Insoumise et chaleureuse, c'est l'impression que donne Bejaia, Vgayet, ou Bougie pour les nostalgiques des colonies. Ville portuaire, donnant le dos à un massif montagneux qui la protège, Bejaïa est à la fois particulière et exemplaire de ces villes portuaires de la méditerranée farouchement attachées à leurs particularismes tout en étant totalement ouvertes sur l'autre. Au-delà de la carte postale, Bejaïa a de tout temps été une ville très active sur le plan de la culture. Avec le théâtre régional de Bejaïa pour épicentre, une multitude d'associations opère dans les Arts et la littérature insufflant à la ville un dynamisme qui interpelle le visiteur. Les Rencontres cinématographiques de Bejaïa organisées par l'association « Project'heurts » se sont imposées au fil des années comme un des événements culturels majeurs de la ville. Ce petit festival de par ses moyens (aux antipodes du très officiel festival d'Oran) est devenu au fil des éditions un rendez-vous incontournable pour les jeunes cinéastes algériens qui s'y pressent pour la semaine ou quelques jours avec ou sans films à présenter. La qualité de la programmation, la convivialité et la chaleur de l'accueil y sont sûrement pour quelque chose mais il y a plus : L'opportunité qu'offre ce festival pour débattre de cinéma. C'est plutôt rare pour être souligné, on va dans des festivals pour voir des films, on a rarement l'occasion d'en parler ou alors très peu. A Béjaia c'est possible. Une parole parfois maladroite, peu structurée mais qui a le mérite d'exister et d'instaurer une tradition de débat disparue avec les ciné-clubs. Plus, le festival s'est constitué autour de lui une petite famille de fidèles, faite de critiques, de cinéastes, de producteurs tunisiens, marocains et algériens. Une semaine durant, les RCB sont lieu où se tiennent ce qu'il ne serait pas exagéré de qualifier d'Assises informelles des cinémas Maghrébins. La centralité des marges dans les cinémas algérien et tunisien Formes courtes, documentaires, autoproductions, le festival de Béjaia se veut aussi une vitrine d'un cinéma marginal et minoritaire, très peu exposé surtout dans les pays où il a été produit. Des institutions sclérosées, une jeunesse impatiente de tourner ont impulsé cette dynamique de la marge que l'on observe aussi bien en Tunisie qu'en Algérie. Les Etats à travers le fonds d'aide à la production (en Tunisie) et le FDATIC(en Algérie) consentent depuis quelques années à des efforts en matière de subventions, mais celles-ci ne sont pas toujours équitablement réparties et ne peuvent en aucun cas satisfaire la demande grandissante d'une jeunesse habitée par le désir de faire des films. D'où l'efflorescence de productions indépendantes, affranchies de toute tutelle politique et travaillées par la volonté d'explorer des voies nouvelles. Ce cinéma de la marge est en voie d'acquérir une centralité salutaire pour des secteurs en hibernation depuis une décennie en Tunisie qu'en Algérie. L'équation ne se pose évidemment pas en des termes identiques dans les deux pays. Le secteur du cinéma en Algérie était quasiment sinistré voilà encore quelques années, en Tunisie c'est la création dans (le cinéma établi) qui était en panne. Cette disparité des situations aura quand même abouti à une configuration semblable aujourd'hui caractérisée par la nouvelle centralité de la marge dans les cinématographies algérienne et tunisienne. A suivre