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« Il est grand temps de finir avec les questions politiques et les clivages idéologiques. » Corps de métiers - Me Makki Jaziri, candidat à la présidence du Conseil régional de Sfax de l'Ordre des avocats.
Les élections du Conseil régional de l'Ordre des avocats de Sousse auront lieu cet après midi à l'hôtel Tej Marhaba. Demain auront lieu les élections des Conseils régionaux de Tunis et de Sfax. A la fin de ce week-end la liste des nouveaux membres du Conseil de l'Ordre des avocats sera finalisée. Dans le cadre de notre série d'interviews que nous avons réalisée avec la majorité des avocats candidats aux différentes structures du Conseil, notre invité d'aujourd'hui est Me Makki Jaziri, candidat à la présidence de la section des avocats de Sfax. Né en 1956, il est entré à la profession en 1985. Il est actuellement Secrétaire général de la section des avocats de Sfax et secrétaire général de la Ligue des droits de l'Homme de Sfax. Interview.
Le Temps : Comment évaluez vous la situation actuelle des avocats ? Me Makki Jaziri : La situation actuelle des avocats est très difficile mais elle n'est pas désespérée, nos difficultés professionnelles résident dans l'exiguïté des domaines d'intervention de l'avocat, dans la mesure où nombre d'affaires ne nécessitent pas sa présence. Cette situation n'a pas uniquement des implications financières mais aussi des répercussions sur la pérennité de l'état de droit et sur la bonne accessibilité du citoyen à la justice. Cette situation est, par ailleurs, aggravée par le nombre de plus en plus croissant des jeunes avocats. Ceux-ci, plus que les anciens éprouvent les difficultés les plus ardues à l'installation et à l'accession au métier de plain pied. Par ailleurs le barreau doit être de plus en plus sensible aux problèmes matériels de ses membres dans la mesure où ceux-ci garantissent la respectabilité et le confort minimum, garantissant une justice sereine et probe. Il n'est plus admissible de voir des jeunes avocats souffrir pour subvenir aux besoins primordiaux, ceux de payer les frais de leurs cabinets, certains d'entre eux, rares heureusement, s'en trouvent poussés à entretenir des relations louches avec certains agents ou intermédiaires, ce comportement illicite est très nuisible à la crédibilité et à l'honneur de la profession. Il n'est pas admissible de voir des cas de maladies graves soignées aux frais des victimes sans aucune sorte de couverture sociale. Ceci doit obligatoirement trouver les solutions adéquates dans un esprit positif de concertation et de dialogue.
Quelles sont d'après vous les solutions ? Je pense que le bâtonnier nouvellement élu, que je félicite au passage, et les membres du Conseil de l'Ordre sont appelés à être unis pour travailler de concert en vue d'obtenir les acquis escomptés, tels que la couverture sociale, la promulgation de nouvelles dispositions garantissant la protection de la probité de la profession. Bref il est de plus en plus urgent de focaliser l'action du bâtonnat sur les questions syndicales de manière à rassembler le corps autour des questions cruciales qui préservent la dignité de chaque avocat et par là-même, la bonne marche de la justice. Je suis de ceux qui pensent que les libertés et les droits fondamentaux du citoyen passent aussi par ce chemin. Je veux dire plus clairement qu'il est grand temps de laisser les questions politiques ou politiciennes et les clivages idéologiques au vestiaire du bâtonnat car elles relèvent de la compétence d'autres institutions créées pour cela. Mettre le focus sur ces questions d'appartenance politique ou de clans, quelle que soit leur nature, ne peut que diviser voire émietter notre corps de métier et l'affaiblir. Ceci dans le plus grand respect des opinions de tous. Quels sont les problèmes spécifiques à la section de Sfax ? Les conditions de travail de l'avocat dans le Sud tunisien sont particulièrement dures. Ceci résulte essentiellement du surnombre des affaires traitées dans des locaux relativement exigus, ce qui produit un effet de foule et de nervosité dans et aux alentours des tribunaux. Ceci peut sembler banal, mais un principe fondamental de justice en souffre, celui de la « sérénité du tribunal ». Cet encombrement est aggravé par le manque de personnel administratif et judiciaire ; ce qui se traduit par des délais plus longs et des retards à répétitions nuisibles au service public judiciaire et à la crédibilité de l'action de l'avocat.
