Me Radhia Nasraoui, tête de liste de Tunis 2 du PCOT et présidente de l'Association tunisienne contre la torture «L'argent politique a fait des siennes» «Il va sans dire que la conscience politique des uns et des autres n'est pas la même et qu'un ventre affamé n'a pas de religion. Sa foi est l'argent. Celui-ci a été utilisé à mauvais escient pour acheter les consciences des gens des zones défavorisées et dans les quartiers populaires très fragilisés par leurs manques de moyens. Un monsieur m'a même confié qu'on lui a proposé un mouton pour l'Aïd. J'ai été dans des quartiers populaires et jamais j'aurais imaginée que les citoyens peuvent être autant dans le besoin. Les gens n'ont pas les moyens de se déplacer dans les transports en commun, n'ont pas de quoi se soigner dans la dignité ou même d'acheter la fourniture scolaire à leur progéniture. Sans oublier que les écoles dans ces régions qui sont surpeuplées. la religion aussi a été instrumentalisée par ce parti islamiste, lequel avait pour argument « Rabbi Yhassibcom » ( Dieu vous enverra sa disgrâce pour vous châtier) que ses militants rappelaient à tous ceux en qui ils ressentaient une quelconque réticence pour voter pour leur parti. Côté offre politique le Tunisien a été brouillé et j'accuse le gouvernement tunisien qui n'a pas réagi à cela pour couper court avec l'argent politique. Le gouvernement n'a pas rappelé à l'ordre les médias qui ont imposé leurs dictats pour mettre sur la sellette qui ils veulent et pour mettre au devant de la scène ceux qu'ils préfèrent sans observer aucune objectivité. Les gens qui ont un passé militant et ont en bavé de l'ancien régime ont été acculé aux oubliettes alors que des personnes ayant cautionné avec l'ancien régime continuent faire entendre leurs voix. Depuis le 14 janvier je n'étais invitée à aucun plateau télévisuel pour parler du programme du PCOTT, excepté un seul passage auquel j'ai été conviée pour parler de la liberté d'expression. Pis encore Je peux vous dire que le PCOT a été objet d'une campagne de dénigrement sans pareil. On a fait comprendre aux gens que Hamma Hammami ne croit pas en Dieu et partant de ce fait on ne peut lui confier l'avenir du pays. Le Tunisien a vécu sa première expérience avec les urnes et je suis persuadée qu'il multipliera les expériences en ce sens et que plus tard il ne sera plus dupe des partis qui misent sur son manque de conscience politique pour le prendre par les sentiments et l'amener à prendre des vessies pour des lanternes. »
Noureddine B'hiri, président du bureau politique d'Ennahdha «Si la Constituante n'honore pas ses engagements le peuple y répondra par le slogan ‘'Dégage'' » « La réussite d'Ennahdha n'est pas vraiment une surprise pour nous. Le paysage politique actuellement est celui d'un pays qui a mené à bien sa Révolution, laquelle a des objectifs qui attendent à être réalisés. C'est aussi le paysage de générations de Tunisiens qui se sont donné corps et âme pour voir ce jour où leur pays se libère du joug de la dictature. La Tunisie vit une situation exceptionnelle et il faut travailler d'arrache-pied, pour le moment, pour remettre les pendules à l'heure et commencer par les priorités. Il faut commencer par jeter un regard considéré aux zones défavorisées et mettre sur les rails des personnes oubliées de l'ancien régime. L'élaboration d'une constitution dans le cadre d'un régime républicain est aussi une priorité. Et si jamais la Constituante, qu'Ennahdha en fera partie, n'honore pas ses engagements le peuple y répondra par le slogan ‘'Dégage''. Sauf que le mouvement Ennahdha a pris sur lui, et ce depuis sa création, de toujours rester fidèle à ses promesses. C'est une responsabilité que le peuple nous confie et on doit être à la hauteur de la confiance des électeurs qui ont voté pour nous. Car on sera jugé dans le présent mais aussi dans l'au-delà. Le ministre des Affaires étrangères français a surpris l'opinion publique française en annonçant il y a peu en avançant qu'Ennhadha sera un parti démocratique. Nous avons toujours été dénigré de par le passé et montré du doigt par un régime dictatorial qui a usé et abusé de la dite menace islamiste rampante pour nous brimer, nous persécuter et nous rayer de l'existence. Ces pratiques reprennent de plus belle par une catégorie de la société. Je crois qu'il faut laisser le temps au temps pour en juger. » Mona BEN GAMRA
