruijff trouve, par ailleurs, idiote. « Autant jouer carrément avec des ailiers », dit-il. Le problème ne serait, donc, pas là. Il n'est pas devant. Mais de 20-30 mètres derrière : il s'agit du régisseur central. C'est lui le géomètre ; l'épine dorsale ; c'est lui qui tisse les trames offensives, lit le jeu et enclenche les mouvements... Bizarre, que Lemerre n'y pense pas vraiment, ne se décide toujours pas à « détruire » techniquement l'un de ses milieux pour le reconstruire tactiquement... Et c'est d'autant plus bizarre que l'alter-ego de Lemerre, Nabil Maâloul, fut, de l'avis de tous, le meilleur régisseur central tunisien de tous les temps... Avec l'axe « Ben Yahia-Maâloul-Tarek », Amarildo avait façonné la meilleure Espérance de toujours... Mais tout s'articulait autour de Maâloul, justement, le régisseur central. C'est ce profil qui manque à la sélection.