Que proposez vous comme programme si vous êtes élu président de la section ? Je voudrais d'abord vous dire que j'ai pris l'initiative de publier un manifeste électoral, diffusé à l'ensemble de mes collègues sous forme de dépliant. Cette initiative consiste à signer un engagement, ou un contrat moral qui permettra à mes confrères, si je suis élu, de juger de la véracité de mes actes et de leur conformité avec mes déclarations. Dans ce manifeste, je mets en valeur les points suivants : - Ouvrir de larges horizons pour un dialogue permanent avec les responsables régionaux, basé sur la recherche de l'intérêt commun et sur le respect mutuel. - Agir de concert avec tous les intervenants pour limiter les pratiques contraires à la déontologie et nuisibles à l'honneur de l'avocatie. - Créer une commission scientifique, immédiatement après les élections, et ce, pour rehausser le niveau scientifique des avocats à travers une nouvelle conception des conférences de stages, qui devraient renforcer ses capacités à la plaidoirie et encourager la présence de tous les jeunes avocats afin de participer à la discussion des travaux exposés. Dans cette perspective, nous souhaitons faire participer les anciens avocat et surtout les avocats « émérites », nos sages retraités, à l'évaluation et à la discussion des conférences de stages. La commission scientifique devra également organiser des colloques et des séminaires programmés dès la rentrée judiciaire. Cette même commission, a pour tâche de suivre la promulgation des nouveaux textes de loi qui se rattachent à l'exercice de la profession et proposer des rapports explicatifs à l'ensemble des confrères. - Le renforcement du sens de la solidarité entre les membres du corps, à travers une meilleure connaissance personnelle des confrères entre eux, dans le cadre de clubs, à travers des excursions, des galas, surtout pour fêter la clôture de l'année judiciaire.
Quel avenir pour les jeunes avocats ? Pour garantir l'avenir des jeunes avocats, il est indispensable de commencer par le rattachement du nombre de diplômés au nombre potentiels d'intervenants dans les divers secteurs du droit (avocats, magistrats, huissiers, administrateurs etc.) de manière à ce que ce métier noble demeure à l'abri de l'encombrement, générateur de médiocrité. Il faut, par ailleurs, organiser de manière équitable la répartition des affaires, où les jeunes avocats sont commis d'office, en augmenter l'indemnité, qui est actuellement dérisoire, et permettre au Conseil régional de l'Ordre, de participer au choix des avocats commis d'office. Enfin il est nécessaire d'élargir les domaines où l'intervention de l'avocat est indispensable.
Que pensez vous de l'élection de Me Béchir Essid ? L'élection de notre bâtonnier, Me Béchir Essid est une preuve de la bonne marche démocratique de notre ordre. Puisqu'il a déjà occupé le poste de bâtonnier, je suis persuadé qu'il saura tirer les leçons des erreurs du passé et agir dans le meilleur sens pour améliorer les acquis de notre profession, défendre les intérêts de tous les avocats et les rassembler autour d'actions professionnelles et syndicales constructives.
Etes-vous optimiste pour la période à venir ? Je suis optimiste par nature, seulement, chaque fois que j'assiste à une assemblée générale où des comportements partisans, parfois fanatiques et acharnés se manifestent, je suis écoeuré ; ça me rappelle les meetings houleux du mouvement estudiantin de la fin des années soixante dix qui, comme nous le savons tous, se sont soldés par la ruine du mouvement syndical estudiantin. Je crois qu'il est temps de faire respecter le principe élémentaire de la démocratie qui est celui de l'écoute de l'autre et le respect de la différence. Ma devise est celle de Rosa Luxembourg « Il n'y a de liberté pour personne s'il n'y en a pas pour celui qui pense autrement » Interview réalisée par Afef BEN ABDELJELIL