Me Sémir Ben Amor, tête de liste Tunis 1 du Congrès pour la République (CPR) «On ne peut plus raisonner en termes réducteurs de partis progressistes et de partis islamistes» « La paysage politique actuellement n'est autre que la consécration de la volonté du peuple. Toutes les parties doivent accepter le verdict des urnes car penser aux grands chantiers qui nous attendent pour construire l'avenir du pays, dans le cadre d'un gouvernement de salut national. Ennahdha s'impose sur l'échiquier politique et les résultats préliminaires qui le propulsent au devant de la scène sont attendus, même s'ils soufflent le chaud et le froid dans le moral de certains. On ne peut penser à constituer un nouveau gouvernement sans Ennahdha. C'est une donne que tous les partis politiques doivent accepter. Mais il faut se mettre à l'esprit aussi que toutes les forces politiques quelques soient leurs idéologies seront prises en ligne de compte dans ce nouveau gouvernement et qu'il n'aura pas de laissés-pour-compte. On ne peut pas raisonner en termes de partis progressistes et d'islamistes, car l'évolution des choses a bien montré que la gauche ne représente qu'un minorité qui ne pèse rien sur l'échiquier politique. Tout se joue entre le pole islamiste et celui des partis centristes. Le CPR en fait partie. A l'annonce du résultat final du scrutin les membres de l'Assemblée nationale constituante décideront de la personne qui présidera cette organisation nommera un gouvernement. Et c'est la première fois dans le monde arabe que la passation d'un gouvernement se fera d'une manière pacifique. Contrairement à ce que croient certains l'Assemblée constituante ne doit pas effrayer les citoyens car elle va les rétablir dans leurs droits. Sans oublier que le peuple aujourd'hui a dit son mot et il le redira si jamais les choses n'iront pas comme il le souhaite. La société civile et les partis politiques sont également vigilants. »
Abdessattar Ben Moussa, président de la LTDH «Il y a eu des dépassements dangereux» «Je ne pourrai me prononcer sur les résultats des élections qu'après l'examen des recours et le verdict des juridictions compétentes. Il y a eu beaucoup de dépassements dangereux qui ont été collectés par l'Observatoire National pour les Elections. Certains partis n'ont pas respecté les règles du jeu et ont essayé d'influencer les avis des électeurs en leur assurant les moyens de transport pour se déplacer aux bureaux de vote et/ou en leur donnant carrément de l'argent. Malheureusement, les personnes ont changé et les pratiques sont les mêmes. D'où l'importance de changer les lois. Reste qu'il faut dire que la Tunisie a vécu un événement démocratique malgré les lacunes enregistrées au niveau de l'organisation des élections par l'ISIE. Il faut, par ailleurs, accepter les résultats définitifs après l'examen des recours. Il n'en est pas question qu'une partie quelconque tire vers l'arrière la Tunisie laquelle n'acceptera pas les pratiques qui ont été appliquées par l'ancien régime. Il faut dire que la barrière de la peur est tombée et que le gouvernement ne doit pas commettre des dépassements. Il ne faut pas avoir peur par rapport à notre patri parce que les jeunes ont déjà prouvé leur détermination».
Ibrahim Letaïf, réalisateur «Au nom de la démocratie, une Révolution laïque est confisquée» «Au nom de la démocratie, une Révolution laïque a été confisquée. Je pense que la Révolution ne ressemble pas du tout aux résultats des urnes. L'opposition doit dans le cas de figure se réveiller au sein de la Constituante pour dire son mot. Ennahdha ne sera jamais démocratique. Mon rêve est d'avoir un grand parti avec des valeurs de gauche qui puisse s'opposer à Ennahdha qui n'a pas un vrai projet de société ».