La révision du plan d'aménagement urbain de la ville de Sfax est une mesure indispensable devenue envisageable grâce à la Révolution. L'entreprise requiert cependant une approche multidimensionnelle, qui signifie non seulement la concertation de tous les intervenants, des experts, de la société civile et des décideurs, mais également une démarche rationnelle dont le point de départ est l'évaluation de l'ancien plan et des instruments de planification urbaine précédemment mis en place, en l'occurrence, le schéma directeur d'aménagement du territoire national (SDATN), le schéma directeur d'aménagement de la région du Centre-Est, c'est-à-dire Sousse, Monastir, Mahdia et Sfax, et le plan d'aménagement urbain de Sfax. C'est dans cette perspective, qu'est intervenu le séminaire organisé conjointement par la délégation spéciale pour le conseil municipal de la ville. Parmi les urbanistes présents, Adel Saïdi, du bureau d'études « Dirasset » a été l'auteur d'une communication portant sur la révision du plan d'aménagement urbain de Sfax. Une question que notre journal tente de mieux cerner avec lui. Interview :
Le Temps : l'objectif de ce séminaire est d'évaluer l'impact des schémas et autres documents de planification spatiale sur les grandes problématiques de développement de l'agglomération de Sfax. A quelle conclusion est-on parvenu ?
Adel Saïdi : La conclusion ne peut être que mitigée, sachant qu'un hiatus est né du fait que le plan d'aménagement urbain de Sfax de 2002 n'a pas eu comme référence le schéma national d'aménagement du territoire dont il n'a pas pris en considération les orientations. Le schéma national, rappelons-le, visait à mettre en place les conditions à même de faire de Sfax une métropole compétitive, ouverte à l'international et capable de répondre aux besoins de la population de sa zone d'influence. En fait ledit plan n'a fait que traiter de questions ponctuelles comme les emprises des voieries, les prescriptions urbanistiques etc… Il n'y avait pas non plus de projet urbain pour soutenir le plan d'aménagement urbain, lequel a enfin de compte traité la ville de Sfax comme une ville moyenne sans grandes dimensions.
Une fois le processus d'évaluation achevé et l'argumentaire servant de base à la révision du plan d'aménagement urbain élaboré, qu'est-ce qu'il faut pour que le nouveau plan réussisse ?
D'abord, il faut un budget conséquent, faire appel à un conseil d'un certain niveau et élaborer un plan d'aménagement nouvelle génération qui prend en considération toutes les caractéristiques de Sfax, laquelle ville structure un espace central et austral très important, a une zone d'influence très étendue plus importante que son arrière-pays, bref une taille et une fonction importantes et en même temps, des perspectives plausibles d'ouverture à l'international. C'est là le contenu du message du séminaire à l'adresse des décideurs et de l'administration chargée de lancer le plan d'aménagement.
Il y a lieu de citer les problèmes d'articulation de l'espace urbain, de qualité urbaine, d'environnement, de mise en cohérence de projets et d'actions structurants, étant donné qu'il y a une approche sectorielle tout le temps cloisonnée. Le paradoxe, c'est que ces problèmes étaient connus mais pas traités dans le fond.
Supposé remédier à tous ces inconvénients, le nouveau plan d'aménagement urbain nouvelle génération que vous préconisez, doit porter sur quels volets ?
Il faut qu'il traite à fond les problèmes de la ville au lieu de les survoler. Il faut d'abord, une stratégie de développement urbain, un discours, un projet dont va découler une série d'actions structurantes sur plusieurs plans avec en point de mire, pour Sfax, l'attraction des investisseurs, la compétitivité et l'ambition de tenir la comparaison avec d'autres villes du bassin méditerranéen. Sfax a plusieurs atouts sous-utilisés. On n'a pas profité de sa taille, de son savoir-faire ni de ses ressources humaines et c'est là un gâchis qu'on ne peut plus se permettre après la Révolution.
Encore faudrait-il trouver oreille attentive auprès des hautes instances politiques !
Je pense que la donne a beaucoup changé. Il n'y a pas de raison pour que l'Etat et l'administration ne s'approprient pas les études et qu'ils ne s'emploient pas à leur concrétisation. Le futur plan d'aménagement doit profiter des études de qualité, déjà effectuées et qui ne demandent qu'à être convenablement exploitées. En fin de compte ni les budgets conséquents ni la mobilisation des experts ni les études de qualité ne pourront servir à quoi que ce soit, s'il n'y a pas de volonté politique de les faire aboutir.
On vient de louer, à maintes reprises, la qualité du schéma national d'aménagement du territoire, pourquoi n'a-t-il pas fait paradoxalement l'objet de suivi ?
Il n'y a pas eu concrétisation des orientations et des actions prévues par ce schéma pour la simple raison qu'il dérangeait en soulevant des problèmes de fond sur l'équilibre régional, sur le corridor territorial qu'il faut renforcer parce que c'était un non-sens de laisser de côté la partie la plus dynamique de la Tunisie, là où l'on crée la richesse et promeut la compétitivité du pays. On a soulevé les problèmes de Sfax et souligné la nécessité de renforcer les métropoles régionales. On a soulevé également les problèmes de politique sociale et à un certain moment, on a parlé de clientélisme politique et on s'est exposé à la censure. D'ailleurs, on s'est même prononcé sur des projets qui n'étaient à l'époque ni raisonnables ni rentables. Il s'agit en l'occurrence du port et de l'aéroport d'Enfidha mais on n'a pas été écoutés.
En conclusion ?
Pour garantir la réussite d'un plan d'aménagement, il est nécessaire de procéder à une évaluation collective, de se concerter sur les objectifs et les orientations, de veiller à la mise en cohérence avec les autres instruments de la planification urbaine et d'obtenir l'adhésion des acteurs locaux et des décideurs. Entretien conduit par Taieb LAJILI