Quoiqu'on ait dit et quoiqu'on ait écrit sur les outrages et les infractions incessamment perpétrés, pour les démasquer et les dénoncer, il n'est jamais assez eu égard aux proportions alarmantes et à la tournure dramatique qu'ils ont pris et au vu de l'ampleur des dégâts causés, en majorité indélébiles et irrémédiables, écœurants et attristants, n'ayant épargné aucune région de l'île de Djerba. Rien ne semble, en effet, aller dans le bon sens ; tout demeure inchangé, et l'état des lieux ne fait qu'empirer jour après jour. Ni les innombrables correspondances adressées instantanément à qui de droit par l'Association pour la Sauvegarde de l'île de Djerba pour dénoncer tous les cas de nuisance dès leur survenue, ni les doléances manifestement formulées par l'opinion publique, ni la gravité de la situation illustrée on ne peut plus clairement par le constat en vigueur alarmant, catastrophique et révoltant communément répandu dans tout le territoire de l'île, n'ont eu l'effet escompté sur les détendeurs de l'autorité, les décideurs et les fauteurs pour repenser leurs attitudes et agir salutairement et à bon escient à l'égard d'une île pour longtemps malmenée et massacrée. Le désespoir des habitants, et des nombreux amoureux et amis de l'île est tel qu'ils ne savent plus à quel saint se vouer pour arrêter le mal qui la ronge, qui prolifère à tel point qu'il suscite tant leur indignation qu'une vive préoccupation. Triste constat La campagne djerbienne, jadis douce, verdoyante et rieuse, n'est rien que l'ombre d'elle-même. Prise d'assaut par le béton faute d'un schéma directeur d'urbanisme fixant les orientations fondamentales de l'aménagement du territoire, et planifiant les modes d'organisation et de distribution de l'espace à l'échelle de l'île, de tout son territoire indivisible et indissociable, elle s'urbanise de manière anarchique, provoquant la défiguration et la dégradation du site naturel. Qu'y reste-t-il de tout ce qui a fait sa renommée légendaire? Qu'est-il advenu de ses menzels naguère grouillant de vie, de ses vergers témoins d'une intense activité agricole, de sa biodiversité, de son patrimoine bâti avec ses houchs, ses ateliers de tissage, ses vieilles mosquées, ses huileries souterraines, de ses plages de sable fin infiniment étendues ayant fait les beaux jours du tourisme dans l'île, de ses belles et somptueuses dunes bordières, du savoir-faire de ses habitants, etc… ? Abandonnés et en friche, les menzels sont à pleurer, tant leur état est attristant, contrastant avec leur rayonnement d'antan. Quant au patrimoine bâti, il n'en reste que l'ombre de ces si belles structures séculaires ayant marqué agréablement leur temps et séduit plus d'un par leur originalité architecturale, malheureusement aujourd'hui décadentes et ruiniformes. Il faut être un fortuné de première heure pour dénicher un houch dans la plénitude de sa vocation, ou un atelier de tissage encore sur pied, identifiable au fronton triangulaire qui surmonte sa porte d'entrée, ou encore une de ses anciennes mosquées séculaires ayant échappé à la défiguration, ou même une huilerie souterraine car toutes aujourd'hui abandonnées et ensevelies sous les gravats. Les plages se sont tout simplement rétrécies, amincies pour ne plus quasiment exister dans maints endroits sous l'effet dévastateur d'une forte action érosive due à l'élévation du niveau de la mer découlant du réchauffement spectaculaire de la planète. Au lieu d'en tenir compte pour en atténuer l'impact, nos promoteurs hôteliers n'ont fait qu'aggraver leur cas en aménageant leurs unités, telles une muraille imposante, en front de mer, entravant de la sorte l'approvisionnement de la côte en sédiment apporté par les vents du sud pour compenser le déficit engendré par l'érosion, Par ailleurs, le territoire de l'île, du nord au sud, d'Est à Ouest est parsemé de cratères monstres résultant d'une vieille et intense activité d'extraction du sable et de la pierre, vite récupérés par d'autres vautours pour s'en servir comme des dépotoirs anarchiques dégoûtants, nauséabonds, à faire rougir de honte, où sont déversés pêle-mêle