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Ettahrir s'invite à la kermesse !
Reportage - Le campus universitaire «El Manar II» cristallise toutes les passions
Publié dans Le Temps le 20 - 09 - 2011

Depuis un certain temps, beaucoup sont nombreux parmi ceux qui crient et mettent en garde contre “ces nouvelles têtes de barbus et de voilées” qui “envahissent” la société tunisienne. Des années de dictature et de médiatisation d'un modèle unique de la société tunisienne, à l'image de la femme et de l'homme européen, ont inconsciemment “imposé” un seul modèle de penser.
On a oublié ou presque, du moins pour nombre d'entre nous, que l'autre est libre du moment qu'il ne nous nuise pas. Ce phénomène, vestimentaire et idéologique, jugé nouveau et extrémiste dans notre société semble alors surprendre, si ce n'est déranger…
Il est vrai que d'un côté, une certaine catégorie radicale des islamistes pousse les limites en envahissant une basilique comme ce fut le cas au Kef ou en attaquant d'autres individus ou lieux de cultes outre musulmans, ou même des mausolées, mais est-ce une raison pour juger tous ceux qui choisissent de laisser pousser leur barbe ou de celles qui décident de se couvrir les cheveux? Pourquoi nous-inspirent ils la peur, et même de la phobie? Un 11 septembre qui a marqué la mémoire mondiale? A-t-on oublié ou ignorons nous que les nones portent le voile et inspirent la confiance et l'amour de Dieu ou que les juifs orthodoxes portent également la barbe? Pourquoi refuse-t-on ce qui ne nous dérange pas ou n'attire même pas notre attention dans d'autres sociétés? Et même si l'on ne savait pas que Jésus est toujours représenté dans l'image d'un barbu et que le voile existe dans toutes les religions monothéistes, avons-nous le droit d'oublier que la révolution a été faite pour acquérir la liberté et la justice et que la liberté de culte en fait partie?
Nous avons alors décidé de faire un reportage dans le campus, nid de la nouvelle génération de fonctionnaires et de parents, et qui représente en soi une micro société, pour savoir si le mouvement “d'islamisation” est si étendu que cela et si cela fait vraiment peur. Un nouveau paysage nous a alors été dévoilé, et sous le voile de certaines, nous ont parlé des filles dont le seul désir est d'être membre active dans cette société, sans préjugé, sans regard agressif, simplement dans une société qui comporterait le musulman et le non musulman…
L'Islam, l'islamophobie et l'islamisme au campus
En arrivant au campus, des jeunes étudiants nous interpellent en nous donnant un tract avec un «salamou alikom» et un regard détourné, visage presque contre terre, et l'on comprend pourquoi en jetant un coup d'œil sur le papier imprimé. Femme on est et le papier appellent à l'application de la chariâa en Tunisie, en somme, c'est la représentation du Hezeb Tahrir et un appel à la Califat dans notre pays.
Pas au policiers à la porte du campus et nous pénétrons alors sans que personne ne nous arrête ni ne nous demande les raisons de notre visite, chose impensable il y a à peine un an. Dans l'enceinte un paysage diversifié et joyeux nous est offert. Les groupes d'étudiants reprenant les études n'est pas chose nouvelle, mais ce qui est nouveau est que d'un côté, des étudiants sont attablés à jouer aux cartes dans la cafèteria et qu'un groupe de filles aux longues et larges robes avec un voile leur tombant sur les épaules passent juste en face.
Nous choisissons d'aborder deux jeunes filles qui discutaient, l'une voilée et l'autre non, aussitôt un groupe de filles se constitue, des voilées «modernes et d'autres plus sévères dans leurs tenues. A.M, étudiante en biologie analytique et voilée depuis 6 ans nous témoigne quant au regard de la société «les gens attendent souvent que vous soyez parfaite en vous voyant voilée et exerce une certaine pression en jugeant le moindre détail – comme en vous voyant discutant avec un garçon – ce qui est essentiel à comprendre est que l'Islam est un ensemble de devoirs et que personne n'est parfais dans leur application. Je peux porter le voile, faire la prière, mais ne pas jeûner et une autre femme peut ne pas porter le voile et prier et jeûner. Chacune de nous aurait appliqué certains devoirs ou préceptes dans les limites de ses connaissances de la religion ou de son pouvoir ou même de ses tentations, on est tous humains et ne nous devions plus nous juger les uns les autres.» D'ailleurs, elle dit appartenir à une famille mélangée et que chacun se comportait selon ses convictions, plus ou moins religieuses. A.M condamne «l'invasion» des salafistes de la basilique du Kef et les autres comportements de ce genre, en insistant sur l'importance du patrimoine riche et de la diversité des croyances en Tunisie. Elle juge que ce genre de comportements agressifs et rétrogrades, incitant à la haine ou voulant imposer la religion musulmane comme nuisible non seulement à la Tunisie, mais également à ceux et celles qui décident d'adopter l'apparence vestimentaire islamiste (ou musulmane). M.T, étudiante en mathématique et voilée également, continue de préciser «que le mouvement du Takfir – se permettre de juger que l'autre ne peut être musulman tout court – existe bel et bien aujourd'hui en Tunisie et même au campus et que ses adeptes se montrent intolérants, même avec les plus religieux. Ainsi, une fille qui porte le Niqab, se permettrait de juger une voilée, aussi sévère et simple soit sa tenue, n'est pas une musulmane» M.T condamne cela et «prêche», comme sa camarade la tolérance du côté du religieux comme du côté de l'irréligieux. Elle déclare par ailleurs que si au campus, elle se sent à l'aise, «l'Europe accordait aux voilées et barbus leur liberté de culte et d'habits et la Tunisie ne le fait pas encore. Mais, je trouve logique d'un autre côté, l'interdiction du Niqab, pour des raisons sécuritaires surtout en ce moment, ou alors simplement car un homme peut s'y déguiser».
