Des citoyens qui suivent de près la campagne électorale pour l'élection de l'Assemblée constituante, le 23 octobre, ont enregistré, avec toutes les réserves d'usage, l'intérêt et le souci particulier que les partis politiques en lice disent porter au respect de la règle du jeu, en acceptant le verdict des urnes et le résultat du scrutin, dans tous les cas de figure. Les réserves s'imposent, car, au-delà de ces déclarations d'intention jugées ‘'électorales'', certains citoyens nous ont confié avoir relevé, déjà, dans les discours des candidats de quelques listes en particulier, des prétentions moins rassurantes. Lors de leurs meetings électoraux, des partis politiques répètent, en effet, sans cesse, à leurs sympathisants et adhérents de base qu'ils sont les plus forts de la place et vont enregistrer les meilleurs scores et une victoire écrasante, alors que d'autres partis n'hésitent pas à avancer le pourcentage des voix qu'ils vont recueillir. Au même moment, le ministère de la justice a pris l'initiative de créer des chambres judiciaires spéciales pour recevoir et examiner les plaintes et contestations présentées par les listes électorales en compétition concernant les irrégularités constatées, dans le déroulement de l'opération électorale. A cet égard, des juristes nous ont précisé qu'abstraction faite de tout jugement de valeurs, la Tunisie indépendante n'a pas connu, jusqu'à présent, des gouvernements réellement légitimes, y compris les premiers gouvernements de l'indépendance dirigés par feu le président Habib Bourguiba, puisque le président Habib Bourguiba était arrivé au pouvoir en 1957, en renversant la monarchie en place et en chassant du trône le dernier des beys husseinites dont il était le Premier ministre et ce, grâce à une décision votée, sur sa demande, par l'Assemblée constituante, élue, entre temps. Le président Bourguiba s'était maintenu au pouvoir, durant plus de 30 ans, à coup d'élections truquées et d'amendements abusifs et sur mesure de la Constitution. Il avait été renversé, à son tour, et chassé du pouvoir, par l'ancien président déchu Zine el Abidine Ben Ali, le 7 novembre 1987, dont il était le Premier ministre, et ce à la faveur d'un coup d'Etat, sur l'invocation de quelques dispositions de la Constitution. Le président déchu Ben Ali s'est maintenu, à son tour, au pouvoir, durant 23 ans, grâce à des élections truquées et des amendements abusifs et sur mesure de la Constitution. Il a fallu le soulèvement populaire général, déclenché le 17 décembre 2010 et achevé en apothéose, le 14 janvier 2011, pour forcer le président déchu Ben Ali à quitter le pouvoir, fuir le pays, et offrir à la Tunisie, une nouvelle chance d'ériger un Etat réellement démocratique, après l'avortement de la première tentative ayant suivi la lutte de libération nationale et l'indépendance nationale, le 25 mars 1956. C'est le but fondamental de l'opération électorale, en cours, mais, entre l'aspiration et la réalisation, il y a un large fossé, comme l'attestent les expériences signalées. Des commentateurs rappellent, à cet égard, la polémique suscitée, il y a quelques mois, par les déclarations attribuées à l'ancien ministre de l'intérieur du gouvernement de transition, Farhat Rajhi, sur la possibilité d'annuler les élections en cas de victoire écrasante de quelques formations politiques, en particulier, bien que l'homme ait nié les avoir faites, dans ce sens et affirmé qu'elles avaient été mal interprétées. Toutefois, indépendamment de ces déclarations, plusieurs autres personnalités de divers domaines n'ont pas écarté des scénarios préoccupants et des issues moins réjouissantes de l'opération électorale, dans le cas de figure signalé, allant jusqu'à émettre l'espoir de ne pas voir la Tunisie, connaître le sort tragique qu'avait connu l'Algérie sœur, en sombrant dans une véritable guerre civile, après l'annulation des premières élections démocratiques organisées dans ce pays, dans les années 1980. Il faut placer, aussi, dans ce cadre, les appels pressants de juristes chevronnés et autres parties en vue d'organiser un référendum pour fixer au préalable la durée du travail et la mission précise de l'Assemblée constituante, afin d'éviter les dérives possibles, car, l'Assemblée constituante va détenir tous les pouvoirs entre ses mains. Doit-on dire que rien n'est encore joué, en Tunisie, car, l'histoire des Nations nous enseigne que certains individus peuvent prétendre incarner les aspirations populaires, et devenir des tyrans, en sachant flatter les passions des peuples.