Suite à la publication d'un article intitulé : Les candidats au bac face à un « épouvantail », dans votre édition du 29/06/2007 signé par Naceur Bouabid, je voudrais faire quelques remarques sur ce sujet qui est d'une importance capitale, de par son impact sur l'avenir de la langue française dans nos écoles. L'épreuve de français à l'examen du bac (première session), a été une surprise pour la majorité des élèves, comme l'a fait remarquer l'auteur de cet article et je dirai à mon tour que c'était un « massacre » : rien qu'en parcourant les notes affichées dans les lycées, on peut constater que, dans une même série, deux élèves seulement ont eu la moyenne en français sur un total de vingt candidats, ce qui fait seulement 10% du nombre total. Un collègue convoqué à la correction m'a même confirmé que sur les 150 copies qu'il avait corrigées, dix au maximum ont eu juste la moyenne ! (Espérons que les résultats de cette épreuve seront meilleurs à la session de contrôle !) Toujours selon ledit article, la responsabilité incombe à deux facteurs : la faiblesse flagrante des élèves en langue française et les maladresses commises au niveau de l'épreuve de français. Et M.Bouabid de conclure : « L'épreuve de français au bac doit cesser d'être une embûche devant nos élèves... » J'essaierai de répondre point par point. Concernant le niveau des élèves en français, il est vrai qu'il est en régression continue ; cela est sûrement dû à l'inefficacité des documents pédagogiques utilisés, aux manuels scolaires inadaptés et aux méthodes de l'enseignement de cette langue, considérée officiellement comme la seconde langue du pays alors qu'elle est devenue une langue étrangère et qui doit être enseignée comme les autres langues vivantes (anglais, italien, allemand...), c'est que la langue française, censée être la langue véhiculaire des matières scientifiques au secondaire n'est plus actuellement apte à accomplir cette tâche, la plupart des élèves étant incapables de la maîtriser, même en terminale, après au moins onze ans d'apprentissage de cette langue ! En effet, la maîtrise de la langue est une habileté clé pour la réussite aux études à tous les niveaux ; de même qu'il y a des exigences linguistiques de bases pour l'admission à tous les examens pour accéder à un niveau supérieur. Ce qu'on demande à un candidat au bac, c'est de comprendre un texte (fond et forme) et rédiger un texte argumentatif cohérent et bien articulé. Cette épreuve à deux volets demeure pourtant difficile à la majorité des candidats, car un élève ne possédant pas les compétences suffisantes en lecture et en écriture ne peut ni comprendre le texte (totalement ou partiellement) ni formuler un point de vue critique, écrit dans une langue correcte ! Et c'est le cas de la plupart de nos candidats au bac. La grammaire et l'orthographe font encore peur à nos élèves, malgré tous les efforts de simplification, de vulgarisation et de modification des contenus et des méthodes prévus par les nombreuses réformes concernant l'apprentissage de cette langue. Nos élèves n'accusent pas seulement un déficit linguistique, mais aussi le manque d'organisation et de méthode contribue à leur échec dans l'épreuve de français, vu que la plupart ne savent pas gérer le temps imparti à l'épreuve, allant jusqu'à négliger une ou plusieurs questions ou bâcler une conclusion, ce qui influe forcément sur la note reçue. Ajoutons à cela que les candidats de cette année et ceux des années précédentes n'ont pas reçu de cours de langue (grammaire, orthographe, conjugaison) depuis deux ans, les anciens programmes officiels préconisent la fin de l'étude des faits linguistiques à la fin de la 5è année secondaire (l'actuelle 2èannée), or comment peut-on exiger d'un candidat une rédaction sans fautes alors qu'il a abandonné les règles de grammaire et d'orthographe depuis deux ans ? Nos candidats sont vraiment excusables : la plus belle fille du monde ne peut pas donner au-delà de ce qu'elle a ! Espérons qu'à partir de la rentrée scolaire prochaine, avec les nouveaux