des déchets et des restes de chantiers des hôtels en construction ou en restauration. Quoique interdites, ces activités continuent de faire des ravages irrévocablement préjudiciables, effectuées par des particuliers faisant de cette vile besogne métier et profession, et des entrepreneurs agissant à la solde du ministère de l'Equipement dans le cadre des grands chantiers de réfection de certains axes routiers, et qui s'en prennent avec voracité au sol et à l'environnement. Faite de terres basses, soumise de ce fait aux impacts directs de l'élévation du niveau de la mer découlant du réchauffement climatique, l'île de par sa topographie ne peut aucunement supporter de telles activités sur son sol, et nos responsables le savent pertinemment, mais ne font rien pour les contrecarrer. De surcroît, ses zones humides pourtant classées dans la liste Ramsar des zones humides d'importance internationale ont été à leur tour prises d'assaut par des promoteurs souvent ignares, cupides et peu enclins à la cause de l'environnement et qui ont trouvé dans le silence parfois complice des autorités un meilleur stimulant pour persévérer et aller de l'avant dans leur nuisance, bravant les recommandations dictées par la convention dûment ratifiée par l'Etat tunisien. La société civile à la rescousse L'ignorance déplorable et l'égoïsme exacerbant dont font montre certains citoyens, le laxisme de qui de droit, l'état d'impunité continuant étrangement de prévaloir, sont autant d'ingrédients à même, associés, d'aboutir à cette recette explosive, à ce constat accablant, à ce triste sort auquel est réduite l'île de Djerba qui est en phase de perdre jour après jour son capital patrimonial, son potentiel environnemental, ses ressources, tout ce qui a fait par le passé ses plus beaux jours. Son site naturel atrocement agressé, dégradé et métamorphosé, son patrimoine bâti délabré ou défiguré, son environnement négligemment pollué, bref, dépossédée de tout son potentiel qui faisait sa renommée, qu'aura à présenter cette île pour intéresser, pour convaincre et séduire, pour être au diapason des destinations touristiques dans notre pays, pour être toujours la poule aux œufs d'or qu'elle était, pourvoyeuse d'embauche, source intarissable de devises? Il est urgent d'intervenir en faveur de cette l'île qui ne peut que confier son sort aux responsables au plus haut niveau de l'Etat, de l'Equipement, de l'Environnement, de l'Agriculture, de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine, du Tourisme qui ont, certes, d'autres préoccupations en tête et d'autres priorités dans cette conjoncture difficile que traverse notre pays. Mais, il suffit de peu pour répondre aux doléances jamais satisfaites des insulaires en désespoir de cause, pour soulager cette île lasse de tant d'années d'abus, d'exactions de tous genres et de tous bords : un clin d'œil indulgent et salutaire de leur part devra suffire pour bousculer la conscience des responsables et finir avec le laxisme coutumier, parfois prémédité et complice, de certains décideurs corrompus et indignes de la fonction qui leur est assignée, mais qu'ils remplissent si mal. Entretemps, et dans l'attente de jours meilleurs pour une île en détresse et d'une implication effective de toutes les forces vives et agissantes, l'Association pour la Sauvegarde de l'Île de Djerba (Assidje), pionnière en la matière, ayant ramé longtemps seule contre vents et marées, et l'Association Jerba Mémoire, dépitées par un tel gâchis patrimonial et environnemental et par ses atteintes continuelles d'une telle ampleur aux ressources et aux spécificités de l'île, ont pris l'initiative d'organiser samedi 04 février une journée de sensibilisation comprenant des visites de découverte des zones affectées et endommagées, couronnées par la tenue d' une table ronde pour réfléchir quant aux mesures urgentes à entreprendre et au plan d'actions, et à laquelle ont été conviés des composantes de la société civile en pleine effervescence, connaissant à l'heure actuelle un moment d'éveil et de conscience citoyenne, et des citoyens ayant afflué en masse à l'appel .