Par Khaled GUEZMIR - Depuis l'antiquité l'homme social est à la recherche du mode de gouvernement idéal entendez le système politique le meilleur. Les grecs de Platon à Aristote redoutaient la « démocratie » le gouvernement de la multitude. Le Père de l'Académie et auteur de la « République » rappelle que la foule synonyme de passion, de haine et d'indiscipline. Elle symbolise la perversité et l'inconstance en bref « l'excessif » qui conduit soit à l'anarchie de la rue soit au despotisme qui la réprime pour rendre la vie communautaire possible. D'où son penchant pour Les Rois « philosophes » qui sont doués de raison et qui sont capables de transcender leurs passions personnelles et leurs intérêts. Son élève créateur du « lycée » et auteur de la « politique » va être plus explicite. Pour lui, la forme et le système de gouvernement sont indifférents. Monarchique, oligarchique ou démocratique, l'essentiel c'est qu'ils soient capables d'assurer la quiétude individuelle et collective de rendre la justice, de permettre une certaine participation politique surtout des élites selon leur mérite et non pas selon leur fortune et surtout de baser l'action du gouvernement et la politique sur l'intérêt général. Depuis on n'a pas fait mieux. Certes il y a eu l'apport des doctrinaires du contrat social avec principalement l'anglais John Locke et Jean Jacques Rousseau, sans oublier ou négliger le maître de la séparation des pouvoirs Montesquieu. Il y a eu aussi l'apport décisif de la science politique américaine de la deuxième moitié du 20e siècle avec les analyses systématiques de David Easton, Dalil Shils et Samuel Huntington, mais aucune voie ne peut prétendre à l'infaillible ou à la perfection. Toutes les constructions du « gouvernement idéal » buttent sur la nature de l'homme, son degré d'évolution sociale, l'impact majeur de la réalité géographique et économique y compris le climat si l'on se réfère aux recommandations fort pertinentes de Montaigne. C'est dire que la problématique du « meilleur gouvernement » est tout à relative du fait de l'inexistence de sociétés homogènes et de conditions identiques dans les contrées du globe. A cela s'ajoute l'histoire évènementielle la généalogie de la construction des Etats, les guerres et les conflits meurtriers de toutes sortes que l'humanité traîne à travers sa mémoire collective depuis que la domination de l'Homme par l'Homme et l'hégémonie, ont régné sur le monde. Pourtant cette impossibilité pour l'homme et les sociétés d'atteindre ce haut degré de perfection de l'organisation des pouvoirs publics et politiques n'a pas été que négative. Elle a poussé les hommes à inventer le pragmatisme ou ce qu'on appelle plus communément le réalisme. On peut sans atteindre l'absolu démocratique pratiquer une démocratie d'approche adaptée aux « réalités » de chaque pays et de chaque peuple. C'est ce qui s'appelle bâtir une démocratie « identitaire », qui tient compte des spécificités culturelles accumulées pendant des siècles et forgées comme la fonte dans le corpus des nations. Il reste bien entendu que tous les systèmes aussi bien de dictature et de despotisme que de démocratie ont un référentiel qui caractérise chacun d'eux. Le système totalitaire par exemple s'approprie l'Etat, l'économie et même la culture des peuples pour imposer son système d'étouffement de toute vie contradictoire dans la société. Avec Ben Ali par exemple la politique a été décapitée parce qu'elle est essentiellement plurielle. Du coup pendant 23 ans la politique était suspendue sur nos têtes sans jamais pouvoir la pratiquer. Quant au système démocratique qui est essentiellement polyarchique c'est-à-dire pluriel avec une séparation prononcée des pouvoirs il ne peut exister sans « garde-fous » c'est-à-dire une série de limitations de pouvoirs grâce aux lois pour prévenir les abus et les dérapages despotiques de toutes sortes. Dans les pays avancés les garde-fous peuvent être consensuels à cause du développement du rationalisme. C'est le cas de l'Allemagne par exemple où le respect de la loi rejoint l'éthique grecque de l'âge d'or de la philosophie. Mais souvent il faut les imposer par la loi et particulièrement la Constitution. Ce qui serait le plus indiqué à la veille des prochaines élections et une fois la constituante sur les rails c'est de commencer à codifier d'abord les garde-fous.. ! Et ce n'est pas faire de l'humour par exemple que d'interdire certaines pratiques qui ont été à l'origine des séries de désastres que la Tunisie a vécus depuis 23 ans. Parmi les garde-fous constitutionnels, il faut par exemple interdire à la femme du futur Président de la République (si on adopte le régime présidentiel) ou de celui du Premier ministre (si le régime est parlementaire) non seulement d'avoir une position au sein de l'Etat mais même de faire du « social » déguisé comme ce fut le cas avec la « Régente ». Autre interdiction : tout lien de parenté avec les autorités précitées, rend inéligibles à certains postes et fonctions sensibles ou de souveraineté comme le gouverneur de la Banque Centrale, le ministre de la Défense, de l'Intérieur ou celui du domaine de l'Etat ! Les garde-fous portent bien leur nom : prévenir la « folie » des gouvernants et surtout les folies des épouses ambitieuses ! Mais il y en a bien d'autres ! Nous y reviendrons !