Quant aux garçons «barbus», M.T précise «certains d'entre eux sont très tolérants et sociables qui n'ont aucune gêne à se retrouver aux proximités de filles et d'autres s'excuseront si vous leur parliez et s'en iront, tandis qu'une autre marge fera même comme si vous étiez transparente et partira aussitôt vous leur adressiez la parole».
Ces jeunes filles qui aspirent à un avenir brillant comme toute femme moderne et à des relations simples et tolérantes avec tout le monde insistent néanmoins que malgré ces comportements cités ci-dessus, les personnes les accomplissant restent minoritaires et que souvent, ceux ou celles qui sont à leur image ne jugent personne et aspirent à n'être jugé par personne.
Et la tolérance semble quand même exister dans le campus beaucoup plus qu'elle ne l'est dehors. D'ailleurs les groupes mélangés sont plus remarquables que les groupes voilées/non voilées ou barbus/non barbus. M.H, étudiante également en mathématique et non voilée évoque à cet égard ses amitiés diverses et dit avoir des relations avec tout genre d'individus sans que leurs croyances ou apparence ne la dérange. Ainsi, elle a des amies des plus religieuses au plus libérée, mais elle souligne quand même «qu'avant la révolution la société était très ouverte et qu'aujourd'hui elle est trop fermée. On se refuse mutuellement et d'un côté comme d'un autre, certains comportement ne facilitent pas l'acceptation de l'autre».
L'Islam est civisme avant tout
Nous continuons notre «balade au campus» et un couple barbu – voilée passait discutant vivement la question des tracts distribués par Tahrir. Nous l'abordons alors et le jeune étudiant en troisième année mathématique, Aymen Chbil, nous demande d'abord de nous éloigner de la chaussée si l'on voulait s'arrêter et discuter. «L'Islam est civisme avant tout» s'exclame-t-il «et si nous voulons en parler, nous ne devons point gêner les autres!». Un grand sourire se dessine sur son visage quand nous lui demandons pour sa barbe et il dit simplement que «c'est un genre de beauté», tandis que pour la prière, cela fait 9 ans qu'il la fait et qu'il lui arrive souvent de guider la prière. En ce qui concerne la question des tracts distribués, pratique qu'il refuse par ailleurs, il explique «leur but est le califat, or ce ne doit pas être le but dans son sens brut. Commençons d'abord par construire le pays, relevons l'économie, la société, établissons la justice, car c'est un principe fondamental en Islam, puis nous pouvons construire des relations économiques solides avec d'autres pays arabo-musulmans et permettre de profiter les uns des autres des richesses de la région, que ce soit pétrole ou lait, nous aurons ainsi un exemple du «califat» profitant aux musulmans. Notre problème est que nous n'avons jamais voulu tiré de l'Islam ce qui nous aiderait à avancer, comme «les miracles scientifiques» qui existent dans le Coran, nous avons des comportements qui nuisent à notre foi. Je cite ici l'exemple de la réalisatrice du film «ni Dieu, ni maître» et même si elle a dépassé les limites de sa propre liberté, la solution n'a nullement été cette réaction qui a eu lieu et l'attaque du cinéma, mais dans l'argumentation. L'Islam se base sur l'argumentation, la discussion, sans préjuger, sans même s'énerver, et nous n'avons surtout pas le droit de juger l'autre, ni sa foi, ni sa façon de s'habiller. Je compte parmi mes connaissances une jeune fille qui s'habille «très librement», des gens des plus extrémistes ont cessé de prier derrière moi en me voyant debout avec elle, tandis que, je ne me permettrai jamais de la juger, ni sa foi…»
Son amie voilée A.H étudiante à l'ISG et âgée d'une vingtaine d'années a précisé quand nous lui avons demandé si la société tunisienne est tolérante par rapport à son voile «l'Islamophobie a toujours existé dans la société tunisienne et continue à exister…»


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