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«La modernité, un ensemble de promesses mal tenues»
Colloque - Les nouveaux imaginaires démocratiques à Hammamet 3
Publié dans Le Temps le 06 - 12 - 2011

La troisième et dernière journée du colloque a débuté, ce samedi 3 décembre, par une intervention de monsieur Nelson Vallejo-Gomez (Colombie/France), Secrétaire exécutif de l'Académie de la Latinité, qui s'est intéressé à la triade « Errance/Hospitalité/Fraternité ».
En livrant une analyse tout en subtilité et en partie redevable au travail de Jacques Derrida, il a montré l'importance des figures de l'exil et du pèlerinage dans la construction des imaginaires civilisationnels, rappelant, avec un sens de l'à propos particulièrement bienvenu, qu'« en temps de crise majeure il faut réussir le défi de relier les contraires ».
D'autre part, en ces temps d'impatience politique, il s'est livré à un exercice de rafraichissement des mémoires, notant que « la démocratie et la liberté ne sont pas le programme de la politique, mais sont les conditions mêmes de son exercice ».
Avec un sens du partage parfois proche de la poésie, il a mis en pratique les mots d'Adorno, voulant que « la délicatesse entre les êtres n'est rien d'autre que la conscience que sont possibles des relations affranchies des finalités utilitaires ».
Monsieur Enrique Rodriguez Larreta (Uruguay) a pris ensuite la parole pour expliquer son analyse consacrée à la crise du futur et à l'anxiété démocratique. Il a brillamment démontré à quel point le discours dominant réfute toute alternative, générant par là même une prise de position ironique généralisée et proclamant, de fait, l'illusion de la subjectivité autorisant l'émergence de tous les intégrismes. Pour lui, la constatation que « la modernité est un ensemble de promesses non tenues » a généré l'épiphanie d'une posture cynique, visible dans toutes les couches sociales et dont les hommes politiques ne sont pas les moindres des représentants.
Dans une intervention baptisée « Démocratie, ton nom est personne », allusion au Cyclope Polyphème de l'Odyssée d'Homère, monsieur Jean-Michel Blanquer (France), agrégé de droit public, a tenté de définir la nature du lien entre la démocratie et la personne. En s'appuyant sur les exemples des figures antiques et sur d'autres plus récentes (Hérode, Richard III, etc.), il a établi des parallèles pertinents avec des réalités nettement moins mythiques (Moubarak, Khadafi, Ben Ali) et s'est interrogé sur la « condition du tyran » qui accréditerait l'existence d'une permanence de la condition humaine. Avec l'apparition de la « tyrannie systémique » (URSS), la sphère privée, qui restait jusqu'à lors en dehors de l'emprise de l'Etat, s'est vue livrée à l'appétit insatiable des polices politiques de tous bords. Pour autant, monsieur Blanquer a souligné le caractère vital du débat public ainsi que l'élaboration de contre-pouvoirs pour un bon exercice de la démocratie.
Dans une approche surprenante de prime abord, monsieur Daniel Innerarity (Espagne), chercheur en sciences sociales à l'Université du Pays Basque, a développé une approche originale de compréhension des phénomènes que connaît actuellement le monde en livrant une analogie audacieuse avec l'état gazeux, plus à même d'après lui de rendre compte de la complexité/rapidité des évènements. Ludique et vivifiante, son analyse l'a amené à déconstruire le « fantasme d'immunité totale » propre aux pays d'Europe en proie à une « illusion immunologique », thèses que n'aurait sans doute pas désavouées un certain Jean Baudrillard. Pour conclure, il a abordé la définition d'un monde « sans alentours », privé de toute altérité et réduit à une tautologie surabondante et mortifère.
Monsieur Jérôme Bindé (France) s'est ensuite exprimé, dans une intervention particulièrement « punchy », sur « les nouvelles synthèses culturelles et l'espace public ». Dans un style à la limpidité imparable, il a rappelé les similitudes avec la situation que connaissait l'Europe dans l'entre-deux-guerres; triomphalisme du libéralisme pas encore « néo », dissolution des empires, crise des régionalismes, érosion de la souveraineté des Etats. Il a constaté que la suprématie des marchés, désormais dotée d'une force de frappe qui les autorise à abattre des régimes et de « démissionner » des gouvernants, ne semble guère rencontrer de résistance du côté du politique. D'après lui, entérinant le divorce entre le marché et la démocratie, les peuples et les Etats seraient délestés de leur souveraineté, et seraient désormais livrés à des « maitres anonymes » manipulant un « avatar de démocratie » à leurs seules fins.
Madame Aspasia Camargo (Brésil) et monsieur Jean-Pierre Dupuy (France) ont abordé les thèses du développement soutenable et du danger nucléaire. Madame Camargo a, entre autres choses, déploré l'absence des pays arabes lors des négociations sur le développement et a plaidé en faveur d'un « new deal vert », quant à monsieur Dupuy, il a appelé à une prise de conscience sur le sujet du nucléaire, rappelant que, face à un tel potentiel à risques, les « intentions ne comptaient plus ».
Madame Susan Buck-Morss (USA) a rappelé que, malgré son statut d'illisibilité actuel, les théories et les descriptions établies par Karl Marx étaient en train de se vérifier. S'intéressant de très près au « printemps arabe », elle y a décelé la réapparition d'un internationalisme des luttes et des contestations et a souligné que dorénavant, les avant-gardes n'étaient plus dans les pays développés.
Pour clore cette journée marathon, la parole fut finalement donnée à monsieur Alain Touraine (France). Il a rappelé que l'existence de la nation était la condition sine qua non à la possibilité de la démocratie, devant se transformer ensuite en une pluralité de partis. Mais la globalisation, concentration sans aucun contrôle du système de décision entre les mains de quelques-uns, s'est rendu coupable de la rupture du lien entre le social et l'économique et a abouti à une désinstitutionnalisation puis à une disparition du langage social.
Toujours d'après lui, le monde globalisé se positionnerait maintenant « au-dessus du monde social » et cet état de fait ne pourrait rencontrer de résistance que dans l'universel, autrement dit dans les Droits; citant Hannah Arendt, il a rappelé que « l'être humain a le droit d'avoir des Droits ». Resserrant son propos sur l'actualité, il a noté que nous vivions dans des mondes où le religieux existait, mais où le sacré tendait à disparaître.
La qualité des interventions et des théories développées auraient sans doute mérité une plus large audience, gageons que lors de la prochaine venue de l'Académie de la Latinité en Tunisie l'ouverture d'esprit de ses organisateurs sera réceptive à un tel vœu.


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