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Quand la philosophie pense le courage...
Fenêtre pour la pensée
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 09 - 2010


Par Mehdi Ben Haj Mabrouk
La question classique que pose la philosophie à propos de la notion de courage est la suivante : le courage est-il matière d'apprentissage? Autrement dit, apprend-on à devenir courageux ? Cette question a été posée depuis la très lointaine Antiquité par les philosophes afin de vérifier le bien-fondé d'une conviction majoritairement partagée : le courage n'est autre qu'un don de la nature. Celle-ci, capricieuse, choisit certains en leur accordant cette faveur tandis qu'elle en prive d'autres, à sa guise. Une telle croyance implique alors que le courage soit une valeur rare, exclusivement détenue par une heureuse minorité.
Nous nous appliquerons dans ce bref article à suivre les traces d'une recherche philosophique concernant le courage dirigée par les deux personnages phares du paysage culturel grec: Platon et Aristote.
Il existe, dans le cas de Platon, tout un dialogue qui traite de la question du courage. Ce dialogue prend, à l'instar des autres dialogues socratiques, le nom du meilleur client, l'interlocuteur principal de Socrate : Lachès. Ce dialogue s'ouvre sur une question que posent deux pères, Lysimaque et Mélisias, qui veulent que leurs enfants connaissent les mêmes honneurs que leurs aïeuls : «Faut-il combattre tout armé ? » Une telle question fait allusion, sans ambages, au modèle aristocratique de l'homme chez les Hellènes : celui du vaillant guerrier. En effet, Homère a su — à travers les personnages d'Achille, d'Hector et d'autres — façonner un idéal de bravoure et de courage dont les jeunes générations devaient s'inspirer. Mais ce qui dérange Socrate dans cette question et précisément dans cette voie de recherche, c'est qu'elle est trop réductrice : «Je n'entendais pas parler uniquement du courage sur le champ de bataille, mais aussi dans les dangers de la mer, dans les maladies, dans la pauvreté, dans la conduite politique ; et plus encore dans la lutte contre le chagrin et la crainte, surtout dans celle contre le désir et le plaisir» (191 e). En d'autres termes, le courage sur le champ de bataille n'englobe pas, selon Socrate, l'essence du courage : on peut toujours parler du courage des marins face à la mer, du courage de certains malades, de certains pauvres… C'est pour cette raison que Socrate propose d'élargir le débat afin de déterminer une essence du courage au-delà de la multiplicité de ses manifestations. Il s'agit là d'un acte philosophique très intéressant : la déviation vers le concept. Il n'est plus question de savoir qui est courageux et en quoi se manifeste son courage, ou encore quels sont les exemples de courage que l'on connaît, mais de préciser la nature du courage, d'en identifier l'idée, de lui fixer une essence et une substance. Ce que nous voulons dire par là c'est que, même pour l'une des vertus cardinales de ce qu'on peut appeler « la sagesse pratique », le passage par la voie de l'étude théorique, ou à proprement parler de la contemplation, est obligatoire. On ne peut comprendre et donner sens aux choses de la vie qu'en passant par «la pente raide» de la science.
Pour Platon, tout est régi par les lois du logos, de la raison, de la connaissance et de la vérité. Et cela s'applique aussi au courage. On ne peut pas être courageux si on ne sait pas. Mais savoir quoi ? Platon répond pertinemment: «Les choses à craindre et celles qui ne le sont pas.» En effet, dans un dialogue intitulé Protagoras, Platon affirme que l'ignorance, qui est absence de connaissance quant à ce qui est à craindre et ce qui ne l'est pas, peut conduire à agir de manière poltronne et lâche ou téméraire et folle. L'erreur de jugement due au manque d'apprentissage et de science fait qu'on frôle le courage sans le rencontrer.
Aristote a beau vouloir se démarquer de Platon et de sa philosophie, il est resté tout de même platonicien dans la mesure où sa philosophie s'inscrit toujours dans le même paradigme de la contemplation et que, à l'image de la philosophie du maître, elle explore tous les aspects de la réalité par la science. Même si le Stagirite, dans son Ethique à Nicomaque, revient à une conception guerrière du courage formulée en ces termes : «L'homme courageux est celui qui persévère sans crainte devant une noble mort, ou de quelque péril imminent pouvant entraîner la mort», il n'en demeure pas moins que ce type de courage présuppose à son tour un apprentissage et une éducation d'ordre scientifique.
Il n'est pas indifférent de préciser qu'Aristote distingue le courage, qui est une juste mesure, de deux autres postures déraisonnables, dont l'une pèche par défaut et l'autre par excès. Il s'agit de la crainte et de la témérité. Dans ces deux derniers cas de figure, l'homme est dans l'incapacité de se maîtriser et de persévérer dans la fermeté devant les vicissitudes de la vie. A contrario, le courageux apprend à «tenir bon» dans toute situation. Cet apprentissage de la juste mesure, de la tempérance et de la modération lui permet, chaque fois, de discerner ce qui peut être réalisé et ce qui ne peut pas l'être. Autrement dit, et cela s'applique aussi bien à Aristote qu'à Platon, l'origine essentielle du courage est la raison et non «le cœur des hommes», comme on l'a toujours cru ou qu'on a tendance à le croire. L'homme courageux est, pour Aristote, celui qui se confond avec l'homme tempérant qui, lui-même, s'identifie à celui qui s'en tient fermement à sa raison. L'incontinence, qui s'oppose à la tempérance, est synonyme quant à elle de brutalité et d'indifférence à l'égard du logos, de la raison, de la connaissance et de la vérité. D'où l'idée que, en effet, ce souci de la vérité est au centre de la conception antique du courage. Socrate n'a-t-il pas affronté la condamnation et la mort pour rester toujours fidèle à sa vocation et pour «dire la vérité» (parrêsia) en toute circonstance (cf. Criton et l'Apologie de Socrate), sans crainte du qu'en dira-t-on et sans considération pour l'opinion des rhéteurs et des flatteurs qui n'ont d'yeux que pour la persuasion et la gloire. Aristote n'avait-il pas dit, au risque de se faire renvoyer de l'Académie où il est resté vingt ans, qu'on a le devoir de «renoncer même ce à quoi on est attaché dès lors qu'il s'agit de défendre la vérité.» D'où la célèbre maxime latine inspirée de ce passage: «Amicus Plato sed magis amica veritas» («Platon m'est cher, mais la vérité encore plus»).
Ce que nous avons envie de finir par dire en guise de résumé pour ce petit retour vers les origines de la pensée philosophique, c'est que le courage est, en effet, matière d'apprentissage et de science, mais surtout qu'il est le signe révélateur en l'homme de sa tempérance et de sa modération, et que partant il est ancré dans la paideia, dans la formation philosophique.


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