programmes, la conception de l'épreuve de français changera et comportera trois volets, tout comme il se passe en France et presque dans tous les pays francophones. Ainsi l'élève sera interrogé sur des faits linguistiques (grammaire, conjugaison, orthographe), qu'il aura étudiés et assimilés au cours de l'année scolaire, tout en gardant les questions de compréhension et le sujet de rédaction, peut-être que les notes s'amélioreront. En ce qui concerne le deuxième point soulevé par M. N. Bouabid qui porte sur la nature du sujet, je tiens à préciser que quelle que soit la difficulté du texte, un élève moyen peut, après plusieurs lectures et par balayages répétés, accéder au sens du texte ; la formulation des questions peut l'orienter et l'éclairer sur certains aspects du texte (structure et contenu). De même le sujet de l'essai peut comporter implicitement ou explicitement le plan à suivre. Malheureusement, nos élèves s'ennuient rapidement, et pour peu qu'ils rencontrent un mot difficile, ils s'y embourbent, déraillent et abdiquent enfin ; certains remettent souvent un travail inachevé ou mal fait, d'autres utilisent des plans de travail passe-partout souvent sans aucun rapport avec le sujet proposé, ce qui les pénalise au niveau de la rédaction et de la qualité de l'argumentation ; d'où un résultat médiocre! Souvent le manque de culture générale chez le candidat contribue à cet échec à l'épreuve, en effet comment peut-on comprendre un texte si l'on ignore son auteur, l'œuvre dont il est extrait, son époque et le centre d'intérêt auquel il appartient. Toutes ces choses font cruellement défaut à la majorité de nos élèves pour la simple raison que la lecture, cet exercice fondamental, ne fait pas partie de leurs loisirs ! Pour ce qui est du barème auquel M. Bouabid a attribué un aspect punitif, disons que le barème est toujours jugé positivement ou négativement selon que le résultat obtenu est bon ou mauvais : il est jugé souple par certains et sévère par d'autres, bien qu'il soit scrupuleusement établi selon des critères bien précis en tenant compte des compétences linguistiques et culturelles du candidat, c'est-à-dire son habileté à comprendre le texte, à en rendre compte par écrit et sa capacité à rédiger un texte cohérent dans un style personnel et sans fautes. Voilà ce qu'on attend d'un élève moyen D'ailleurs, ses critères sont de rigueur à tous les examens du bac dans tous les pays. Le principe est simple : on doit valoriser ce qui est réussi et pénaliser ce qui est raté. Un correcteur, tout en mesurant la maitrise globale de la langue, est appelé également à comptabiliser les fautes d'orthographe, de syntaxe et de ponctuation. La présentation générale du travail et la lisibilité de l'écriture entrent aussi dans l'appréciation. Ce sont là des exigences auxquelles nos candidats ne prêtent pas l'attention nécessaire. Il y a certes des élèves qui parviennent à répondre aux questions et à rédiger dans le sujet mais leurs productions sont bourrées de fautes, d'autres présentent des copies pleines de chinoiserie et de charabia et l'on y rencontre souvent le nouveau langage et les nouvelles formes d'écriture du Chat et des SMS ! Aucun système éducatif ne peut tolérer de telles incorrections : la langue française est tout un ensemble de règles et d'exceptions qu'il faut appliquer ; les négliger, c'est porter atteinte non seulement à la spécificité de cette langue mais surtout à toute une culture et une civilisation fondée sur cette même langue ! Cependant, les faits sont là. Les résultats de nos élèves en français sont de plus en plus faibles ! Que faire ? Il est grand temps de modifier les méthodes d'enseignement de cette belle langue de Molière dans nos écoles, à tous les niveaux. Le ministère de tutelle saura assumer ses responsabilités en prenant les mesures nécessaires susceptibles de préserver le statut de la langue française en Tunisie et d'améliorer le niveau de nos élèves afin d'éviter toutes les surprises lors des examens nationaux. Hechmi Hechmi Khalladi (Enseignant)